repression tanger 27 09 2014« Photo d’archive. Répression d’un sit-in à rabat dénonçant la grâce royale accordée à un pédophile qui a abusé de 11 enfants ».

Depuis le début du mois de juillet 2014, le pouvoir marocain avance dans une escalade liberticide dénoncée par des observateurs tant nationaux qu’internationaux.
Cette escalade vise en particulier l’Association Marocaine des Droits Humains, créée en Juin 1979 et qui a toujours, et ce de manière pacifique, revendiqué les droits humains les plus élémentaires. Sous le règne de Hassan II, les militants de cette association avaient connu intimidations, brimades que l’on a constatées en recul depuis le début des années 90 alors que HassanII voulait redorer son blason et justifier son règne au niveau international suite aux différentes réactions dans le monde à sa politique répressive, en particulier la torture, les bagnes existants, les procés iniques… Avec l’avènement au trône de Mohamed VI, certains espéraient un changement plus important dans la pratique de gouvernance du pouvoir, espérant que le gouvernement soit plus indépendant par rapport au roi. Certes les toutes premières années pouvaient réconforter cet espoir mais le retour progressif à des pratiques antérieures rend sceptique la possibilité pour ce régime monarchique d’évoluer vers un climat de justice, de liberté et de dignité malgré les subterfuges du moment.

Il est vrai que le régime ne peut plus recourir aux bagnes, à des condamnations de 20 voire 30 années d’emprisonnement, à des disparitions forcées en nombre important… au risque de se mettre au banc des accusés au niveau international. Mais surtout le peuple marocain, une population que l’on croyait incapable de réagir, montre en particulier depuis le 20 février 2011 qu’elle a son mot à dire. Cette prise de conscience qui se lit à travers différents médias va provoquer, en réaction, une attaque bien orchestrée de la part du régime.
Le Mouvement du 20 février en fera particulièrement les frais car il s’agit d’intimider, de démobiliser les jeunes qui, assoiffés de liberté, ont exprimé dans la rue les véritables causes de la situation de dégradation au Maroc : un système autocratique qui trace les lignes rouges pour toute contestation. Ces lignes rouges sont, bien sûr, amovibles et, selon le moment sont tout bonnement anticonstitutionnelles. Le roi règne, gouverne et a le droit de les faire avancer ou reculer selon son bon vouloir…Le gouvernement, lui, ne fait que suivre la trajectoire royale et parfois aura des positions « plus royalistes que le roi ». Quant à la constitution, elle n’est qu’un décorum pour l’opinion étrangère.
C’est ainsi que, 6 mois avant l’organisation de la deuxième version du forum mondial des droits de l’homme en fin novembre prochain au Maroc, le régime marocain est rentré dans une escalade liberticide visant à interdire l’association Marocaine des Droits Humains et à réprimer ses militants actifs.
Ont été interdites plusieurs conférences à Safi, Azrou, Eljadidaqui devait organiserun sit-in dénonçant les viols dont ont été victimes des jeunes filles ; selon un communiqué de l’AMDH {à la question « sur quoi vous basez-vous pour interdire le sit-in ? », un responsable des autorités (un caïd) a répondu « sur rien, c’est comme çà. »}. A Tahla, non loin de la ville de Fes, où fut interdite une rencontre le pacha de la commune a même osé dire aux responsables de cette section de l’AMDH qu’il avait «  reçu des directives en haut lieu pour interdire toute activité de l’AMDH dans des lieux publics » et aurait précisé « il s’agit de directives à l’échelle nationale. »
Ce sont là des directives sans fondements aucuns et en contradiction avec la loi. Elles interviennent « après les déclarations du ministre de l’intérieur devant le parlement et du ministre du tourisme où ils accusent les organisations de droits humains de ternir la réputation du pays, d’entraver l’action des forces de sécurité dans leur lutte contre le terrorisme et d’œuvrer pour des agendas extérieurs ; il semble que le fait de réclamer le respect de la loi et de dénoncer les violations ( arrestations arbitraires, tortures, jugements inéquitables…) commises par les autorités soit devenu synonyme de soutien au terrorisme et de trahison envers le pays. » . (Communiqué du bureau Central de l’AMDH du 4 août 2014).
La dernière en date, ce 24 septembre 2014, est l’interdiction, à Rabat la capitale, de la conférence que l’AMDH voulait organiser le 27 septembre après avoir respecté toutes les formalités administratives sur le thème «   Médias et Démocratie ». Cette interdiction est pourtant survenue après que le ministre de la justice ait confirmé, lors d’une rencontre le 24 septembre avec le milieu associatif des droits humains, qu’il était illégal d’interdire l’organisation dans les salles publiques des activités associatives. Dans son dernier communiqué daté du 26 septembre, l’AMDH déclare que « cette décision inopportune, sans aucun fondement légal, qui reflète l’abus de pouvoir, doit interpeler toutes les instances gouvernementales afin qu’elles s’attachent à l’application stricte de la loi dans le respect des engagements du MAROC en matière de droits humains et particulièrement le respect du travail des défenseurs des droits humains et leur protection ». 
Ces interdictions successives qui nous replongent dans l’athmosphère de ce que l’on appelle « les années de plomb » sont venues s’ajouter aux arrestations arbitraires et condamnations abusives comme ce fut le cas de celle du rappeur MOUAD qui, en raison de la diffusion de sa chanson « Chiens de l’Etat »a été incarcéré pour la troisième fois et condamné début juillet à 4 mois d’emprisonnement.
Ce fut le cas aussi de l’arrestation d’OUSSAMA HOUSNI ainsi que celle de WAFAE CHARAF, militante du mouvement du 20 février et de l’AMDH, transportée à l’hôpital suite à son agression par les forces de l’ordre et incarcérée le 9 juillet. Selon l’AMDH, le déroulement du procès de leurs défenseurs « montre, de façon catégorique, une série de violations et de dysfonctionnements majeurs quant aux conditions d’équité et  d’indépendance des investigations, aux mesures saines quant à l’application des procédures législatives lors  du procès et l’instauration de bases pour un jugement équitable. »
Ils furent condamnés, l’un à 3 ans d’emprisonnement et l’autre à une année.
Cette politique têtue malgré certains subterfuges est bien loin de ce que l’on appelle « l’exception marocaine » s’acheminant vers la démocratie. Même le siège de l’AMRVT (Association Médicale de Réhabilitation des Victimes de la Torture) ce 13 septembre 2014 a été saccagé pour la seconde fois : les militants ont « constaté la fouille des bureaux qui n’ont pas été la cible de la première effraction, la dispersion des dossiers de l’association et des victimes par terre, et sans toucher au matériel médical et électronique. » (Communiqué de l’AMRVT du 13 septembre 2014).
Tout cela est le signe manifeste du renouvellement de pratiques que l’on pensait révolues mais que l’impunité des responsables des exactions multiples pendant les annés de plomb permet de faire réapparaître. Cette récidive est constitutive de l’impunité.
Cela nous confirme dans la position du mouvement progressiste marocain et des associations des droits humains dans la nécessité pour toutes les personnes éprises de liberté, de démocratie et de dignité humaine de rester vigilants de manière unitaire pour continuer la lutte contre toutes les formes d’impunité.
 
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