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mercredi 30 septembre 2015

L’arrivée des migrants, une chance pour l’économie française ?


L’accueil des réfugiés pèsera à court terme sur le budget de l’État, mais ils contribueront aussi à la croissance et à l’emploi.

La Croix, 27/9/15 

Travailleur agricole. Du fait de leur parcours antérieur souvent difficile, les migrants accepten...
François Razon/Cosmos

Travailleur agricole. Du fait de leur parcours antérieur souvent difficile, les migrants acceptent souvent des postes non pourvus parce que les natifs les jugent trop difficiles.


Comment prendre en charge les 24 000 réfugiés qui vont être accueillis en France ces deux prochaines années ? Par qui, et avec quels moyens ? L’ouverture envers ces nouveaux arrivés va-t-elle représenter une charge ou une chance pour la France ? Plusieurs études ont déjà conclu, dans le passé, à un apport tantôt neutre, tantôt positif, de l’immigration dans les pays de l’OCDE. Certains font néanmoins valoir aujourd’hui que « cette fois, c’est différent », et que les Européens n’ont plus les moyens de leur générosité, parce que la crise de 2008 a fondamentalement fragilisé le continent, y compris la France. La Croix passe en revue les principales questions suscitées par la crise des migrants dans l’économie française.

L’IMPACT SUR LES FINANCES PUBLIQUES
L’accueil des réfugiés représente indéniablement un coût budgétaire. Il faut les loger – en urgence, puis de manière plus durable –, scolariser les enfants, donner des cours de français… Face à cette situation, le gouvernement a annoncé que 613 millions d’euros seraient mobilisés d’ici à la fin de 2017 pour financer ces besoins, couvrir l’aide forfaitaire aux communes, ouvrir 5 000 places supplémentaires en centres d’accueil des demandeurs d’asile, les Cada (1)…
Ceux qui doutent de la capacité de la France à accueillir de nouveaux migrants estiment qu’elle n’a plus les moyens de sa générosité. Ils mettent en avant l’appauvrissement du pays depuis la crise de 2008, qui a provoqué un recul du PIB par habitant, contrairement à l’Allemagne. Dans ces conditions, le poids budgétaire des dépenses consacrées aux migrants ne peut que s’alourdir, redoutent-ils. Ils se réfèrent à une étude de l’OCDE, parue en 2013, selon laquelle l’impact fiscal de l’immigration est positif dans la plupart des pays membres de cette organisation (à + 0,35% du PIB)… mais pas en France (– 0,52%), où l’immigration, plus ancienne, pèse davantage proportionnellement, sur le système de retraite.
Ils estiment en plus que la baisse des dotations aux collectivités territoriales ne leur permet pas d’absorber de nouvelles charges, alors qu’elles sont déjà confrontées à la hausse des dépenses liées à la dépendance et des bénéficiaires du RSA. Les 24 000 réfugiés, peu nombreux en soi, risquent donc d’être la goutte qui fera déborder le vase, redoutent-ils. D’autant plus que les maires jugent insuffisante l’enveloppe de 1 000 € annoncée par l’État pour chaque place d’hébergement créée.
Enfin, ils font valoir que ce coût budgétaire lié à l’accueil des réfugiés vient s’ajouter aux difficultés des centaines de milliers de personnes sans domicile fixe ou confrontées à des problèmes de mal-logement. Et de pointer un risque pour la cohésion sociale.

Les réfugiés représentent aussi une opportunité, à un horizon de plusieurs années, répond pour sa part Jean-Christophe Dumont, à l’OCDE. Selon lui, «on ne peut pas raisonner de manière figée, toutes choses égales par ailleurs. Ces personnes sont de futurs travailleurs et contribuables, au-delà du coût budgétaire immédiat qu’il n’est pas question de nier.» L’économiste Hippolyte d’Albis, auteur d’une étude sur le lien entre croissance et immigration, rappelle que la France reste, malgré la crise de 2008, «la 5e puissance économique du monde» et qu’«elle a les moyens d’accueillir les migrants».


En outre, ajoute-t-il, «24 000 réfugiés sur deux ans, soit dix personnes par département et par an, ne vont pas bouleverser les budgets, alors que la France accueille chaque année 200 000 immigrés (ce chiffre n’inclut pas les départs, NDLR). Et puis il y a aussi des fonds européens…» En 2010, une étude de Xavier Chojnicki, professeur d’économie à l’université de Lille, concluait à une contribution «positive» de l’immigration sur le budget de l’État, de l’ordre de 12 milliards d’euros. L’OCDE, en 2013, posait un diagnostic plus nuancé, de positif à légèrement négatif, selon les critères retenus.

L’IMPACT SUR LES PRESTATIONS SOCIALES
Les immigrés venant d’un pays non membre de l’UE font plus fréquemment appel aux prestations sociales que les Français natifs. D’après l’OCDE, ils sont 1,4 fois plus nombreux à toucher des allocations de chômage, 1,5 fois plus dépendants des aides au logement, et 1,3 fois plus à recourir aux allocations familiales. Ces chiffres confortent les opposants à l’accueil de nouveaux migrants, avec le raisonnement suivant : un PIB par tête qui décroît, des dépenses sociales rapportées au PIB qui augmentent (de 28 à 33% du PIB entre 2008 et 2014), et l’arrivée d’une population plus «consommatrice» que la moyenne. D’où, concluent-ils, une hausse prévisible des dépenses sociales.
Cela ne va pas faire exploser les prestations sociales, répondent les partisans d’un accueil des migrants. D’abord parce que ces derniers sont «globalement plus jeunes que la population déjà installée sur le territoire, fait valoir Hippolyte d’Albis, à l’École d’économie de Paris. Du coup, ils auront moins recours au système de santé, tout comme aux retraites, qui sont les deux plus grosses sources de déficit de la protection sociale.»
Quant aux allocations de chômage, relativise encore Hippolyte d’Albis, «ils ne pourront rien toucher avant d’avoir rempli les conditions nécessaires, notamment avoir travaillé une certaine durée minimale. En outre, ils représentent moins de dépenses d’éducation car ils arrivent déjà formés, prêts à intégrer le marché du travail.» Dans les faits, poursuivent les chercheurs, ce n’est pas le niveau de prestations sociales qui attire les migrants dans un pays, mais bien la probabilité de trouver un emploi. La preuve, font-ils valoir, la France n’est pas une destination très convoitée, contrairement à l’Allemagne et au Royaume-Uni.

L’IMPACT SUR LA CROISSANCE ET L'EMPLOI
Les migrants vont constituer un poids sur le marché du travail et grossir le flot des chômeurs, dont le nombre a déjà fortement grimpé depuis 2008. Le pays est encore trop enlisé dans la crise pour pouvoir intégrer de nouveaux venus sur le marché du travail, contrairement à l’Allemagne, qui présente à la fois une démographie en berne – d’où un fort besoin de main-d’œuvre – et un taux de chômage au plancher. Tels sont les arguments de ceux qui redoutent l’arrivée de nouveaux migrants sur le sol français. Et de fait, le chômage touche plus les immigrés (17% en 2013) que les natifs (9% en 2013).
L’arrivée de migrants est, au contraire, un stimulant pour l’emploi et l’économie française parce que ce sont de futurs travailleurs, mais aussi des consommateurs et des contribuables, répondent plusieurs chercheurs selon lesquels aucun lien n’a jamais été démontré entre immigration et taux de chômage. En réalité, «on constate une complémentarité, décrypte Hippolyte d’Albis. Les migrants vont remplir les postes aujourd’hui non pourvus parce que les natifs les trouvent trop difficiles – il y en a 320 000 selon le Medef. Quant aux migrants qualifiés, ils vont aussi compléter l’offre de travail, sur le marché des cadres où le taux de chômage est au plus bas.»
Mieux, les immigrés favorisent la compétitivité des entreprises «parce qu’ils en veulent», du fait de leur parcours antérieur souvent difficile, et parce que la diversité culturelle dont ils sont porteurs favorise la créativité et l’innovation. «À court terme, l’accueil des réfugiés a un coût, reconnaît une étude de l’OCDE publiée la semaine dernière. Mais à moyen et long terme, si les politiques d’intégration sont efficaces, ils deviennent une valeur ajoutée pour le pays d’accueil.»
(1) Il en existe 20 000 actuellement.
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LES AIDES DE L’ÉTAT ET DE L’EUROPE

Le premier ministre Manuel Valls a annoncé à la mi-septembre le déblocage de 279 millions d’euros d’ici à la fin de 2016.  Ces fonds seront destinés à financer le premier accueil, l’hébergement d’urgence et l’aide forfaitaire aux communes de 1 000 € pour toute nouvelle place d’hébergement d’urgence créée. Il s’agira aussi de renforcer les effectifs de l’Office français de protection des apatrides (Ofpra), de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) et de l’éducation nationale.
Pour 2017, ces crédits supplémentaires atteindront   334 millions d’euros, soit un total de 613 millions d’euros sur les deux années.
Environ le tiers de ce montant sera financé par des fonds   de l’Union européenne, qui verse une aide de 6 000 € par réfugié accueilli.
Par ailleurs une enveloppe de 250 millions d’euros des crédits dédiés «à l’hébergement d’urgence et à la veille sociale» sur les douze mois à venir sera débloquée, dont 130 millions dès octobre 2015.

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