AMDH-Paris/IDF
Pour diffuser et pratiquer la Culture des Droits Humains.
Par Hayat Berrada-Bousta, Anciennement exilée politique, 28/9/2014
« Photo d’archive. Répression d’un sit-in à rabat dénonçant la grâce royale accordée à un pédophile qui a abusé de 11 enfants ».
Depuis
le début du mois de juillet 2014, le pouvoir marocain avance dans une
escalade liberticide dénoncée par des observateurs tant nationaux
qu’internationaux.
Cette
escalade vise en particulier l’Association Marocaine des Droits
Humains, créée en Juin 1979 et qui a toujours, et ce de manière
pacifique, revendiqué les droits humains les plus élémentaires. Sous le
règne de Hassan II, les militants de cette association avaient connu
intimidations, brimades que l’on a constatées en recul depuis le début
des années 90 alors que HassanII voulait redorer son blason et justifier
son règne au niveau international suite aux différentes réactions dans
le monde à sa politique répressive, en particulier la torture, les
bagnes existants, les procés iniques… Avec l’avènement au trône de
Mohamed VI, certains espéraient un changement plus important dans la
pratique de gouvernance du pouvoir, espérant que le gouvernement soit
plus indépendant par rapport au roi. Certes les toutes premières années
pouvaient réconforter cet espoir mais le retour progressif à des
pratiques antérieures rend sceptique la possibilité pour ce régime
monarchique d’évoluer vers un climat de justice, de liberté et de
dignité malgré les subterfuges du moment.
Il
est vrai que le régime ne peut plus recourir aux bagnes, à des
condamnations de 20 voire 30 années d’emprisonnement, à des disparitions
forcées en nombre important… au risque de se mettre au banc des accusés
au niveau international. Mais surtout le peuple marocain, une
population que l’on croyait incapable de réagir, montre en particulier
depuis le 20 février 2011 qu’elle a son mot à dire. Cette prise de
conscience qui se lit à travers différents médias va provoquer, en
réaction, une attaque bien orchestrée de la part du régime.
Le
Mouvement du 20 février en fera particulièrement les frais car il
s’agit d’intimider, de démobiliser les jeunes qui, assoiffés de liberté,
ont exprimé dans la rue les véritables causes de la situation de
dégradation au Maroc : un système autocratique qui trace les lignes
rouges pour toute contestation. Ces lignes rouges sont, bien sûr,
amovibles et, selon le moment sont tout bonnement
anticonstitutionnelles. Le roi règne, gouverne et a le droit de les
faire avancer ou reculer selon son bon vouloir…Le gouvernement, lui, ne
fait que suivre la trajectoire royale et parfois aura des positions
« plus royalistes que le roi ». Quant à la constitution, elle n’est
qu’un décorum pour l’opinion étrangère.
C’est ainsi que, 6 mois avant l’organisation de la deuxième
version du forum mondial des droits de l’homme en fin novembre prochain
au Maroc, le régime marocain est rentré dans une escalade liberticide
visant à interdire l’association Marocaine des Droits Humains et à
réprimer ses militants actifs.
Ont été interdites plusieurs conférences à Safi, Azrou, Eljadidaqui devait organiserun sit-in dénonçant les viols dont ont été victimes des jeunes filles ; selon un communiqué de l’AMDH {à la question « sur quoi vous basez-vous pour interdire le sit-in ? », un responsable des autorités (un caïd) a répondu « sur rien, c’est comme çà. »}.
A Tahla, non loin de la ville de Fes, où fut interdite une rencontre le
pacha de la commune a même osé dire aux responsables de cette section
de l’AMDH qu’il avait « reçu des directives en haut lieu pour interdire toute activité de l’AMDH dans des lieux publics » et aurait précisé « il s’agit de directives à l’échelle nationale. »
Ce sont là des directives sans fondements aucuns et en contradiction avec la loi. Elles interviennent « après
les déclarations du ministre de l’intérieur devant le parlement et du
ministre du tourisme où ils accusent les organisations de droits humains
de ternir la réputation du pays, d’entraver l’action des forces de
sécurité dans leur lutte contre le terrorisme et d’œuvrer pour des
agendas extérieurs ; il semble que le fait de réclamer le respect de la
loi et de dénoncer les violations ( arrestations arbitraires, tortures,
jugements inéquitables…) commises par les autorités soit devenu synonyme
de soutien au terrorisme et de trahison envers le pays. » . (Communiqué du bureau Central de l’AMDH du 4 août 2014).
La dernière en
date, ce 24 septembre 2014, est l’interdiction, à Rabat la capitale, de
la conférence que l’AMDH voulait organiser le 27 septembre après avoir respecté toutes les formalités administratives sur le thème « Médias et Démocratie ». Cette
interdiction est pourtant survenue après que le ministre de la justice
ait confirmé, lors d’une rencontre le 24 septembre avec le milieu
associatif des droits humains, qu’il était illégal d’interdire l’organisation dans les salles publiques des activités associatives. Dans son dernier communiqué daté du 26 septembre, l’AMDH déclare que « cette
décision inopportune, sans aucun fondement légal, qui reflète l’abus de
pouvoir, doit interpeler toutes les instances gouvernementales afin
qu’elles s’attachent à l’application stricte de la loi dans le respect
des engagements du MAROC en matière de droits humains et
particulièrement le respect du travail des défenseurs des droits humains
et leur protection ».
Ces interdictions
successives qui nous replongent dans l’athmosphère de ce que l’on
appelle « les années de plomb » sont venues s’ajouter aux arrestations
arbitraires et condamnations abusives comme ce fut le cas de celle du
rappeur MOUAD qui, en raison de la diffusion de sa chanson « Chiens de l’Etat »a été incarcéré pour la troisième fois et condamné début juillet à 4 mois d’emprisonnement.
Ce fut le cas aussi de l’arrestation d’OUSSAMA HOUSNI ainsi que celle de WAFAE
CHARAF, militante du mouvement du 20 février et de l’AMDH, transportée à
l’hôpital suite à son agression par les forces de l’ordre et incarcérée
le 9 juillet. Selon l’AMDH, le déroulement du procès de leurs défenseurs « montre,
de façon catégorique, une série de violations et de dysfonctionnements
majeurs quant aux conditions d’équité et d’indépendance des
investigations, aux mesures saines quant à l’application des procédures
législatives lors du procès et l’instauration de bases pour un jugement
équitable. »
Ils furent condamnés, l’un à 3 ans d’emprisonnement et l’autre à une année.
Cette politique
têtue malgré certains subterfuges est bien loin de ce que l’on appelle
« l’exception marocaine » s’acheminant vers la démocratie. Même le siège
de l’AMRVT
(Association Médicale de Réhabilitation des Victimes de la Torture) ce
13 septembre 2014 a été saccagé pour la seconde fois : les militants ont
« constaté
la fouille des bureaux qui n’ont pas été la cible de la première
effraction, la dispersion des dossiers de l’association et des victimes
par terre, et sans toucher au matériel médical et électronique. » (Communiqué de l’AMRVT du 13 septembre 2014).
Tout cela est le
signe manifeste du renouvellement de pratiques que l’on pensait révolues
mais que l’impunité des responsables des exactions multiples pendant
les annés de plomb permet de faire réapparaître. Cette récidive est constitutive de l’impunité.
Cela nous confirme
dans la position du mouvement progressiste marocain et des associations
des droits humains dans la nécessité pour toutes les personnes éprises
de liberté, de démocratie et de dignité humaine de rester vigilants de
manière unitaire pour continuer la lutte contre toutes les formes
d’impunité.
Comment adhérer à l’AMDH-Paris/IDF?
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