Le tribunal administratif d'Oujda condamne l'Exécutif à verser des dommages et intérêts s'élevant à 450.000 DH (et non 450 000 000, erreur d'un article précédent) à la famille de la défunte.
Par Mohamed Badrane | LE MATIN, 16/10/2010
Le verdict est tombé dans l'affaire Aicha Mokhtari. Le tribunal administratif d'Oujda a condamné le gouvernement en la personne du Premier ministre à verser des dommages et intérêts à la famille de la défunte Aicha Mokhtari. Au total, les héritiers légaux de la défunte recevront des dommages et intérêts s'élevant à 450.000 dirhams.
«Ce jugement est une véritable source de fierté pour nous. Mais il s'agit surtout d'un hommage rendu à titre posthume à ma sœur Aicha», affirme Abdelaziz Mokhtari qui a mené un véritable combat durant trois années, frappant à toutes les portes pour sauver sa sœur. L'histoire commence lorsqu'en mai 2009, Aicha Mokhtari, encore en vie, saisit la justice. Cette femme, décédée des suites d'un cancer quelques mois après, dénonçait dans sa plainte l'inertie du ministère de la Santé à fournir l'aide nécessaire pour se soigner. Gravement malade et souffrant de douleurs atroces au niveau de son genou qui l'empêchait de dormir la nuit, Aicha devait se rendre à l'étranger pour poursuivre son traitement sur prescription de son médecin traitant. Les séances de chimiothérapie que la défunte suivait à Oujda ont eu des effets secondaires sur sa santé. Son cas nécessitait une prise en charge particulière, d'où la nécessité de partir à l'étranger. Mais ce qui devait être de simples démarches administratives de routine auprès des services consulaires français au Maroc, s'est transformé en un véritable cauchemar pour la défunte et sa famille.
Homonymie
Une affaire d'homonymie avec une ressortissante algérienne qui porte le même nom et prénom mène le consulat de la France à refuser la demande de visa. Une véritable course contre la montre s'est enclenchée par la suite pour la famille de la défunte pour la sauver. Pressés par le temps puisque sa maladie était dans un stade très avancé et sa vie de facto en danger, les membres de la famille Mokhtari ont frappé à toutes les portes au Maroc et en France pour sauver Aïcha mais en vain. Les réponses des différentes institutions françaises (présidence de la république, ministère des Affaires étrangères et celui de l'Immigration notamment) s'accordaient toutes à confirmer la souveraineté des autorités consulaires quant à l'acceptation ou le refus des demandes de visa. Les réponses des responsables marocains n'ont pas été, selon les membres de la famille Mokhtari, d'un grand soutien.
Dans leur plainte, ils reprochent au ministère de la Santé «l'inertie» et le «manque de soutien» afin de trouver une solution pour une meilleure prise en charge de la défunte. En effet, la famille Mokhatri avait saisi la Primature. Sa lettre sera transférée à la ministre de la Santé qui a répondu en affirmant, selon les documents joints à la plainte, que la défunte s'est volontairement abstenue de poursuivre son traitement aux services hospitaliers publics tout en choisissant de partir en France pour se soigner. Une version récusée par les Mokhtari qui, eux, assurent que le médecin traitant, voyant l'état de santé de sa patiente se détériorer de jour en jour, finit par lui prescrire de partir à l'étranger pour poursuivre son traitement. Les choses s'arrêteront à ce stade pour Aicha qui a rendu l'âme sans connaître la suite de cette affaire. Après sa mort, les membres de sa famille se constituent en partie civile dans le procès. «Nous avons véritablement confiance en notre justice. Ce verdict est le couronnement de trois années de combat que nous avons mené», ajoute Abdelaziz Mokhtari. A noter qu'une plainte a été déjà déposée en France pour poursuivre également le gouvernement français. «Pour ma famille, les choses ne vont pas s'arrêter à ce niveau. Nous comptons également saisir, dans les prochains jours, la chambre correctionnelle à Oujda pour poursuivre les responsables de la mort de ma sœur. Nous menons l'affaire jusqu'au bout», conclut-il.
Saisine
La famille Mokhtari a saisi de nombreux responsables marocains et français. Selon un membre de la famille, aucun des responsables marocains contactés n'a répondu à ses lettres.
Pour leur part, tous les ministres et autres responsables français contactés ont affirmé que les services du ministère de l'Immigration sont seuls responsables et souverains dans les demandes de visa. Le ministre français de l'Immigration, de l'Intégration et de l'Identité nationale a, dans une lettre, expliqué le refus de la demande de la défunte. En effet, dans une lettre qui date du 6 mai 2008, le responsable français affirme que «Aïcha Mokhtari n'a pas fourni plusieurs pièces justificatives demandées pour l'établissement du type de visa qu'elle souhaitait (moyens de subsistance suffisants pour assurer le séjour en France et garantir le retour dans le pays de résidence, adéquation entre les documents présentés, capacité de l'hébergeant à prendre en charge l'intéressée». Un manque de pièces qui lui a valu un refus.
Repères
Etapes
L'Etat de santé de la défunte se détériore et nécessite, selon l'avis de son médecin, une prise en charge médicale à l'étranger.
La famille de la patiente a choisi l'Institut de cancérologie Gustave Roussy en France, un des centres européens les plus connus en matière de lutte contre le cancer.
Le consulat de la France à Fès refuse la demande de visa pour une question d'homonymie.
Le 15 août 2009, Aicha Mokhtari décède à Oujda sans avoir l'occasion de poursuivre son traitement.
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