Vingt-et-un
militants sahraouis détenus depuis 2010 et condamnés à des lourdes
peines en 2013 comparaissent devant la cour d’appel de Rabat depuis
lundi 23 janvier.
Le comité de l’ONU contre la torture a condamné
le Maroc en décembre dernier pour ses multiples violations de la
convention contre la torture.
Le comité de l’ONU contre la torture a condamné le Maroc en décembre dernier pour ses multiples violations de la convention contre la torture.
Le
Maroc viole le droit international humanitaire ou droit de la guerre.
La lourde charge est portée par l’association chrétienne contre la
torture et la peine de mort (Acat). Et c’est ce que plaident les avocats
– soutenus par un collectif international de 64 avocats (1) – lors du
procès en appel de 24 militants sahraouis qui s’est ouvert lundi 23
janvier à Salé près de Rabat dans une ambiance extrêmement houleuse.
21 militants sahraouis détenus depuis plus de six ans
En novembre 2010, dans les heures et les jours qui suivent le violent démantèlement du camp de protestation sahraoui de Gdeim Izik près de Laayoune, la grande ville du Sahara occidental, 24 militants sahraouis sont arrêtés et emprisonnés, accusés d’avoir tué onze membres des forces de l’ordre.Vingt et un d’entre eux, condamnés en 2013 par le tribunal militaire à de lourdes peines, allant de vingt ans de prison à la réclusion à perpétuité, sont toujours détenus (deux ont purgé leur peine et un autre a joui d’une libération conditionnelle pour raisons de santé). « Ils ont été torturés, et des aveux « stéréotypés » que les autorités ne se sont même pas donné la peine de personnaliser leur ont été extorqués », explique Hélène Legeay de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat).
Le Maroc condamné par le comité de l’ONU contre la torture
Sur saisine de l’association, le comité de l’ONU contre la torture a d’ailleurs condamné le Maroc, le 12 décembre dernier, pour les multiples violations de la convention contre la torture concernant Naama Asfari, l’un des meneurs du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui considéré par le Maroc comme une menace pour son intégrité territoriale.Le comité onusien a de plus demandé au Maroc de mener une enquête sur les allégations de torture et d’indemniser la victime. « Nous n’avons pu faire qu’un seul dossier mais la condamnation vaut pour les 24 militants », explique Hélène Legeay.
Le Maroc soucieux de son image escomptait éviter cette mauvaise publicité. Peu avant la décision du comité onusien, la Cour de cassation marocaine avait, en juillet 2016, annulé les condamnations de 2013 et renvoyé les détenus vers une juridiction civile, incitant ainsi le comité de l’ONU à reporter sa décision qui, in fine, fut prise en décembre.
Le Maroc puissance occupante
Ils s’appuient sur l’ONU, qui considère le Sahara occidental comme un territoire non autonome occupé par le Royaume du Maroc depuis 1975 pour lequel doit s’appliquer le droit international humanitaire, conformément aux conventions de Genève ratifiées par le Maroc. Ainsi, selon les avocats, le royaume est tenu de respecter les obligations qui incombent à une puissance occupante, à savoir de détenir et juger les militants sur le territoire occupé et non pas à 1 200 km de Laayoune.La responsable Maghreb de l’Acat précise que la cour de justice de l’Union européenne a elle aussi rappelé dans son arrêt du 21 décembre le « statut séparé et distinct » du Sahara occidental par rapport au Royaume du Maroc justifiant ainsi la validité de l’accord portant sur les mesures de libéralisation d’échanges de produits agricoles entre le Maroc et l’UE, dans la mesure où celui-ci exclut le Sahara occidental.
« Les violations graves des conventions de Genève sont constitutives de crimes de guerre. Les avocats voulaient plaider l’incompétence de la cour d’appel de Rabat en vertu du droit humanitaire qui prime sur le droit du Maroc, » explique Hélène Legeay.
Or la cour a exigé en ouverture du procès que les plaidoiries des avocats français soient prononcées en arabe. « Aucun avocat marocain, même le plus courageux des défenseurs des droits humains, ne peut prendre le risque de prononcer le terme d’occupation pour le Sahara occidental. C’est une atteinte manifeste aux droits de la défense et à la liberté de plaidoirie », poursuit-elle.
L’Acat s’apprête à publier un communiqué sur les risques d’iniquité pesant sur le procès et « l’instrumentalisation honteuse » de la douleur des familles des agents de sécurité tués. « Ces familles ont droit à la vérité, insiste Hélène Legeay, mais les détenus aussi qui ont été condamnés sans preuve comme l’a elle-même reconnue la Cour de cassation marocaine ».
La ligne rouge du Sahara occidental
Si le royaume chérifien a entrepris des réformes en faveur des droits humains depuis 2011, le Sahara occidental reste toutefois une ligne rouge à ne pas franchir. Il sera marocain « jusqu’à la fin des temps », se plaît à rappeler Mohammed VI.Quelque 150 observateurs, militants ou personnalités politiques, en ont fait les frais depuis le printemps 2014 qui ont tous été expulsés du Sahara occidental.
Quant à l’Acat, à la pointe du combat pour réclamer « justice pour les prisonniers sahraouis de Gdeim Izik », elle est elle-même poursuivie en justice par le ministère marocain de la justice depuis janvier 2015, notamment pour diffamation et outrage envers les corps constitués, après que l’association a déposé plusieurs plaintes pour torture en France à l’encontre de responsables marocains.
(1) avocats de huit pays : Allemagne, Argentine, Belgique, États-Unis, Espagne, France, Italie, Suisse.
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