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Sahara Info n° 101 septembre 2016
Quand le Maroc et l'UE signent en 2012 un accord de libéralisation des
échanges des produits agricoles et de la pêche, les deux partenaires oublient
très commodément que le Sahara occidental, territoire non autonome, ne peut
légalement être inclus dans cet accord.
Le Maroc y voit un pas de plus vers une reconnaissance officieuse de sa
souveraineté sur le territoire des Saharouis et l'Union européenne ferme les
yeux sur cet abus de son partenaire, au nom d'intérêts politiques, juridiques,
de la gestion des flux migratoires , sans compter la lutte contre le terrorisme
!
Le Front Polisario, représentant légitime du peuple sahraoui, se basant sur
l'avis de nombreux experts en droit international et sur de précédents accords
signés par les États-Unis, la Norvège, etc., entame alors une lutte juridique
auprès de la Cour de Justice de l'UE (CJUE).
Premier coup de tonnerre, le 10 décembre 2015, le Tribunal de l'Union
européenne annule l'accord agricole UE-Maroc dans la mesure où il s'applique au
Sahara occidental, déclarant sans ambiguïté que le Maroc n'a pas de souveraineté
sur ce territoire !
Hypocrisie européenne
Depuis la signature de l'accord en 2012, l'UE en effet ferme les yeux sur le fait que le Maroc exporte dans l'Union des produits du Sahara occidental sous le label " Maroc". Le Maroc viole ainsi au moins trois législations, le droit international concernant l'exploitation des ressources naturelles d'un territoire non autonome, celui qui ne permet pas d'étendre le champ d'application d'un traité bilatéral à un territoire « qui constitue une partie tierce par rapport aux parties au traité », et le droit des consommateurs à connaître le lieu de production des produits qu'ils voudraient acheter.
Plus grave, l'Union européenne s'implique au Sahara occidental même :
contrôles vétérinaires, audits sanitaires, agrément de 140 exportateurs
agricoles ou entreprises de transformation de poisson tous situés sur le
territoire du Sahara Occidental.
Non contents de bafouer la législation internationale, le Conseil de l'UE et
la Commission européenne, appuyés par 5 États membres dont la France, décident
de se pourvoir en appel, questionnant la capacité juridique du Front Polisario à
ester devant la justice européenne, bien que celui-ci soit reconnu formellement
par l'ONU comme acteur politique et représentant légitime du peuple
sahraoui.
Deuxième acte : le 13 septembre 2016, l'avocat général M. Wathelet
remet à la CJUE son avis sur ce litige et confirme sans ambiguïté que ni
l'accord d'association EU-Maroc adopté en 2000 ni l'accord commercial de
libéralisation des produits agricoles et de la pêche de 2012 ne peuvent
s'appliquer au territoire du Sahara occidental.
C'est la deuxième fois que la justice confirme que les accords signés entre
le Maroc et l'UE ne peuvent en aucun cas s'appliquer au Sahara occidental. Nous
ne pouvons donc que nous réjouir de ce démenti formel européen enfin apporté à
la prétention de souveraineté du Maroc sur le territoire sahraoui.
En revanche, comme le souligne le Front Polisario, il est regrettable que
l'avocat général décide que la présence de l'Union européenne au Sahara
occidental, telle qu'elle est établie dans le dossier, ne constitue pas une
extension de l'accord UE-Maroc au Sahara occidental !
Et il est regrettable qu'en raison de cela, il déclare que la plainte du
Front Polisario n'a pas lieu d'être.
Toutefois, il laisse à la Cour de justice le soin de juger si les deux
accords sont tout de même applicables au Sahara occidental, et s'il faut, en
conséquence, que le pourvoi du Conseil européen soit rejeté.
Mais, en attendant l'arrêt final de la Cour, qui devrait intervenir avant la
fin de l'année, l'Union européenne a bien compris que ses faits et gestes au
Sahara occidental sont maintenant scrutés à l'aune de ces avis juridiques… La
carte du Maroc a été corrigée sur le site de l'Union européenne, faisant
désormais apparaître l'appellation Sahara occidental. Et surtout l'Office
alimentaire et vétérinaire de l'UE a déprogrammé les audits prévus sur le
territoire sahraoui en 2016.
Cependant, l'importation en Europe de produits du Sahara occidental
se poursuit aujourd'hui en toute illégalité
Tandis que l'avis de l'avocat général était remis à la CJUE, un navire en provenance d'El Aïoun (Sahara occidental) et transportant une cargaison d'huile de poisson arrivait à Fécamp. Or, depuis le 10 décembre 2015, l'accord EU-Maroc est annulé et le pourvoi du Conseil n'est pas suspensif.
L'Euro-député José Bové, rapporteur en 2012, fortement opposé à la signature
de cet accord qui n'excluait pas explicitement le Sahara occidental, déclare "
L'UE devrait sans tarder prendre les mesures adéquates pour qu'aucun produit
provenant du Sahara Occidental n'entre illégalement sur le marché de l'UE en
tant que produit marocain". Selon le site de Western Sahara Resource Watch
(WSRW), concernant l'arrivée du navire Key Bay à Fécamp, il spécifiait: "Je
demande aux autorités portuaires du Havre de lire attentivement les conclusions
magistrales de l'avocat général, d'intercepter le navire et d'évaluer
efficacement son contenu, son origine et le régime d'imposition de ces
produits.»
Et maintenant ?
Jusqu'au rendu de l'arrêt final de la CJUE, il appartient au Front Polisario, au peuple sahraoui, à tous les militants solidaires, et aux consommateurs, d'être aux aguets et de répertorier toutes les violations commises par le Maroc à ces accords. Aucun produit du Sahara occidental ne doit être exporté dans l'Union européenne !
Le professeur Éric David souligne que les Sahraouis n'ont pas autorisé ces
importations, qu'il s'agit d'une dilapidation de leurs ressources naturelles.
Dénonçant l'illégalité de la présence marocaine au Sahara occidental, il suggère
que « toutes les importations européennes en provenance de ce territoire
pourraient [à la demande des Sahraouis] parfaitement faire l'objet d'une
saisie-arrêt par les tribunaux européens. »
Comme il l'a rappelé dans son communiqué du 13 septembre 2016, le Front
Polisario « attend sereinement l'arrêt de la Cour et reste disponible pour toute
discussion franche et sincère avec le Conseil et la Commission européens. »
L'analyse de Maître Gilles Devers parue dans TSA :
Déclaration du Front Polisario : http://www.spsrasd.info/news/fr/articles/2016/09/13/4074.html
Libération : http://www.liberation.fr/planete/2016/09/16/l-huile-de-poisson-arme-juridique-des-sahraouis_1498405
Western Sahara Resource Watch : http://www.wsrw.org/a111x3580
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