Le roi Mohammed VI lors de son voyage officiel au Rwanda. Au premier plan, Mohamed Hassad, ministre de l’Intérieur. FLICKR/ NRA
La popularité de Mohammed VI est une obsession du
pouvoir dont ses communicants abusent à outrance. Mais lorsque l’Etat
est désavoué, et que le roi, de part sa suprématie institutionnelle est
ainsi exposé en première ligne, cette pipolisation excessive le dessert
gravement
Comme un mauvais coup du sort, les plus fortes actualités du moment – le limogeage d’Azdine El Mountassir Billah de l’ANRT, la mort tragique du poissonnier Mouhcine Fikri à Al Hoceima et l’arrestation de la vedette de variétés Saad Lamjarred
à Paris -, trois événements qui, à priori, n’ont aucun lien entre eux, à
part d’être presque concomitants, ont tous focalisé, à des degrés
divers, l’attention sur Mohammed VI en personne, reléguant au second
plan les retombées de ses activités en Afrique de l’Est, les tractations partisanes autour de la formation du prochain gouvernement et la tenue imminente de la COP 22 à Marrakech.
Le caractère sensationnel et la coïncidence de ces faits ne suffisent
pas à expliquer cette attention particulière, mais plutôt leur impact
très négatif sur l’institution monarchique, et c’est de cela qu’ils ont
un dénominateur commun.
La communication royale pose problème. En plus d’être complètement
illisible, elle a quelque chose de dérangeant, presque de malsain. La
précipitation et le silence total entourant le cas ANRT, la fébrilité et
la surenchère dans celui de Mouhcine Fikri et l’amateurisme affligeant impliquant le roi
dans les démêlées judiciaires de Saad Lamjarred, soulèvent des
questions essentielles sur la gestion de l’image du chef de l’Etat.
Une frénésie nuisible au statut du roi
Dans ces instants de crise, les communicants du roi agissent bille en
tête avec pour seul objectif de grossir le trait à l’extrême pour
sanctuariser sa popularité, comme si celle-ci était constamment menacée
par les bourrasques de l’actualité. Sa pipolisation jusqu’à l’overdose,
usant et abusant des artifices des réseaux sociaux, est dans ce sens
aussi nuisible que contradictoire à son statut, provoquant l’effet
inverse escompté sur la durée : le fait divers se transformant
instantanément en affaire d’Etat dès lors qu’il est mis en équation avec
le roi, ou plus généralement avec ce que le peuple entend par Makhzen.
La crise prend de l’ampleur quand la sollicitation royale devient un
mal nécessaire. Une raison impérieuse oblige le débarquement d’un commis
de l’Etat, mais la communication dans ce cas très attendue et plus que
justifiée, n’est pas au rendez-vous. Un déni de la règle de droit
entraîne un drame humain faisant descendre des milliers de manifestants dans la rue pousse le roi à ordonner une enquête
que les institutions judiciaires auraient du diligenter par
elles-mêmes. Une situation qui le met ainsi maladroitement au centre de
l’arène contestataire. Une star de la chanson ayant bénéficié des
honneurs de la Couronne, aujourd’hui poursuivie dans une sombre affaire
d’agression sexuelle, reçoit l’appui personnel du monarque avec tambour et trompettes.
En terme de stratégie de communication, c’est un désastre, d’autant
plus que cette succession d’expositions dommageables de Mohammed VI ne
participe qu’à sa désacralisation forcée, non pas en terme
institutionnel, mais dans la perspective d’une reddition des comptes
dont il ne devrait sous aucun prétexte être l’otage.
La Constitution de 2011 devait consacrer la séparation des pouvoirs
et permettre dans le cadre d’une définition claire des rôles de chacune
des institutions de l’Etat d’agir en fonction de leurs responsabilités
respectives. Cela n’a pas été établi dans les faits,
bien au contraire. Le chef de gouvernement élu qui doit faire face de
part son mandat aux soubresauts de la vie publique, se trouve autant
démuni de ses prérogatives qu’affranchi de ses devoirs.
Il n’y a jamais eu avantage pour la monarchie à se poser comme
institution de recours dans l’urgence face à un tollé populaire. L’idée
survendue du « roi sauveur » est confondue avec celle de son rôle
d’arbitre, ce qui met ainsi le pouvoir régalien directement en première
ligne en cas de défaillance aigüe de l’Etat et de son administration.
C’est tout le paradoxe de la suprématie du roi
sur toutes les autres institutions représentatives. Par temps clair, il
en bénéficie des rayons solaires, mais quand l’orage gronde, il est
surtout le seul à en subir les ondées.
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