Par Jean-François Debargue, publié par APSO, 15/6/2015
Publié par APSO avec l'autorisation de l'auteur
Le 27 mai 2015, Germaine Tillion, Geneviève De Gaulle
Antonioz, Jean Zay et Pierre Brossolette, figures de la résistance de la 2ème
guerre mondiale sont entrés au Panthéon. Volonté des familles, dans le cercueil
des deux femmes, du sable.
L’indifférence du sable
Devant des cercueils emplis de sable, un homme
exhorte à « résister face à l’indifférence ».
En mal de reconnaissance et de postérité, ce n’est
pas la première fois, ni la dernière que des hommes d’État prennent en otages
et s’identifient par procuration à ces hommes et ces femmes héroïques s’étant
dressés contre l’ordre établi et les majorités silencieuses, principaux leviers
de gouvernance de ces mêmes hommes d’État.
Reconnaître implicitement un courage qui leur fait
défaut, est-ce un aveu d’impuissance ou le salvateur sursaut d’un vouloir mieux
faire ?
Honorer ceux qui ont témoigné et se sont engagés en
résistance, pour la liberté au risque de leur sécurité, et à contre courant
pour les « oubliés, les exploités, les déportés », est-ce associer
leur histoire à l’Histoire d’une république digne qui en retiendrait et en
appliquerait les leçons ? Ou
est-ce la « javellisation » d’une poursuite de collaboration
pragmatique avec des dictatures traditionnelles ou plus modernes comme celles
des multinationales ou de la finance ?
Le sable devant lequel un homme s’incline, c’est
aujourd’hui celui des plages ou des fonds marins que rejoindront des exilés
tous autant entassés sur des bateaux de fortune que ceux qui l’étaient dans des
wagons plombés.
Le sable devant lequel un homme s’incline, c’est
aujourd’hui celui des bas-côtés où s’enlisent les laissés pour compte de toutes
les sociétés.
Le sable devant lequel cet homme s’incline, c’est
celui de ce sablier géant Saharien où survivent depuis 40 ans les réfugiés
Sahraouis auxquels, entre autres, le pays de cet homme refuse l’accès à la
décolonisation. Ce sable, c’est
celui des fosses communes, des portés disparus, des cimetières à ciel ouvert, de
déserts traversés dans l’espoir d’accéder à ce pays où l’on porte en les honorant
au Panthéon des cercueils qu’il contribue à remplir.
Comment le sable des
réfugiés, des naufragés, des exclus, finit-il de lester cette tombe de notre
histoire collective ?
Je veux croire que l’exemple héroïque et la mémoire
de ces hommes et de ces femmes de l’ombre supplantera demain le retour lâche et
amnésique de la raison d’État. Comme je veux croire que des milliers d’hommes
et de femmes de l’ombre ne continueront pas de disparaître dans l’indifférence
des sables.
Jean-François Debargue
28 mai 2015Publié par APSO avec l'autorisation de l'auteur
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