jeudi, septembre 22, 2016 , Plan de Paix
Acculé par le dernier sommet des Non-alignés et par l’Union européenne,
le Maroc tente désespérément de s’attribuer des « victoires imaginaires »
relatives à la question du Sahara occidental, dernière colonie, selon
l’Onu. Fin connaisseur du dossier, Amar Belani réfute les mensonges
véhiculés par les représentants du Makhzen et remets les pendules à
l’heure.
Afrique Asie - Selon la presse officielle marocaine, l’Ambassadeur du
Maroc Omar Hilale, a "croisé le fer et recadré fermement" de hauts
responsables algériens lors du sommet des Non-alignés qui vient
d’achever ses travaux sur l’île vénézuélienne de Margarita. Qu’en est-il
réellement ?
Amar Belani :Ecoutez, les sorties burlesques de ce Monsieur sont une
parfaite illustration de la fable de la grenouille qui veut se faire
aussi grosse que le bœuf, une plaisante allégorie sur le ridicule de la
vanité narcissique. Il tente désespérément, à coups de pseudo "faits
d’arme" dérisoires, de faire accroire à une bilatéralisation de la
question du Sahara occidental alors que pour l’ensemble de la communauté
internationale il s’agit bien d’une question de décolonisation qui doit
être menée à son terme conformément à la légalité internationale. Vous
imaginez bien que les hauts responsables algériens ont mieux à faire que
d’accorder ne serait-ce qu’une once d’attention à de vaines
gesticulations nourries de rhétorique inepte.
Comment réagissez-vous aux conclusions de l’Avocat Général de la Cour
de justice de l’UE (CJUE) sur l’accord avec le Maroc sur la
libéralisation des échanges de produits agricoles et de la pêche?
Comme vous le savez, l’Algérie n’est pas partie prenante dans ces
procédures judiciaires et je crois savoir que les responsables du Front
Polisario ont eu à s’exprimer sur ces conclusions de l’Avocat général de
la CJUE.
Bien entendu, nous suivons avec intérêt l'évolution de ce dossier et je
dois dire que ces conclusions doivent être appréciées, avant tout, sous
l’angle du droit international et, qu’à ce titre, elles constituent une
avancée majeure qui ne manquera pas de se refléter, d’une manière ou
d’une autre, sur un positionnement plus cohérent de l’Union Européenne
sur la question du Sahara Occidental.
En effet, tout le monde devra prendre note des conclusions de l'Avocat
général de la Cour, M. Melchior Wathelet, publiées le 13 septembre 2016,
dans lesquelles il s'est clairement prononcé en faveur de
l'inapplicabilité des accords conclus par le Maroc avec l'UE sur le
territoire du Sahara occidental, en estimant qu'au sens du droit
international le Maroc n'exerce aucune compétence sur ce territoire et
que sa souveraineté sur celui-ci n’est reconnue par aucun État au monde.
De fait, l’Avocat général constate, et c’est un tournant, que « le
Sahara occidental est, depuis 1963, inscrit par l’ONU sur sa liste des
territoires non autonomes, qui relèvent de sa résolution 1514 (XV)
portant Déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux
peuples coloniaux.
Il ajoute dans ses conclusions que "l’Union et ses États membres n’ont
jamais reconnu que le Sahara occidental fait partie du Maroc ou relève
de sa souveraineté " et que le droit international ne permet pas
d’étendre le champ d’application d’un traité bilatéral à un territoire
qui constitue une partie tierce par rapport aux parties au traité. Or,
selon ces conclusions, " le Sahara occidental constitue précisément un
tel territoire par rapport à l’Union et au Maroc".
En fait, dans son argumentaire, l'Avocat général de la Cour a fait
preuve de cohérence en s'identifiant au consensus international et à la
doctrine des Nations unies en matière de décolonisation. Il conclut sur
cette base que "le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire du
Royaume du Maroc et que, par conséquent, les accords d’association et
de libéralisation des échanges conclus par le Maroc avec l'UE ne lui
sont pas applicables".
Mais l’Avocat général a également appelé à l’annulation de l’arrêt du tribunal, chose dont se félicite le Maroc ?
Il faut lire attentivement l’ensemble du document reprenant les
conclusions de l’Avocat général. C’est en partant du constat que
l’accord d’association UE-Maroc (et tous les accords subséquents) ne
s’applique pas au Sahara Occidental, car ce territoire non autonome,
identifié comme tel sur les tablettes de l’ONU, échappe totalement à la
souveraineté marocaine, que l’Avocat général motive le rejet de l’arrêt
du Tribunal du 15 décembre 2015. Il estime en effet que le Tribunal a eu
tort de présupposer l'applicabilité de l'accord sur les produits
agricoles et de la pêche au Sahara occidental, alors qu'aucune
disposition explicite dans cet instrument ne le prévoit. C’est
d’ailleurs cette lecture qui fait dire à l’Avocat général que le Front
Polisario "n’est pas directement et individuellement concerné par la
décision litigieuse", dès lors que l'Accord ne s’applique pas au
territoire contesté du Sahara occidental.
Vu sous cet angle, l'avocat général a fait une lecture juridique de
l’accord tel qu’il a été conclu, renvoyant aux 15 juges de la Cour de
justice européenne la décision de vérifier l’existence ou non de
pratiques d’État attestant l’application de l’accord au territoire
sahraoui. A cet égard, un rapport factuel publié récemment par l’ONG
"Western Sahara Resource Watch" révèle, preuves à l’appui, qu’au moins
une transaction commerciale portant sur l’importation dans l'espace
européen d’une cargaison d’huile de poisson, produite au Sahara
occidental, a bien eu lieu en violation du droit international et de la
décision de la justice européenne du 15 décembre 2015, qui est toujours
valable car l’arrêt du tribunal n’a pas été suspendu.
Dans le cas d’espèce, la CJUE se trouve face à un exemple concret
prouvant l'extension de fait de l'application des accords signés par
l'UE au territoire du Sahara occidental. Elle devrait par conséquent
suivre l’avis de l’Avocat général lorsqu'il estime que, dans cette
hypothèse, "le Tribunal a procédé à juste titre à l’annulation partielle
de la décision contestée en ce qu’elle approuve l’application de
l’accord de libéralisation au Sahara occidental", et que le Front
Polisario est habilité à contester la décision litigieuse.
Et au sujet de la représentativité du peuple sahraoui ?
S’agissant de la question de la représentativité du peuple sahraoui,
l’Avocat général de la Cour, tout en soulignant la responsabilité
historique de l’Espagne en tant que puissance administrante du
territoire, car l’Espagne n’avait pas le pouvoir de transférer
l’administration de ce territoire à un État tiers sans le consentement
des Sahraouis, n’a pas tenu compte de la spécificité et de
l’interdépendance des questions inscrites dans le cadre du processus de
décolonisation conduit par l’Onu, qui recouvrent de manière
indissociable à la fois des aspects politiques, de respect des droits de
l’homme et de souveraineté des peuples colonisés sur les ressources
naturelles de leurs territoires.
Pour toutes ces questions, le seul représentant légitime du peuple
sahraoui auprès des instances onusiennes a été et demeure toujours le
Front Polisario, partie au conflit et signataire de l'accord de
cessez-le-feu de 1991. D'ailleurs, la configuration des négociations
menées sous la médiation de l'Onu et reflétées dans toutes les
résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale de l'Onu,
le prouve explicitement.
Au vu de tous ces éléments, qui balayent la fiction d’un Maroc
"puissance administrante de facto" dont usent trop commodément certains
responsables européens, l’avis de l’Avocat général représente
véritablement un important gain politique pour le Front Polisario, en ce
qui le conforte dans son combat libérateur visant à permettre au peuple
sahraoui, dont il est le représentant légitime et attitré, d’exercer
pleinement et souverainement son droit inaliénable à
l’autodétermination.
Il apporte également un démenti cinglant aux soutiens des thèses
annexionnistes du Maroc qui tentent, à travers un discours trompeur, de
dénaturer le mandat de la MINURSO en projetant leur propre conception et
leur lecture biaisée des résolutions du Conseil de sécurité.
En témoigne le discours contradictoire du Marocqui, d’une part, plaide
pour la préservation de l’intégrité et de l’exclusivité du cadre de
négociation conduit par l’ONU, excluant ainsi l'implication de l’Union
Africaine ou de toute autre organisation dans ce processus, et, dans le
même temps, s’arroge le droit de redéfinir unilatéralement et à son
avantage, le mandat de la MINURSO déployée, faut-il le rappeler, pour
l’organisation et la supervision du référendum d’autodétermination, et
qui devrait selon les desseins nourris par ce pays et au regard des
mesures unilatérales qu’il a prises en violation de ses obligations
internationales, se transformer en instrument destiné principalement à
parachever sa soi-disant "intégrité territoriale".
Un mot de conclusion ?
Fort de l’éclairage de l’Avocat général de la CJUE, l’Union Européenne
est appelée à adopter une position plus conforme à la légalité
internationale, en veillant à faire respecter les décisions de la Cour.
Cela vaut notamment pour l’accord de pêche qui inclut, comme chacun le
sait, les eaux territoriales du Sahara occidental, car il appartient à
l’UE de s'assurer que dans la mise en œuvre des accords économiques avec
le Maroc, elle ne prête pas assistance à une entreprise de spoliation
des droits inaliénables de la population sahraouie sur ses ressources
halieutiques et minières.
Par ailleurs, l’ambition proclamée de l’UE à assumer le rôle d’acteur
global dans la région devrait s’illustrer également par une position
plus affirmée en vue de restaurer le mandat de la MINURSO et, surtout,
pour engager fermement les deux parties, le Front Polisario et le
Royaume du Maroc, sur la voie des négociations directes, sans conditions
préalables, afin de parvenir à une solution politique juste, durable et
mutuellement acceptable qui pourvoie à l’autodétermination du peuple
sahraoui, conformément à la légalité internationale.
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