Ils ferment les frontières, ouvrons nos écoles
Thomas Piketty, Alain Badiou ou Frédéric Lordon, des intellectuels de renom signent un mot d’ordre lancé par des étudiants et des professeurs : accueillir dans les écoles et universités tous ceux qui fuient les guerres, persécutions ou désastres économiques et environnementaux.
Nous prenons acte de l’impuissance de l’Europe à mettre
en place des politiques d’accueil respectant la dignité et l’intégrité
des exilés. Nous constatons les pratiques déshumanisantes des pouvoirs
publics qui refusent de considérer ces femmes et ces hommes comme des
individus animés de projets et de désirs, mais parlent de flux, de
chiffres, de menaces, au mieux de potentiels, qu’il faudrait gérer,
optimiser, contenir. Nous avons été les témoins de la logique d’attente
interminable qui dépossède, à petit feu, les demandeurs d’asile de tout
rêve et de tout espoir. Et parce qu’il est scandaleux de rester
indifférent face au pourrissement des existences que produisent ces
politiques, parce qu’il est intolérable de ne pas réagir face au manque
de moyens destinés à assurer une vie décente sur le territoire
d’installation, il nous semble nécessaire aujourd’hui d’appeler à une
nouvelle conception de l’accueil.
Qu’on se tienne un instant parmi les assemblées générales des exilés
des camps à Vintimille, à Calais ou à Paris, dans les centres
d’hébergement partout en France, aux côtés des associations politiques
de migrants, auprès des organisations de défense des étrangers. On
entendra, parmi les revendications élémentaires et vitales du droit aux
papiers et au logement, une demande s’élever : le droit à l’éducation, à
l’apprentissage du français, à la reprise d’études. Car souvent, les
personnes en exil n’ont pas accès à des cursus scolaires ou
universitaires et les associations de cours de français sont débordées.
Celles et ceux qui ailleurs se reconnaissaient comme étudiants,
intellectuels, et se projetaient dans un métier, ne se voient définis
ici qu’à travers des catégories administratives arbitraires et
appauvrissantes.
Se tient donc un lieu : l’école. Une certitude : que la langue et la
connaissance sont les fondements de la dignité et de la reconstruction
de soi. Une revendication : la liberté d’étudier et de développer ses
projets sur le sol où l’on vit. Nous avons décidé de répondre à cette
nécessité. Partout, depuis septembre 2015, des groupes se constituent,
des programmes s’ouvrent, très souvent soutenus par la direction des
écoles et des universités, pour faciliter l’accès aux savoirs et à
l’apprentissage du français aux réfugiés - qu’ils aient été reconnus
comme tels ou non par l’administration française. C’est le cas, déjà,
dans de nombreuses écoles et universités, et à travers des associations
de Français Langue Etrangère (FLE) également, comme Infléchir ou Thot.
Aujourd’hui, des centaines de réfugiés et exilés ont intégré les
structures d’accueil que nous contribuons à construire. Nous refusons
l’iniquité, et des institutions nous soutiennent dans cet engagement. Il
ne s’agit pas de produire ici un nouveau projet de gestion
«humanitaire», ni de s’inscrire dans une logique de charité : ce sont
trop souvent les noms de l’asymétrie et de la dépossession. Au
contraire, nous pensons qu’il faut faire l’effort de travailler ensemble
avec les forces de ceux et celles qui ont traversé les frontières, et
qui ont bien plus de solutions à proposer que nous n’en aurons jamais.
Il est impératif de fonder ces espaces communs. Notre action s’inscrit
dans une double urgence : d’un côté, l’accès au droit fondamental qu’est
l’éducation pour tous ; de l’autre, l’exigence de faire de l’université
le lieu par excellence de l’ouverture et de l’émancipation.
Organisation de cours de FLE, mise en place de tandems linguistiques,
d’activités culturelles et sportives, de films et de discussions,
ouverture aux infrastructures des établissements d’accueil
(bibliothèques, restaurants, campus), aide à l’orientation,
accompagnement dans les démarches, tutorat enseignant et binôme
étudiant, conférences où la parole est donnée aux migrants, moments
festifs de rencontre…
La liste des possibilités est longue et les initiatives réussies
nombreuses. Etudiants et professeurs en sont souvent à l’origine : il
suffit de quelques personnes déterminées pour assurer que les
établissements s’emparent de leurs responsabilités. A l’automne 2015,
les promesses des présidents d’université et les appels à ouvrir leurs
établissements aux réfugiés avaient entraîné une nuée d’espoirs :
assurons-nous que cette mobilisation prend effet partout où elle est
nécessaire. Nous, étudiants, personnels de l’enseignement supérieur, et
professeurs solidaires, nous constituons en collectif afin de motiver et
promouvoir la création de programmes similaires. Notre collectif
propose de mettre en réseau l’ensemble des initiatives existantes ou
émergentes, afin de s’organiser pour répondre aux besoins des premiers
concernés. Nous appelons ceux et celles qui ne savent pas où commencer,
comment faire, à qui s’adresser, mais qui ont pourtant conscience de la
nécessité d’agir, à nous contacter. Chaque initiative est autonome et
indépendante : nous souhaitons organiser un collectif horizontal de
travail et de confiance entre tous ceux qui défendent les mêmes
revendications ; un terrain fertile pour montrer qu’il est possible de
s’organiser autrement, et pour lutter en faveur du droit à l’éducation
et à la dignité de tous les exilés.
Cette tribune est signée par le Réseau Etudes
supérieures et orientation des migrant-e-s et exilé-e-s (Resome),
constitué par des étudiants, personnels et enseignants de l’EHESS,
l’Ensad, la Femis, l’ENS-Ulm, d’AgroParisTech, l’ENS-Lyon, Paris-VIII
Saint-Denis, Paris-X Nanterre, Paris-VII Diderot, Paris-Sorbonne,
l’ENSCI et les organisations suivantes : association Migrens, Voyage au
bout de la 11, RUSF Paris-VIII, InFLEchir. Parmi les premiers
signataires : Thomas Piketty, Edgar Morin, Alain Badiou, Eric Fassin,
Frédéric Lordon, Catherine Wihtol de Wenden.
Lire la liste complète sur : www.resome.org
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19:54 A lire ailleurs. A l'occasion de la sortie britannique de Bridget Jones Baby (en salles en France le 5 octobre), The Telegraph explique comment l'actrice texane Renée Zellweger a appris à parler avec un accent british pour interpréter l'héroïne d'Helen Fielding.
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