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samedi 23 mai 2009

Quand j’étais dans le désert

De retour du Festival international du cinéma au Sahara occidental
par
Atenea ACEVEDO, 20/5/2009. Traduit par Esteban G. et é dité par Fausto Giudice, Tlaxcala





Pour J.O

La sonorité du mot Sahara contient la douceur spongieuse des dunes, la tyrannie du soleil, le bleu profond d'un ciel constellé, la vision fantastique d'un infini stérile. La guerre, la spoliation, la précarité, l'exil et l'injustice font également partie d’elle. La force irrésistible d'un peuple qui depuis trente-trois ans fait que lorsqu’on dit Sahara, on dit aussi résistance, aspiration, tempérance.

Arriver à Dakhla, un des camps de réfugiés sahraouis en Algérie dont le nom correspond à une de leurs villes sous occupation militaire marocaine, est une odyssée en règle. Comme si les péripéties se conjuguaient pour tester la détermination et la dureté de la peau de la voyageuse, simplement pour la récompenser par des images et des émotions uniques. Les heures dans un avion charter qui ressemble plus à un autobus loué par un groupe de camarades et le massage impitoyable que m’offre le transit tout-terrain depuis Tindouf sont le prix à payer pour le premier lever de soleil dans le désert. Mes yeux cessent d’épier et s’ouvrent comme des éventails, ensorcelés devant la vigueur du feu qui monte avec l'élan d'un dieu absolu. Dans peu de temps ils se fermeront, peut-être pour somnoler dans la khaima ou le gueton lorsque le corps refuse d'accompagner mon besoin de refaire le parcours et de me rappeler de tout.

À force de consignes, la réalité des camps vient à moi par paliers. La réflexion immédiate évoque ce que j'avais appris à comprendre comme « confort » ou « vie moderne », des euphémismes pour indiquer un robinet, une prise de courant électrique, une rue pavée et, aussi, une porte armée de verrous. Ici, où le temps a adopté la forme de l'horizon illimité, un moment suffit pour reconnaître dans ces objets caractéristiques les véhicules du gaspillage et de la gabegie. Nous avons besoin de peu et nous voulons tout, qu’importe si sur le chemin nous écrasons ou nous arrachons. Le peuple sahraoui, plongé dans la brutalité de l'occupation d'un côté du mur le plus long du globe ou de l'autre dans la rigueur de l'exil, sait que sa survie dépend du sens de la collectivité. Et les jours et les nuits à Dakhla permettent de faire la place à une réflexion plus détaillée sur ce qui dans mon monde s’est laissé perdre et qui n'est pas rien : la notion de communauté, la motivation pour nous reconnaître dans d'autres humanités, l'esprit de rébellion, la célébration de la vie pour elle-même.

Tout comme les centaines de personnes qui sont de passage, je jouis du rituel du thé, du refuge d'une famille, des amabilités du turban, de l'étoile qui annonce le lever du jour, de la cadence sage des dromadaires. La quiétude de chaque instant offre un apprentissage. J’écoute attentionnée le salut sahraoui, un échange de questions sur le bien-être de la famille et sur le bétail, sur les chemins parcourus et la présence souhaitée de l'eau dans un désert sans maître. Il s'agit de quelque chose de plus qu'une tradition de nomades, ce dialogue utile pour tracer sa propre route et réduire les probabilités de périr ou de se perdre sur des pistes rougeâtres : En préservant le salut qui distingue son esprit nomade, le peuple sahraoui scelle sa conviction dans la victoire et perpétue la chaîne de son identité légendaire.

L'imagination règne dans le Sahara, espace idéal pour l'organisation délirante d'un festival international de cinéma. Projeter des films dans l'immensité du mal-nommé « néant » ne rafraîchit pas seulement les sens marqués par une patience qui s’épuise. Quel meilleur moyen pour se pencher sur d'autres réalités et présenter, celle, propre au langage audio-visuel, emblème de notre temps ? Pour cela le festival offre des ateliers de documentaire, photographie, édition, son ou radio. C'est pourquoi la construction de la première école de cinéma est en cours et que les transmissions de la télévision sahraouei viennent d'être inaugurées. Tout sert à renforcer le sillon de la dignité et à défendre le sourire de ces gens qui ne demandent pas l’autorisation pour être et brandir leur drapeau.

Le lieu commun dicte d’affuter la perspective après avoir voyagé dans un camp sahraoui, lieu où la sotte pulsion humaine dépasse des adversités inimaginables, paysage singulier dans une planète où la pensée unique a déraciné tout trait d'originalité, de fait, les villes et les personnes sont chaque fois plus fastidieusement semblables. Peut-être est-ce ce qui explique le sourire qui se dessine sur ma bouche quand je parle du Sahara et d'un peuple qui a les yeux rivés vers le futur, les pieds enracinés dans l'histoire et des ailes qui lui poussent sur les bras. Mais ma fascination n’est pas à la mesure de sa blessure. Pour autant que nous qui arrivons ayons besoin d’une cure contre le consumérisme et la superficialité, pour aussi intense que s’avère l'expérience, personne ne devrait vivre en inventant des manières de crier au monde sa tristesse et sa soif de justice. Je joins ma voix au chœur qui exige un Sahara libre MAINTENANT.






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