Quel avenir pour le Sahara Occidental ?
Le 13 septembre
2016, Melchior Wathelet, l’avocat général de la Cour de Justice de l’Union
Européenne, a rappelé que “le Sahara occidental ne fait pas partie du
territoire du Maroc et dans ces conditions ni l’accord d’association UE Maroc,
ni l’accord de libéralisation ne lui sont applicables”.
Sahraouis, et Marocains pour
d’autres raisons, voient dans cette première conclusion les prémices de leur
victoire. Mais il faudra attendre l’arrêt final de la Cour pour savoir où se
trouvera la victoire.
Depuis
1963 le Sahara Occidental est inscrit sur la liste des territoires non
autonomes de l’ONU, et relève de la résolution 1514 portant sur le droit à
l’autodétermination par les peuples coloniaux. Les institutions européennes
n’ont jamais reconnu que le Sahara Occidental faisait partie du territoire du
Maroc ni relevait de sa souveraineté.
Passant
outre ces évidences, Hassan II a organisé en 1975 la trompeuse « marche verte
», qui n’est que « la façade
civile d’une invasion militaire», selon Jacob Mundy, spécialiste des conflits
au Maghreb. L’armée marocaine envahit un territoire qui ne lui appartenait pas,
saccageant les campements, tuant des nomades et leur bétail, envahissant et
pillant les maisons des Sahraouis en fuite, pour s’y établir et exploiter
à son profit toutes ses richesses : phosphates, poissons, agrumes…, décrétant
que désormais ce territoire lui appartient.*
Fuyant les
bombardements au napalm et au phosphore blanc, une partie de la population
sahraouie, s’installe « provisoirement » sur une hamada désertique où la
température monte à 50° et où rien ne pousse, dans la région de Tindouf
en Algérie qui lui ouvre ses frontières.
40 ans plus
tard, ces nomades, sédentarisés par force, continuent à y survivre de manière
très précaire, dépendant de l’aide internationale. L’autre partie de la population
sahraouie, restée sur sa propre terre pour la défendre, subit mépris et
répression du colonisateur marocain et des nombreux colons amenés de force, ou
attirés dans cette riche terre et par de belles promesses : logements gratuits,
emplois bien payés, subventions sur les produits de base etc., au détriment des
autochtones sahraouis. Par cette politique de peuplement forcené contraire à la
4ème convention de Genève, pour gonfler le nombre de potentiels électeurs, les
territoires occupés comptent actuellement plus de colons marocains que de
Sahraouis .
Il n’est pas
surprenant qu’une guerre ait éclaté entre le Maroc et le Front Polisario,
représentant du peuple sahraoui. Elle a duré 16 ans. En 1991 le cessez-le-feu a
été signé par les deux parties. Le pacifique Sahara Occidental le respecte
scrupuleusement, alors que le Maroc viole impunément les droits de l’Homme :
répression, crimes, enlèvements, viols, arrestations, très longues
incarcérations allant jusqu’à la perpétuité, procès fabriqués basés sur des
aveux obtenus sous la torture ...
De 1982 à
1987, aidé par des Israéliens et des Américains, le Maroc construit son « mur
de la honte » long de 2700
km, en sable truffé de mines antipersonnel, gardé et
équipé militairement, coupant le Sahara Occidental en deux du nord au sud,
séparant cruellement les familles. C’est la plus longue construction militaire
du monde. Les Sahraouis en exil attendent de pouvoir retourner vivre chez
eux, de l’autre côté de cette barrière infranchissable où sont restés les
autres membres de leurs familles. Les plus jeunes sont impatients de découvrir
leur pays et commencent à parler de le reconquérir, lassés d’attendre
pacifiquement.
L’association
des familles des prisonniers et disparus sahraouis (AFAPREDESA) a recensé, depuis
le début du conflit de la colonisation, plus de 30 000 détenus et plus de 4 500
portés disparus. 400 d’entre eux n’ont laissé ni trace ni la moindre indication
susceptible de localiser le lieu et les circonstances de leur disparition. Des
Sahraouis ont été jetés dans le vide depuis des hélicoptères.
Des
dépouilles de Sahraouis, enfants et adultes, officiellement classés «
prisonniers » ou « disparus », sont retrouvées peu à peu, dans des fosses
communes qui datent de ces années de la conquête marocaine. Dans certaines
fosses la position de dizaines de Sahraouis, adultes et enfants, prouve qu’ils
ont été enterrés vivants. Selon Le Parisien, « Le juge Pablo Ruz de
l'Audience nationale, spécialisée dans les affaires complexes, estime qu'il
"existe des indices rationnels" permettant de juger onze inculpés
marocains pour des faits de "génocide", dans les conclusions d'une
enquête ouverte en octobre 2007. »
Le peuple
sahraoui est non-violent, mais il est inventif dans ses luttes pacifiques
contre l’occupant. Sachant pourtant que chaque manifestation pour réclamer le
référendum d’autodétermination se solde par une violente répression et de
nombreux blessés, les Sahraouis n’hésitent pas à sortir dans la rue. En 2010
ils ont été des milliers à de rendre en familles d’El Aaiun au lieu dit Gdeim
Izik pour monter un gigantesque camp de protestation. L’occupant ne l’a pas
supporté et le démantèlement a été très violent. 23 Sahraouis sont toujours en
prison, condamnés à de très lourdes peines à la suite d’un procès basé sur des
aveux obtenus sous la torture.
Au mois de
mars 2016, le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-Moon, s’est rendu pour la
première fois dans les campements de réfugiés sahraouis. Il a visité les «
territoires libérés » du Sahara Occidental, situés entre le mur de séparation
et la frontière algérienne. Il a rencontré le président de la République Arabe
Sahraouie Démocratique (la RASD) et les casques bleus de la MINURSO, mission
des Nations Unis pour le référendum d’autodétermination du Sahara Occidental.
Dans les camps, son contact avec ce peuple oublié l’a bouleversé. Il ne
s’attendait pas à trouver une telle désolation et se dit attristé de voir tant
de réfugiés de 40,41 ans nés en exil au début de cette occupation, empêchés de
retourner chez eux, sinon en sujets obéissants du roi... Il évoque «
l’occupation » et assure que la « décolonisation » de ce territoire,
sur lequel le Maroc n’a aucune souveraineté, est urgente, citant à ce propos
des paroles et des écrits de l’ONU connus depuis 1963. Mais le roi du Maroc
fait mine d’être consterné de cette « trahison », et la panique le pousse à
réagir de manière violente et irresponsable. Il ordonne, entre autres, le
retrait de plus de 80 membres de la MINURSO, disposant de cet organisme
comme d’une propriété personnelle. Ces mesures de rétorsion visent à
rendre impossible l’organisation du référendum d’autodétermination, l’arrêt du
maintien du cessez-le-feu, et constituent un réel risque de conflit dans
la région. Le Makhzen organise à Rabat une énorme manifestation « spontanée »
contre Ban Ki-Moon à laquelle participent des membres du gouvernement. Le
secrétaire général de l’ONU est hué et injurié…
C’est la
crise diplomatique. A la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU en avril qui
suit, il est demandé au Maroc de rappeler le personnel de la MINURSO dans les
90 jours. A ce jour 25 membres seulement ont repris leur fonction.
Le mur de séparation marque la frontière entre les territoires occupés par le Maroc et les territoires libérés par le Polisario. Fin aout 2016 le Maroc a franchi le mur avec du lourd matériel militaire dans la région de Garguerat, sous prétexte de contrôler la contrebande à la frontière…alors qu’il est de notoriété publique que le Maroc est parmi les plus grands exportateurs de haschich au niveau mondial ! Il continue à agir en maître de son Sahara,ne tenant aucun compte de la conclusion de l’avocat général de la CJUE, en vendant du poisson pêché en eaux sahraouies. APSO titre : « Le Key Bay et son chargement, Apso interpelle la douane»**.
La tension
continuera à être vive dans ce pays, tant que la situation ne sera pas
clarifiée. De plus en plus nombreux sont les pays qui appuient le projet de
référendum pour l’autodétermination. Malheureusement la France continue à
soutenir son « ami le roi », quoi qu’il fasse.
*http://diasporasaharaui.blogspot.fr/2015/07/les-troupeaux-des-rois-du-maroc-au.html
** Publié par APSO
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https://blogs.mediapart.fr/marie-jo/blog/220916/quel-avenir-pour-le-sahara-occidental
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