Finalement, que sait-on vraiment de toutes ces familles dont les enfants ont rejoint la Syrie ? Les unes préfèrent rester discrètes, les autres sont questionnées par les médias et des familles encore tentent de se regrouper et d’en discuter. Parmi ces familles, une mère en particulier a fait le choix de parler davantage. Elle n’a pas vu venir ce drame, comme beaucoup de parents et se sent coupable de ne rien avoir deviné. Dans l’ouvrage « Le bonheur est parti avec toi », aux éditions Antidote, Samira Laakel raconte sa vie depuis le départ de Nora, sa fille. Des pages déchirantes…


« A ce qui paraît, Nora est partie en Syrie »
En Belgique, Samira Laakel est une maman menant sa vie de famille de manière très ordinaire à Schaerbeek, près de Bruxelles. Mais ça, c’était avant… Avant ce dimanche 20 mai 2013 lorsque sa fille Nora, 18 ans, quitte le foyer familial pour se rendre en Syrie. La pensant d’abord chez des amis comme elle lui dira par téléphone, la jeune fille ne rentrera finalement pas en fin de journée. Et son frère tétanisé viendra annoncer à la mère de famille qu’une rumeur dit Nora partie pour la Syrie. La maman tente alors par réflexe de contacter sa fille, sans succès. Comprenant ainsi que la rumeur est une vérité. Dés lors c’est l’incompréhension. Comment ? Pourquoi ? Mais surtout qui Nora a-t-elle pu avoir sur sa route pour décider de partir vers un pays que la famille n’a jamais vu et pour une guerre que Nora ne connaît même pas ?
Le cri d’une mère
A travers les pages de ce livre, Samira exprime toute sa souffrance de mère. Une mère qui a d’autres enfants hormis Nora. Eux-mêmes très affectés par l’absence de leur soeur. Samira s’en veut de ne pas avoir compris ce qui allait se tramer. Et l’espoir de revoir sa fille revenir en Belgique ne la quitte pas.
« J’ai la foi et mon seul espoir est de te revoir saine et sauve. »
D’ailleurs elle explique avoir tenté de partir en Syrie mais avait dû rebrousser chemin à la frontière. Les lignes de Samira sont des cris, des hurlements. Elle le répète encore et encore : son cœur saigne. Des membres de son entourage ont changé de comportement à son égard. Elle est devenue la mère d’une fille potentiellement « terroriste » dans les bouches de personnes qu’elle connaît. Elle subit, écoute les discours des uns et des autres, parmi ses proches et dans les médias. Peu importe les mots, Samira ne veut pas abandonner sa fille.
« Je resterai debout, je ne t’abandonnerai jamais jusqu’à ton retour parmi nous. »

Qui pour épauler Samira ?
Samira fait partie d’un groupe de paroles avec d’autres parents en Belgique. Eux aussi ont des histoires à raconter, eux aussi ont des parcours à conter, des vies brisées à décrire. Certains ont eu la triste nouvelle de leurs enfants décédés en Syrie. Des mères et des pères espèrent aussi des retours. Les derniers attentats en France mettant en cause des Belges font tourner davantage les regards sur ces enfants partis pour la Syrie. Ils existaient déjà avant, ce n’est pas une découverte mais les autorités ont-elles pris la mesure de ce phénomène ? D’ailleurs Samira parle du fait de ne pas avoir eu l’écoute et le soutien nécessaires de la part des autorités. Elle a été voir la police mais aussi le Ministère des Affaires Etrangères. Sans succès.

 « Je sais que la Belgique ne fera rien pour moi, pour nous. »
La dépression croise le chemin de Samira et une psychologue l’aide à relever la tête. Dans ce livre, elle explique également avoir été trompée par une journaliste intéressée par son histoire pour finalement dépeindre un portrait trompeur de sa fille. Samira est déçue, elle qui souhaitait pouvoir utiliser cette voie pour empêcher que l’endoctrinement de jeunes continue. Nora, aussi victime de ces endoctrineurs, est transformée en monstre.

« Tu es une victime comme tant de jeunes. Mais des journaux veulent créer un monstre que tu n’es pas. J’ai lu tant de bêtises et de mensonges sur toi, ma fille. »
Enfin, Samira dit avec tristesse que sa fille a été radiée de la composition de la famille à l’administration communale. Comme pour lui faire comprendre que les citoyens belges partis pour la Syrie n’existent plus. Mais pas dans le coeur de cette mère, dont le bonheur est parti lorsque sa fille a pris la route syrienne ce dimanche 20 mai 2013…

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Suzanne Veldemans : Dans le paysage médiatique « Le bonheur est parti avec toi » de Samira Laakel est une voix indispensable et authentique

Suzanne Veldeman 2Le cri de douleur d’une maman dont la vie bascule le jour où elle apprend le départ de sa fille pour la Syrie.
Le calvaire commence et… sa marche courageuse à travers l’incompréhension, la culpabilité, l’isolement, la dépression, les jugements, le mépris, le rejet, les humiliations au quotidien.
Le choix est là : s’écrouler ou se lever. Du jour au lendemain il lui faut appréhender interrogatoires, voyages en Turquie, presse, voyeurisme.
Elle s’y révèle faible et forte à la fois. De ce ballotage, émerge une femme devenue battante et magnifique de dignité. Qui a une idée claire de ce qu’elle veut dénoncer.
Cette lutte avec elle-même et avec toutes les pressions extérieures la transforme et se transforme en un combat collectif, une cause à défendre. Il ne s’agit plus seulement d’elle, mais des femmes dévastées par la même épreuve. Drame partagé avec d’autres femmes devenant, à partir de leur douloureuse expérience, une lutte pour empêcher d’autres départs de jeunes. Démontrer que leurs enfants sont victimes de lavage de cerveaux de la part de criminels. Qu’il ne faut pas se tromper de coupables et ajouter du malheur au malheur. Le ressort de Samira ? L’amour. L’amour de sa fille partie. C’est là qu’au fil des pages elle puise la force de lutter. Est-elle morte, vivante ? La souffrance est quotidienne, le questionnement lancinant. De cette souffrance émerge une parole vraie, une transformation, une maturité citoyenne extraordinaire. Et dans le paysage médiatique, une voix indispensable et authentique porteuse de la vérité d’un drame dont elle est devenue, avec les autres parents, une voix autorisée et crédible.

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