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vendredi 2 décembre 2016

France - Non à la ségrégation nationale contre les jeunes étrangers


Par Un collectif




A l'occasion de la Journée internationale des droits de l'enfant, des personnalités de la société civile dont l'historien Pap Ndiaye dénoncent la nouvelle loi sur la protection de l'enfance, qui légalise la discrimination des mineurs étrangers.

La loi réformant la protection de l’enfance, promulguée le 14 mars 2016, détruit un ensemble de droits fondamentaux et légalise la discrimination des jeunes étrangers présents sur notre territoire. Elle instaure un régime de droit spécial, comprenant un ensemble de dispositions contraires à celles qui s’appliquent encore aux jeunes français qui, eux, bénéficient des mesures antérieures, plus protectrices et conformes au principe d’égalité universel : «Un enfant doit être protégé».
Pour la première fois dans notre pays depuis Vichy, le critère de nationalité ouvre à un régime de ségrégation nationale.

La nationalité ne doit pas devenir un critère exclusif de la protection

Un jeune, privé du soutien d’une autorité parentale, doit être protégé par les autorités publiques, jusqu’à ce qu’il soit en mesure de subvenir à ses propres besoins, quelle que soit sa nationalité. Ce principe d’égalité fondamental est reconnu par la CIDE (Convention Internationale de Droits de l’Enfant), ratifié par la France.
Initialement, il convient de le rappeler, seule l’évaluation de la vulnérabilité figurait dans la loi. Elle reposait donc sur une parfaite indifférence au critère de nationalité.
L’absence de critères particuliers pour les jeunes étrangers en faisait une loi positive et ouverte, conforme à l’exigence démocratique d’un Etat au service de tous.

Or, depuis plusieurs années, l’évaluation de la vulnérabilité est supplantée par des évaluations dites «sociales» visant à vérifier la minorité et l’isolement des jeunes étrangers. Ces évaluations écartent un très grand nombre de jeunes de toute protection effective, malgré leur situation de vulnérabilité réelle et des parcours migratoires souvent très éprouvants. Aujourd’hui, ceux qui se présentent comme «mineurs isolés» ne voient plus leur vulnérabilité prise en compte. Ceux-ci doivent, préalablement à une éventuelle prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance, faire la preuve de leur minorité et de leur isolement. Or, leurs propos sont systématiquement mis en doute et leurs documents d’identité contestés sans qu’une vérification administrative ordinaire ne soit menée.
Cette discrimination, pratiquée depuis des années par de nombreux départements, puis systématisée sur l’ensemble du territoire par la circulaire Taubira, demeurait cependant contradictoire avec la loi elle-même et ses fondements: la prise en compte de la vulnérabilité des jeunes et l’obligation de protéger tous les mineurs. L’introduction, au cœur de la nouvelle loi, d’évaluations discriminantes renforce inévitablement la suspicion, légalise le tri et altère la démarche de protection tout au long du parcours des jeunes: avant, pendant et après la période de prise en charge proprement dite.

La protection de l’enfance ne peut se fonder sur la reconnaissance de minorité

En réalité, la détermination de l’âge et de l’isolement a pris le pas sur l’examen de la vulnérabilité réelle et transformé le devoir de protection de l’enfance, en obligation de tri et, pour finir, en mesures de police. Ces évaluations suspicieuses et discriminantes sont inacceptables. Rien ne légitime un traitement spécifique des jeunes étrangers; rien ne justifie que des jeunes vulnérables soient soustraits au droit égal de la protection de l’enfance. Nous ne pouvons tolérer que le tri soit la nouvelle norme de la protection de l’enfance.
Il importe aujourd’hui que tous les gens soucieux de la protection des jeunes en situation de vulnérabilité, partisans d’un droit égal pour tous, se prononcent fermement contre les dispositions de cette nouvelle loi et plaident ouvertement pour la protection de tous les jeunes isolés, qu’ils soient mineurs ou très jeunes majeurs.

Les jeunes étrangers doivent être considérés comme des jeunes d’ici

Ces jeunes ne sont plus de jeunes migrants, ils sont aujourd’hui ici. Quelques-uns ont décidé d’affirmer publiquement «Nous sommes là», «Je suis là». Ces jeunes doivent être traités à l’égal de tous les autres jeunes. Un jeune est un jeune. Chaque jeune présent sur le territoire, en situation de vulnérabilité, doit être protégé par les autorités publiques. C’est ce qu’ils affirment eux-mêmes par leur volonté d’aller à l’école. Lors de rassemblements des jeunes déclaraient: «les mineurs à l’école».
La place de ces jeunes c’est effectivement l’école et non la rue, l’errance ou l’abandon. Ces jeunes sont là, ils ont toute leur place ici, à l’école. L’école, ce n’est pas seulement l’apprentissage indispensable, c’est aussi la place qui leur est due et que nous leur reconnaissons. Cela inclut également un hébergement, un suivi social et plus généralement une prise en charge conséquente par les services de l’Aide Sociale à l’Enfance.

Seules la vulnérabilité et la présence sur le territoire doivent déterminer les règles de la protection de l’enfant. C’est pourquoi, nous exigeons:
- l’abrogation des dispositifs dits «d’accueil et d’orientation»
- l’abrogation des évaluations dites «sociales» de la minorité et de l’isolement des jeunes. Ces évaluations ne sauraient motiver une quelconque décision concernant la protection de jeunes vulnérables
- la scolarisation immédiate et sans condition de tous les jeunes qui en font la demande
- la protection de tout jeune «isolé» présent sur le territoire par les autorités publiques jusqu’au terme de ses études et de son insertion professionnelle.


Pour signer la pétition sur change.org.


Premiers signataires : Nils Andersson, ancien éditeur (ancien éditeur des ouvrages interdits pendant la guerre d’Algérie); Jenny Bacry, psychologue clinicienne, Protection de l’enfance; Emmanuel Bacry, directeur de recherches CNRS, Ecole Polytechnique; Françoise Balibar, professeur émérite, Université Paris-Diderot; Lise-Marie Barré, productrice pour France Culture (Collectif Parisien pour la Protection des Jeunes et Mineurs Isolés); Michaël Batalla, poète; Philippe Beck, poète; Luc Bénazet, écrivain; Laurent Cauwet, éditeur; Carine Chichkowsky, productrice; Pierre Chopinaud, écrivain; Salome Cohen Guez, juriste; Nathalie Collantes, chorégraphe; Valérie Delarue, sculpteur céramiste; Patrick Deshais, directeur des ressources humaines; Céline Ducreux, monteuse; Sébastien Derrey, metteur en scène; Dr Maria da Silva, médecin à Vitry, ex-mineur étranger; Dr Diawara, médecin hospitalier gériatre, Paris; Antoine Dufeu, écrivain, éditeur et enseignant; Joël Fallet, directeur CPAM à la retraite, doctorant en histoire; Pierre-Noël Giraud, économiste; Jérémy Gravayat, cinéaste (Collectif Parisien pour la Protection des Jeunes et Mineurs Isolés), Carole Ferrand, cinéaste; Catherine Hass, anthropologue (Collectif Parisien pour la Protection des Jeunes et Mineurs Isolés); Régis Hebette, co-directeur du Théâtre L’Echangeur / Bagnolet;  Amar Henni, éducateur, anthropologue; Ghazi Hidouci, économiste, administrateur du Fonds mondial pour le développement des villes, président de l’AITEC;  Christian Ingrao, historien, CNRS; Catherine Jabot, comédienne (Collectif Parisien pour la Protection des Jeunes et Mineurs Isolés); Alain Jean, médecin gériatre, praticien hospitalier de l’Assistance des Hôpitaux de Paris; Sylvain Jean, professeur de lettres; Anne Kerlan, directrice de recherche au CNRS, historienne (Collectif Parisien pour la Protection des Jeunes et Mineurs Isolés); Sylvain Lazarus, anthropologue, professeur émérite, Université Paris 8; Johnny Lebigot, co-directeur de Théâtre de L’Echangeur-Cie Public Chéri; Pierre Linguanotto, documentariste (Collectif Parisien pour la Protection des Jeunes et Mineurs Isolés); Virginie Linhart, réalisatrice; Marie-José Malis, directrice, La Commune-Centre dramatique national Aubervilliers; Chiara Malta, réalisatrice; Renaud Mandel, éducateur, président de l’ADMIE; Maguy Marin, chorégraphe, directrice de Ramdam, Centre d’Art, Saint-Foy-lès-Lyon; Natacha Michel, écrivain; Catherine Milkovitch-Rioux, professeure à l’université Clermont Auvergne; Djibril Ndiaye, économiste, Paris; Pap Ndiaye, historien, professeur à Sciences Po; Giusy Pisano, professeur des Universités à l’ENS Louis-Lumière; Pauline Pitou,
 assistante sociale; Camille Plagnet, réalisateur, Malika Rahal, chargée de recherche au CNRS, historienne; Juliette Rigondet, journaliste et écrivain; Stéphane Rizzi, cinéaste; Frédéric Sacard, directeur adjoint de La Commune-Centre dramatique national Aubervilliers; Emmanuel Soland, poète sonore; Brigitte Sy, réalisatrice; Murielle Tranchant-Edery, psychologue; Xavier Vigna, professeur à l’Université de Bourgogne, historien; Isabelle Weingarten, actrice et photographe.

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