International
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5 janvier 2017
| Mise à jour le 6 janvier 2017
Le Français
Thomas Gallay est emprisonné depuis février 2016 au Maroc. Il est accusé
de liens avec une mouvance djihadiste, ce qu'il a toujours nié. Sa
famille et plusieurs ONG dénoncent les agissements de la police locale,
alors que le verdict de son procès en appel doit intervenir dans les
prochaines semaines.
Thomas Gallay est actuellement enfermé à la prison de Salé, près de Rabat. (DR)
Il
attend depuis onze mois que la justice marocaine le sorte de ce
cauchemar. Depuis son arrestation le 18 février 2016 à son domicile
d'Essaouira, où il travaillait alors, Thomas Gallay dort en prison,
accusé de liens avec des djihadistes, ce que lui et sa famille
contestent totalement. Condamné à six ans de prison ferme en première
instance le 14 juillet dernier, cet ingénieur français de 36 ans espère
que les magistrats marocains entendront sa version des faits, celle
d'une erreur judiciaire établie sur la base de fausses déclarations,
alors que le procès en appel se déroule en ce moment même. Mercredi, le
procureur du tribunal de Rabat a requis la même peine à l'encontre du
Français, alors que la plaidoirie de son avocat, Me Frank Berton, doit intervenir dans le courant du mois de janvier.
"Mon
fils est innocent, il a été condamné sur la base d'un procès-verbal qui
ne correspond en rien à ses déclarations", assure au JDD sa
mère, Béatrice Gallay. Selon elle, Thomas Gallay a été contraint de
signer un PV en arabe qu'il ne comprenait pas à l'issue de sa garde à
vue de 12 jours, durant laquelle il n'a jamais été assisté par un
avocat. "Il a d'abord refusé, mais la police lui a assuré qu'il serait
libéré s'il signait, ce qu'il a fait finalement", poursuit celle qui
s'est installée au Maroc pour le soutenir. Avec d'autres membres de sa
famille, ils ont monté un comité de soutien et lancé une pétition en ligne pour attirer les regards sur cette affaire.
"Une pratique récurrente des tribunaux marocains"
Dans
le procès-verbal qui contient les supposés aveux de Thomas Gallay, la
police marocaine aurait prêté au Français "une conversion à l'islam qui
n’a jamais existé" pour expliquer la suite : des liens avec la mouvance
djihadiste et un soutien financier à des personnes projetant des actes
terroristes. Thomas Gallay reconnaît seulement avoir donné, en trois
versements, la somme de 69 euros à une de ses connaissances, un
ressortissant marocain - "notamment à l'occasion des obsèques de son
père", selon sa cousine Catherine Gallay -, lui-même interpellé lors du
coup de filet de février 2016, et dont il assure qu'il ignorait les
liens supposés de cet homme avec le terrorisme.
Trois ONG de défense des droits de l'Homme - Human Rights Watch
(HRW), la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme
(FIDH) et Amnesty international - soutiennent Thomas Gallay. En novembre
dernier, elles ont publié un communiqué pour s'insurger des conditions
d'instruction de l'affaire, qui selon elles, "illustrent une pratique
récurrente des tribunaux marocains qui est de se baser sur des
déclarations qui auraient été faites à la police". "Les tribunaux ont
l'habitude d'ignorer ou de rejeter d'office les arguments de la défense
qui plaide que les policiers ont utilisé des méthodes douteuses pour
obtenir des aveux (...)", poursuivait le communiqué.
La France "souhaite rapidement trouver une issue favorable"
Un
soutien qui ne suffit pas, pour le moment, à faire pencher la balance
en faveur du Français. En plus de son avocat marocain, la famille s'est
assurée les services d'un ténor du barreau, Frank Berton, en septembre.
Le Lillois doit se rendre à Rabat le 18 janvier pour plaider, et sa
tâche ne s'annonce pas aisée. "La justice marocaine demande qu'il le
fasse en arabe", s'insurge la mère de l'accusé, qui y voit une nouvelle
manière de biaiser le verdict. Elle reste pour l'heure en contact
régulier avec le Quai d'Orsay et la Consule de France à Rabat, qui la
"reçoit comme la maman d'un innocent emprisonné", assure-t-elle. Sans
commenter ces propos, une source diplomatique déclare au JDD que
la France "exerce sa protection consulaire et (que) deux agents du
Consulat ont assisté aux audiences". Paris "souhaite rapidement trouver
une issue favorable" sur ce dossier, explique-t-on.
Dans
le même temps, les autorités françaises rappellent que les dossiers
liés au terrorisme sont très sensibles. Les relations judiciaires entre
le Maroc et la France se sont distendues au cours du quinquennat de
François Hollande, avant de progressivement se réchauffer. "Au Maroc,
même si la police vous empêche de lire 'vos aveux' ou qu'ils sont
rédigés dans une langue qui vous est incompréhensible, une fois que vous
les signez, vous voilà embarqué sur un train fou, destination prison",
avait dénoncé en novembre Sarah Leah Whitson, directrice de la division
Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW. La famille de Thomas Gallay
redoute qu'elle ait vu juste.
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