Malgré les obstacles des autorités, des bénévoles du Secours catholique ont pu accompagner des migrants se laver, mais sous strict contrôle policier.
«Shower good.» Ils ont pris une douche, et c’est
une victoire. Provisoire. Au milieu du grand hangar du Secours
catholique à Calais, ils lèvent le pouce et sourient devant un thé
sucré. Une trentaine de jeunes exilés ont réussi à se laver vendredi.
Sous l’œil du délégué du Défenseur des droits, ces migrants érythréens
et soudanais sans papiers, mineurs dans leur immense majorité, ont
franchi les contrôles de police et accédé aux délices de l’eau chaude.
Un repos minuscule pour cette bande d’ados polis, avant une nuit de dangers sur la route de l’Angleterre. Il leur a fallu donner une liste de noms et de dates de naissance. Et répondre «non» aux CRS qui leur demandaient s’ils voulaient partir en foyer.
Jeudi, 25 personnes avaient pu se laver. Mercredi, les policiers avaient embarqué tout le monde… et finalement relâché les jeunes un quart d’heure plus tard. Vendredi après-midi sous le soleil, dans le camion qui mène aux douches, sept personnes, dont six mineurs, parmi lesquels une jeune fille de 16 ans. Le majeur, un Soudanais, a de sérieux problèmes psychologiques. Tous savent que la police peut les arrêter. Mariam Guerey, animatrice, conduit : «Ils sont épuisés. A l’accueil de jour, où les migrants sont abrités et nourris de 9 heures à 18 heures, certains sont tellement fatigués qu’ils hésitent entre dormir et aller se doucher. Le matin, on leur ouvre la porte, ils mangent un peu et vont tout de suite se coucher.»
Mariam Guerey : «Tout ça pour des jeunes qui veulent se laver.» Un CRS : «Pourquoi ils vont pas en foyer ? Il fait froid. Ils sont jeunes, ils jouent à un jeu dangereux». Mariam : «Ils essaient de passer en Angleterre, ils sont crevés, ils dorment pas la nuit.» Elle raconte qu’en Erythrée, «c’est le service militaire à vie, même pour les filles». Que quatre sont passés en Angleterre la veille, tous mineurs, dont un de 13 ans, «après avoir galéré un mois». Douche autorisée. On revoit Abdelazim, Soudanais du Darfour, croisé début février. Il est toujours d’une maigreur effrayante : «Il ne faut pas dormir, c’est du temps perdu.»
Le Secours catholique a alerté le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme. La mise à l’abri des mineurs fonctionne, selon la préfecture, qui assure que s’il n’y a plus de place au foyer de Saint-Omer à 50 kilomètres de là, d’autres sont libérées par l’Aide sociale à l’enfance. Mais on croise souvent des mineurs arrêtés, et aussitôt relâchés. «Il y a une défaillance», déplore Bernard Thibaud, secrétaire général national du Secours catholique. «Les décisions prises se traduisent dans les faits par un abandon total. L’argument de la mise à l’abri a ses limites, ils sont en danger dans le Calaisis. Or, face aux carences de l’Etat, des actions de solidarité se mettent en place, et au lieu de les encourager, les pouvoirs publics se mobilisent pour dissuader, faire pression, intimider. C’est grave. Il y a un déni de réalité.»
Dans le camion du retour, Abdelazim s’épanche encore. «Tous les jours, je vois la mort. Si je meurs, dit-il à Mariam, tu leur diras de m’enterrer au Soudan d’accord ?» Un jeune Ethiopien, Jemal Jani Siraj, fauché par un camion sur l’A16 et mort le 21 janvier, a été enterré mercredi au cimetière de Calais.
Un repos minuscule pour cette bande d’ados polis, avant une nuit de dangers sur la route de l’Angleterre. Il leur a fallu donner une liste de noms et de dates de naissance. Et répondre «non» aux CRS qui leur demandaient s’ils voulaient partir en foyer.
Jeudi, 25 personnes avaient pu se laver. Mercredi, les policiers avaient embarqué tout le monde… et finalement relâché les jeunes un quart d’heure plus tard. Vendredi après-midi sous le soleil, dans le camion qui mène aux douches, sept personnes, dont six mineurs, parmi lesquels une jeune fille de 16 ans. Le majeur, un Soudanais, a de sérieux problèmes psychologiques. Tous savent que la police peut les arrêter. Mariam Guerey, animatrice, conduit : «Ils sont épuisés. A l’accueil de jour, où les migrants sont abrités et nourris de 9 heures à 18 heures, certains sont tellement fatigués qu’ils hésitent entre dormir et aller se doucher. Le matin, on leur ouvre la porte, ils mangent un peu et vont tout de suite se coucher.»
«Défaillance»
Dans la camionnette, tout le monde regarde en silence le port et la mer, alors qu’on passe sur la rocade. Arrivé au hangar des douches, les CRS. Ils réclament les papiers. Les jeunes n’en ont pas. «Faites une liste avec noms, dates de naissance, et pays d’origine.» Mariam supplie qu’en attendant, la jeune fille puisse aller se laver. Un CRS : «Tout le monde va rentrer, il faut pas vous enflammer.» Sur le trottoir, Vincent De Coninck, chargé de mission du Secours catholique pour le Pas-de-Calais demande à voir les réquisitions du procureur qui permettent ces contrôles. Les policiers les montrent, juste quelques secondes. Où l’on découvre qu’elles ont été prises pour lutter contre «le vol», les «infractions aux stupéfiants», entre autres, dans les rues alentour. Le Secours catholique, par l’intermédiaire de son avocat, tente d’obtenir trace écrite depuis plusieurs jours, en vain.Mariam Guerey : «Tout ça pour des jeunes qui veulent se laver.» Un CRS : «Pourquoi ils vont pas en foyer ? Il fait froid. Ils sont jeunes, ils jouent à un jeu dangereux». Mariam : «Ils essaient de passer en Angleterre, ils sont crevés, ils dorment pas la nuit.» Elle raconte qu’en Erythrée, «c’est le service militaire à vie, même pour les filles». Que quatre sont passés en Angleterre la veille, tous mineurs, dont un de 13 ans, «après avoir galéré un mois». Douche autorisée. On revoit Abdelazim, Soudanais du Darfour, croisé début février. Il est toujours d’une maigreur effrayante : «Il ne faut pas dormir, c’est du temps perdu.»
Le Secours catholique a alerté le Défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l’homme. La mise à l’abri des mineurs fonctionne, selon la préfecture, qui assure que s’il n’y a plus de place au foyer de Saint-Omer à 50 kilomètres de là, d’autres sont libérées par l’Aide sociale à l’enfance. Mais on croise souvent des mineurs arrêtés, et aussitôt relâchés. «Il y a une défaillance», déplore Bernard Thibaud, secrétaire général national du Secours catholique. «Les décisions prises se traduisent dans les faits par un abandon total. L’argument de la mise à l’abri a ses limites, ils sont en danger dans le Calaisis. Or, face aux carences de l’Etat, des actions de solidarité se mettent en place, et au lieu de les encourager, les pouvoirs publics se mobilisent pour dissuader, faire pression, intimider. C’est grave. Il y a un déni de réalité.»
Enterrement
Le tribunal administratif avait condamné le 13 février la ville de Calais pour avoir installé une benne à ordures devant le Secours catholique afin d’empêcher l’association d’y installer des douches pour les migrants. La ville a ensuite signé un arrêté interruptif de travaux, contre la mise en place des douches. Il y a ces jours-ci entre 200 et 400 migrants à Calais selon le Secours catholique. Depuis le 10 février, contre l’avis de la mairie et de l’Etat, l’association offre des douches aux exilés, de retour à Calais depuis le démantèlement de la «jungle». Mais, pour la préfète du Pas-de-Calais, elles ne peuvent «que contribuer à créer un point de fixation à Calais, ce que nous voulons éviter».Dans le camion du retour, Abdelazim s’épanche encore. «Tous les jours, je vois la mort. Si je meurs, dit-il à Mariam, tu leur diras de m’enterrer au Soudan d’accord ?» Un jeune Ethiopien, Jemal Jani Siraj, fauché par un camion sur l’A16 et mort le 21 janvier, a été enterré mercredi au cimetière de Calais.
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