Mon Chemin De Croix : rencontre avec Souleymane Baldé
Le vendredi 16 décembre, à l’occasion de la journée internationale des migrantEs, Rachid Oujdi venait présenter au Café son film «J’ai marché jusqu’à vous : Récits d’une Jeunesse Exilée»
(sur la situation des mineurEs ditEs «isoléEs» à Marseille), en
compagnie de HK, compositeur de la musique du film qui concluait la
soirée par un petit concert.
Souleymane Baldé a présenté au cours de la même soirée son
exposition «Mon Chemin De Croix» : 14 tableaux brodés qui retracent les
étapes importantes de son périple d’un an et demi, depuis son départ de
Guinée jusqu’à son arrivée en France. Il a accepté de revenir pour nous
sur son parcours dont voici un résumé.
Souleymane Baldé est guinéen (de Guinée-Conakry), originaire de
Mamou. Il vit de l’artisanat en réalisant du crochet et de la broderie.
En 2014 l’épidémie Ebola sévit en Guinée. Les frontières entre les pays
limitrophes se ferment mais malgré cela Souleymane quitte son pays pour
se rendre non sans mal au Sénégal, à M’Bour. Il est rapidement aidé par
le propriétaire d’un restaurant qui l’héberge et lui permet de vendre
ses œuvres aux touristes de passage.
Pendant cinq mois, Souleymane reste
à l’écart de la ville et des contrôles de police. La situation ne
s’arrangeant pas en Guinée, il se rend au Mali, à Bamako. Motivé par la
réussite qu’il a connu au Sénégal, il poursuit la vente de ses produits
artisanaux.
Au Mali, les conditions de vie sont plus difficiles. Néanmoins il se
lie d’amitié avec deux guinéens voulant rejoindre l’Europe. Ils
convainquent Souleymane de faire le voyage avec eux. Ils doivent
rejoindre l’Algérie. D’ordinaire se débrouillant seul, Souleymane doit
alors payer un passeur pour se rendre du coté algérien, mais les choses
ne se déroulent pas comme prévues. Il est abandonné à Gao, au centre
d’une zone contrôlée par un groupe de rebelles indépendantistes. Il fuit
cet endroit et voyage caché à l’arrière d’un camion en plein désert
pendant une semaine. Il est de nouveau abandonné par un autre passeur à
Khalil, non loin de la frontière algérienne. Désormais sans argent,
Souleymane est confronté au trafic d’êtres humains.
Une semaine plus tard il arrive à Bordj Badji Mokhtar (première ville
algérienne après la frontière) où il est directement transféré dans un
camp dirigé par des « chefs » comme il en existe aujourd’hui un peu
partout. Il travaille du matin au soir, se pliant aux ordres tel un
esclave, gagnant juste assez d’argent pour payer un autre passeur qui
l’emmène dans un autre camp… Son statut de clandestin peut lui valoir de
trois à six mois de prison ferme, il sait donc qu’il n’a droit ni à
l’erreur, ni à la contestation.
Arrivé des mois plus tard à Maghnia, à la frontière marocaine, il est
repéré par des militaires alors qu’il tente de franchir cette dernière.
Il est emprisonné pendant trois semaines. À sa sortie, il a
l’obligation de quitter le territoire algérien en moins d’une semaine. À
sa deuxième tentative, il réussit à franchir le fossé et les barbelés
qui le séparent du Maroc grâce à l’aide d’autres migrants. Mais là
encore, il est repéré par des militaires. Il sera torturé toute une nuit
et renvoyé en Algérie sans le moindre argent. La troisième tentative
est la bonne. Il parvient à rejoindre la ville de Oudja. Passant par
plusieurs villes et camps, Souleymane réussit à entrer en Espagne par la
mer après deux essais manqués, et meurtriers pour nombre de ses
compagnons d’infortune. Il est secouru dans les eaux internationales,
d’où il est escorté jusqu’à un centre de séjour temporaire. Il y passe
quatre mois, à attendre son laisser-passer.
Peu après son obtention il se rend à Madrid grâce à l’association Dianova
qui vient en aide aux jeunes migrantEs. Il se dirige ensuite à Lille où
il vivra avec une centaine d’autres migrantEs dans une tente pendant
six mois avant d’être pris en charge par un foyer.
Souleymane Baldé aura dû traverser six pays, les épreuves de la
prison, de la torture, et frôler la mort à plusieurs reprises pour
rejoindre la France. Aujourd’hui il passe un baccalauréat professionnel
dans le secteur du bâtiment à Lille. Souleymane est aussi engagé dans
l’association européenne Sharing Is Caring qui a pour but d’améliorer les relations entres immigrés et populations locales.
Merci à P.NK1/ fokus 21 pour les belles images (en creative commons) de la soirée. Vous pourrez retrouver d’autres images de la tournée de Rachid Oujdi et de HK par ici et d’autres photos et infos sur le site de Fokus21.
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