Journée de légèreté, ce jeudi, pour le Président français, lors de l’inauguration du TGV.Un bol d’oxygène salvateur, pour le porte-étendard de l’UMP, au moment où celui-ci accuse le coup de la lourde défaite aux sénatoriales et le raz-de-marée socialiste qui s’en est ensuivi, à la deuxième chambre.
Un moment de grâce, aussi, pour qui connaît l’hospitalité marocaine, véritable baume, compte tenu des affaires où n’en finit plus de s’embourber la droite française, après les révélations nauséabondes sur l’affaire Karachi ou encore sur celle des valises de cash africain, finançant les campagnes électorales françaises.
On sait à présent que le Maroc ne financera qu’une infime partie du coût de ce projet, aussi dispendieux que superflu, tant les priorités sont dévoyées dans un pays qui flirte avec le moyen âge, dans certaines régions.
Comme à son habitude le régime marocain exploite un Maroc utile, tant à ses intérêts qu’à ceux de ses partenaires étrangers et en oublie l’autre, enclavé.
Comme à son habitude, le régime fait l’impasse sur un appel d’offre et privilégie la France et son TGV, histoire de faire oublier à celle-ci la déconvenue du fleuron de son aéronautique, l’avion de chasse « Rafale ».
On comprend un peu mieux, que l’absence d’appel d’offre, donne lieu à une augmentation du coût du projet qui passe, ainsi, de deux à trois milliards, sans aucune explication. On comprend également, le peu d’empressement, sinon le refus de la banque européenne, à participer à son financement
Le TGV qui n’en finissait plus de voler d’échec en échec, trouve, au Maroc, un exutoire d’autant plus salutaire, que les marocains ne risquent pas, par manque de technologie, d’imiter les coréens. Ceux-ci, en effet, dans une habileté toute extrême-orientale, ont, avec l’assentiment de la France, copié le TGV, à l’identique, l’ont rebaptisé KTX et ont mis l’opération sur le compte d’un transfert de technologie, qui n’a du transfert que le nom.
Le groupe Alsthom qui rit jaune, s’en trouve réduit à la portion congrue du projet: les deux années de garantie.
Autant dire que les coréens qui ont, entièrement, construit la quarante-sixième rame du train, et qui maîtrisent à présent la grande vitesse, congédieront, sans coup férir, définitivement, les français dans deux ans .
Alors que le Japon et l’Allemagne veillent jalousement sur leur technologie, la France, elle, lorgne à présent, sur la ligne à grande vitesse, Pékin-Shanghai. Il y a fort à parier que les chinois, s’ils devaient choisir l’option TGV, ne se priveront pas d’imiter leur voisin du Sud.
On comprend, dès lors, un peu mieux, le penchant de la France, pour ses anciennes colonies qu’elle n’a jamais quittées, que mieux y revenir, par entreprises interposées. Sept cent cinquante filiales d’entreprises françaises, sont, en effet, implantées au Maroc, contre cinq cents, il y a, seulement, trois ans, ce qui fait de l’hexagone, le premier employeur étranger, avec plus de cent mille marocains employés.
Trente-huit d’entre elles, sont cotées au CAC 40:
- Agroalimentaire (Castel, Bel, Danone)
- Bancaire (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole)
- Pharmaceutique (Sanofi-Aventis, Servier)
- Automobile (Renault, PSA)
- Assurances (Axa)
- Environnement et énergie (Suez, Véolia, Pizzorno, Total, Alstom, Cégelec)
- Tourisme (Club Med, Accor,)
- Télécommunications (Vivendi, Alcatel, Webhelp),
- BTP (Lafarge, Vinci, Bouygues)
- Electronique (Thalès Microsonics, STMicroelectronics),
- Sous-traitance automobile et aéronautique (Valéo, EADS, SAFRAN)
- Textile et habillement
Ainsi le TGV vendu à vil prix, la France rattrapera d’une main ce qu’elle donne à son vassal marocain de l’autre : Construction de la ligne, maintenance des voitures, formation du personnel et encadrement lui reviendront de droit, sans oublier qu’elle se positionne, désormais, en force, pour la diffusion de la grande vitesse sur le réseau marocain, voire nord-africain !
Autre arrière-pensée et non des moindres, en réduisant les déplacements entre les villes marocaines, la France participe du même coup à la facilitation des échanges et de la desserte de ses propres entreprises, situées sur le cheminement du train. Une heure séparera désormais Tanger de Casablanca, l’enjeu n’est pas négligeable, sans oublier l’impact sur les installations hôtelières des groupes français.
La desserte aérienne, plus qu’étoffée entre les deux pays et le TGV, consacreront le Maroc, arrière-cour de l’économie française, d’autant que la main-d’œuvre nationale, plus docile, moins onéreuse et moins regardante en matière de prestations sociales, constitue résolument une invitation à la délocalisation. Les chiffres, sont plus qu’éloquents, en la matière, puisqu’ils donnent notre pays, au deuxième rang des investissements directs français, ce qui tendrait à indiquer que les entreprises françaises semblent s’être, étrangement accommodées, de la corruption et de la bureaucratie qui plombent l’économie marocaine.
Le Maroc, qui, selon les dernières prévisions semestrielles du FMI, reste un des rares pays arabes, (hors pays exportateurs de pétrole) à tirer son épingle du jeu, avec un taux de croissance de 4.6%, ambitionne d’accéder au statut de pays émergeant. Il lui faudra, pour cela atteindre le taux de plancher de 8%.
Mais ne nous leurrons pas, malgré tous les calculs et les prospectives auxquels peuvent se livrer les uns ou les autres, le développement économique est tributaire de la démocratisation des instances de gouvernance, de l’éradication de la corruption, de la disparition du népotisme et de la relégation des méthodes brutales au rebut.
Et ce ne sont ni les hirondelles, ni les TGV qui font le printemps, sinon ça se saurait.
http://eplume.wordpress.com/2011/09/29/un-tgv-ne-fait-pas-le-printemps/
----------------------------------------------------------
TGV Casablanca-Tanger : encore un éléphant blanc à la marocaine
par Jawad Moustakbal,CDTM
Dans un pays endetté de plus de 50 milliards de dollars à fin 2009 ; dans un pays où 28% de la population vit en situation de pauvreté selon l’indice multidimensionnel de la pauvreté |1| et où « 40% de la population font face soit à des difficultés pour maintenir un mode de vie modeste ou tout simplement pour survivre au jour le jour » |2| ; dans un pays où le réseau ferroviaire n’a pratiquement pas été élargi depuis plus de 40 ans, le projet de réalisation de ligne à grande vitesse LGV concrétisé fin de la semaine dernière à Tanger ne peut être qualifié que d’un nouvel éléphant blanc |3|.
Si les médias officiels et les « nouveaux chiens de garde » |4| selon l’expression de Serge Halimi ne manquent pas à se vanter de ce projet en avançant que le Maroc sera le premier pays dans l’Afrique à se doter du TGV, un regard plus attentif et avec moins de connivence nous pousse à nous poser les questions suivantes : Est ce que le TGV est une priorité pour les Marocains aujourd’hui ? A quel prix ?
Qui en bénéficiera réellement ?
Cet article se veut une modeste contribution pour essayer de répondre à ces questions à travers une analyse critique de la propagande officielle faite autour de ce projet et, au-delà même, en se posant la question fondamentale du contrôle citoyen des grands projets structurants en cours au Maroc et la légitimité de ces choix et ces engagements faits par l’Etat en dehors de toute consultation des populations qui auront encore une fois à subir les conséquences sociales, économiques et écologiques de tels choix.
UN TGV : pourquoi faire ?
La version officielle initiée par l’agence presse Maghreb (MAP) et reprise sans le moindre esprit critique encore une fois par 99% des médias nationaux |5| justifie la mise en place de ce TGV entre Casablanca et Tanger par une réduction dite importante de temps de voyage : le futur TGV permettra de faire le trajet Casablanca - Tanger en 2h10 contre 4h45 aujourd’hui. A quoi bon ?!! La majorité des voyageurs qui prennent le train reliant Tanger à Casablanca ou à Rabat se soucie plus du coût du voyage et de la qualité du service plutôt que de sa durée. Ces voyageurs se plaignent aujourd’hui des prix et du non respect des horaires avec des retards qui dépassent parfois 3 heures. A quoi bon faire le voyage en 2h10 si le train prend déjà un retard de 2 h avant le départ !
Pour le prix, la dépêche de la MAP nous informe que « l’offre de tarification sera compétitive et en harmonie avec le pouvoir d’achat des usagers du train » ; mais de qui se moque-t- on ?! Si la tarification actuelle pour des trains normaux n’est pas en harmonie avec le pouvoir d’achat des usagers, entre 23 euros et 34 euros l’aller-retour pour un SMIG qui ne dépasse pas 182 euros !!
Si on ne dit rien sur les prix des billets, l’ONCF |6| n’hésite pas à annoncer un taux de rentabilité de 12,6%, soit deux fois et demi la rentabilité des TGV français !
La version officielle souligne aussi que « ce projet d’envergure ne manquera pas d’accompagner le développement du nouveau pôle économique de Tanger-Tétouan, en raccourcissant les distances entre le Nord et le Sud du Royaume », mais depuis quand Casablanca est au sud du Maroc ? Et si on voulait vraiment relier le nord avec le sud, ne serait-il pas plus intéressant d’investir cet argent pour relier Marrakech à Agadir ? Ce tronçon qui attend depuis plus de 40 ans et qui aurait participé au désenclavement de toute la région du Souss et épargné aux nombreux citoyens qui font le déplacement vers cette région les mésaventures de transports routiers sur des routes particulièrement dangereuses.
Ou encore : « Libérer de la capacité pour fluidifier le trafic ferroviaire fret sur cet axe (effets d’entrainement du port de Tanger-Med », si le transport d’un conteneur par les trains normaux à partir du nouveau port Tanger Med coûte aujourd’hui dans les 400 euros et revient donc plus cher pour un importateur vers Casablanca que de passer directement par le port de celle-ci. Je vois mal comment la mise en place de cette ligne TGV pourra fluidifier le trafic fret sur cet axe ! Mais le comble c’est lorsque la version officielle cherche à nous convaincre de l’utilité d’un tel projet en avançant des slogans aussi trompeurs que sournois du genre « le Maroc sera le premier pays d’Afrique et du monde arabe à se doter du TGV » ; et alors ?! Si nous n’avons même pas un réseau d’assainissement capable de supporter 178 mm de pluies en 24h qui était capable de noyer la ville de Casablanca, la plus grande et la plus importante économiquement et couper toutes les routes et les lignes qui mènent vers cette ville y compris les lignes ferroviaires pour une journée entière ! |7|
… À quel prix ?
Pour un projet dont l’utilité reste à démontrer, les Marocains auront à payer 20 milliard de dirhams (1,8 milliards d’euros), ce qui représente 40 % du budget de l’enseignement pour l’année 2011, 182% du budget de la santé ou encore 39 fois le budget de la culture pour la même année ! |8|
Pour trouver des financements à ce nouvel éléphant blanc, Mr Mezouar, ministre de l’économie et des finances, s’est montré très généreux et n’a pas eu de difficultés à trouver 4.8 milliards de dirhams dans les caisses de l’Etat, lui qui pleurnichait à chaque fois qu’il s’agissait de dépenses sociales (caisse de compensation, santé, enseignement..) et prônait un plan d’austérité. Un autre milliard provenant cette fois du Fonds Hassan II pour le développement économique et social, un fond alimenté par la mise aux enchères de nos établissements publics des plus « rentables » y compris dans des secteurs stratégiques tel que l’eau, l’énergie ou les télécommunications…
Pour le reste, le gouvernement s’est encore tourné vers la solution de facilité qui continue d’absorber plus du 1/3 du budget de l’Etat à savoir l’endettement. La somme de 12,3 milliards de dirhams a été empruntée à différents créanciers :
Fonds Saoudien de Développement (SFD) : 1,585 milliards de dirhams ;
Fonds Abu Dhabi pour le développement (FADD) : 770 millions de dirhams,
Fonds Koweitien pour le Développement Economique Arabe : 1,1 milliards de dirhams
Fonds Arabe pour le Développement Economique et Social pour 626 millions de dirhams
Des créanciers français du trésor et de banques commerciales de 6,875 milliards de dirhams et de l’Agence Française de Développement pour 2,42 milliards de dirhams
En plus d’un don de l’Etat Français de 825 millions de dirhams. Le prochain paragraphe nous permettrait peut être de comprendre cette surprenante générosité de l’Etat français à notre égard !
Ce sont « des prêts concessionnels avec des taux d’intérêt avantageux entre 1,2 et 3,16 % et des délais de grâce importants allant de 5 à 20 ans », tient à souligner les responsables marocains mais ce qu’ils oublient de préciser c’est que ce sont des taux variables |9| dont la faible valeur aujourd’hui profite de la crise financière actuelle et que ces taux peuvent monter en flèche provoquant une crise de la dette telle que nous avons connue début des années 80 |10|. Ils oublient aussi de souligner que le mécanisme de la dette soutenu et accentué par ces endettements pèse lourdement sur le budget de l’Etat en absorbant chaque année plus du 1/3 du budget en service de la dette Service de la dette Somme des intérêts et de l’amortissement du capital emprunté. mais aussi et surtout en compromettant notre souveraineté économique aux profits des créanciers et des institutions financières internationales (FMI et BM).
Qui en bénéficiera réellement ?
Si cinq des six conventions signées la semaine dernière concernent le financement, la 6ème quant à elle a été conclue avec le groupe français Alstom qui va fournir 14 rames à deux niveaux, chaque rame comprendra 8 voitures et doit accueillir jusqu’à 533 voyageurs. Cette convention a été signée en gré à gré sans aucun appel d’offres ! Tout ce qu’a trouvé le ministre de l’équipement et du transport Mr A. Ghellab pour justifier cette décision c’est de nous dire que « Les prix de ce contrat sont au moins aussi avantageux que ceux des marchés comparables conclus récemment en France et en Europe. » Bien sûr nous n’avons qu’à vous croire sur parole Mr le ministre, votre parole est donc suffisante pour accorder un marché de plus de 4.5 milliards de dirhams à cette multinationale française Alstom !
Notes
|1| Rapport de l’université d’Oxford sur l’indicateur multidimensionnel de la pauvreté
|2| "Le Maroc 96è pays pauvre dans le monde » Par Mimoun Rahmani membre d’attac/cadtm Maroc. Oct 2009
http://www.e-joussour.net/en/node/3406
|3| Selon Wikipédia : « Un éléphant blanc est une réalisation d’envergure, souvent prestigieuse et d’initiative publique, qui s’avère plus coûteuse que bénéfique et dont l’exploitation ou l’entretien devient un fardeau financier »
|4| Paru en 1997, le livre "Les nouveaux chiens de garde" du journaliste français Serge Halimi a connu un énorme succès. Dans son ouvrage, Serge Halimi s’attaque aux trente journalistes sensés être les meilleurs de la profession en France. Pour lui, ils forment une « société de cour et d’argent » qui pratique un « journalisme de marché » et relaie une pensée unique, néolibérale.
|5| Voir par exemple le journal « Le matin » publié le 10.12.2010
|6| Office national des chemins de fer : Société public (pour l’instant !) chargé de la gestion, la maintenance et l’exploitation du réseau ferroviaire au Maroc
|7| Plus d’informations sur ces inondations et sur l’échec de la Lydec filiale de SUEZ à casablanca dans cet article coécrit avec Salah Lemaizi : « Entre les événements du camp Igdem Izik à Laâyoune et les inondations de Casa : Traits d’un État en faillite » : http://www.cadtm.org/Maroc-Entre-le...
|8| Discours du Ministre de l’économie et des finances à l’occasion de la présentation du projet de Loi de Finances 2011 devant la Chambre des Représentants.
|9| Le mutisme des responsables sur la nature des taux, laisse présager des prêts à taux variable dans le cas contraire ils n’auront pas omis de le souligner !
|10| Voir dans ce sens l’analyse faite par Damien Millet et Éric Toussaint sur les possibilités d’une nouvelle crise de la dette au sud dans leur ouvrage « La crise, quelles crises ? » Edition Aden, CETIM & CADTM, décembre 2009.
Libellés : coût, Nicolas Sarkozy, TGV marocain
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire