par Observatoire international des prisons - section française, 10/3/2016
Blog : Dedans-Dehors
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Surpopulation, violence, vétusté, soins défaillants,
manque d’activité : Alain, la soixantaine, a été libéré début 2016 et
témoigne. Il a passé neuf mois dans un dortoir de la maison d’arrêt de
Basse-Terre en Guadeloupe. Au 1er février 2016, 215 détenus s’entassent
dans 130 places, réparties dans 46 cellules dont la superficie va de
sept à quarante mètres carrés.


Dans les cellules, il n’y a pas d’hygiène. Il y a des mouches, fourmis, rats et scolopendres. La douche du dortoir, c’est un mètre quatre-vingt de moisissures sur les murs. J’ai attrapé une mycose et j’ai perdu un ongle de pied, je me fais soigner maintenant que je suis dehors. A moins de deux mètres du coin repas, les toilettes, avec comme seule séparation un sac poubelle. Pour manger, on avait une table en plastique pour quatre, alors qu’on était onze. En prison, la propriété est très importante, et le gars qui a un lit en bas, il n’est pas question qu’un autre détenu s’assoie dessus. Parce que c’est son lit. Résultat, on mangeait debout. Une nourriture peu variée : viande de porc, igname, riz, parfois petits pois carottes. Des yaourts, périmés un jour sur deux. Certains moisis. Pour améliorer ça, il fallait cantiner [acheter des produits au magasin de la prison]. Mais à Basse-Terre, il n’y a pas de frigidaire et il fait trente degrés en permanence. On peut pourtant cantiner pas mal de denrées périssables, par exemple des YOP, mais ils explosent sous l’effet de la chaleur.
Bagarres tous les jours
Il y a une violence extrême dans cette prison. Des communautés différentes de détenus, guadeloupéens, dominicains, Saint-Martinois, qui se tapent dessus. Certains frappent d’abord, et après ils discutent. Ils ne comprennent pas les autres et les autres ne les comprennent pas. On m’a tout de suite prévenu qu’il fallait s’imposer, faire sa place pour ne pas se faire racketter. Je recevais des mandats, et comme rien n’est discret, tout le monde le savait, voyait que je cantinais. Sortir dans la cour était impossible. Bagarres tous les jours, je ne connais pas un détenu qui n’était pas armé. Dès mon arrivée on m’a proposé un pic. Certains sont faits avec des pièces de ventilateur aiguisées sur de la pierre, puis enfilés dans un manche. Sinon, le manche d’une cuiller, aiguisé sur le bord de la douche. Quand on sait que tu as un pic, on te respecte un peu. C’est le principe de la bombe nucléaire, dissuasif.
Sept mois pour être extrait à l’hôpital
Je suis entré en prison avec un problème médical sérieux, détecté par mon médecin trois ou quatre mois plus tôt. Je devais être opéré une dizaine de jours après la date de mon incarcération. Bien que je leur aie fourni les documents médicaux, il a fallu sept mois avant que je sois extrait une première fois à l’hôpital. Le médecin de l’UCSA [Unité médicale] envoyait régulièrement des demandes d’extraction, mais l’administration les rejetait, faute d’escorte disponible. Quand j’ai enfin vu le médecin à l’hôpital, il m’a dit « je ne vous opère pas tant que vous serez en détention ». Il fallait également me poser une sonde, ce que le docteur a jugé impossible vu les conditions d’hygiène à la prison. Le médecin de l’UCSA a finalement fait une attestation stipulant qu’avec mon problème et les retards d’extraction, mon état devenait incompatible avec le maintien en détention.
Manque criant d’activités
La première chose qui marque, c’est qu’il n’y a pratiquement rien pour occuper les détenus. Quasiment aucune formation, alors qu’il y a tellement de gars qui ne savent rien faire. La bibliothèque, on ne pouvait pas y aller parce qu’il n’y avait pas assez de personnel. C’est suite à un courrier de l’OIP à la direction qu’on a pu y avoir accès toutes les semaines. Mais les livres sont anciens et en très mauvais état. Autrement, on peut jouer aux échecs une fois par semaine, faire de la musculation deux fois par semaine. C’est le seul truc qui marche en prison. Travailler les muscles pour la force. Sinon, avant que j’arrive il y avait eu un atelier d’arts plastiques. Une dame leur faisait peindre des calebasses, ils faisaient également des émaux, des tableaux. Mais un jour elle n’est plus revenue. Et puis l’atelier musique, deux heures tous les quinze jours. Mais chaque activité ne concerne que quelques détenus, il n’y a pas de place pour tout le monde. Le manque est criant pour les activités intellectuelles. Quelques cours de l’éducation nationale pour une poignée de détenus, des cours de français pour les étrangers. Les trois derniers mois, le SPIP [Service pénitentiaire d’insertion et de probation] m’a demandé si je voulais bien faire prof bénévolement pour aider deux jeunes qui voulaient passer le bac. J’ai accepté, ça allait m’occuper. C’était bien d’être à la bibliothèque l’après-midi. Et les deux gars étaient motivés pour y arriver.
Erreurs du greffe
Au greffe, Il y avait un gros problème de compétence. J’ai demandé à consulter ma fiche pénale, ils m’ont dit que c’était interdit. Il a fallu prendre un avocat en métropole pour que le greffe me laisse la consulter. Des erreurs étaient faites régulièrement. Un de mes codétenus a fait six mois de détention de trop. Alors qu’il devait être dehors, personne ne s’était occupé de lui, le greffe n’avait pas vu l’erreur sur le fichier. Six mois de détention arbitraire. Finalement il ne s’est pas plaint, il était juste content de sortir.
Les surveillants mentaient devant le CGLPL

Témoignage recueilli par François Bès, 25 février 2016
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