Comité spécial de la décolonisation, 5e séance – matin 19/6/2016
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE
COUVERTURE DES RÉUNIONS
Le Comité spécial de la décolonisation a poursuivi ce matin l’examen de
la question du Sahara occidental en entendant le représentant du Front
Polisario, qui a accusé la « Puissance occupante » d’avoir « choisi
l’option de la confrontation avec la communauté internationale, de
mettre fin au processus de paix et de pousser la région dans la
direction du pire scénario ».
M. Ahmed Boukhari a notamment estimé que la tenue d’un référendum
d’autodétermination était la clef du règlement de la situation. « Nous
pensions que le Maroc accepterait un tel référendum mais il n’en est
rien », a-t-il déclaré.
L’intervention du Front Polisario a été chahutée par un tumulte provoqué
par le délégué du Maroc, qui demandait la parole sur une motion d’ordre
et accusait le Président du Comité de « ne pas respecter les règles ».
Le Président du Comité, M. Rafael Darío Ramírez Carreño (Venezuela) a
jugé « déplorable pour la diplomatie » le comportement du représentant
du Maroc, pays observateur au Comité. Plusieurs membres du Comité ont
ensuite salué le discours du représentant du Front Polisario, «
représentant du peuple sahraoui ».
Cette séance faisait suite à deux autres, tenues lundi 13 et mardi 14
juin, durant lesquelles le représentant du Maroc avait demandé avec
insistance qu’un Sahraoui élu lors des élections régionales organisées
par le Maroc l’an dernier puisse aussi s’exprimer, avant de s’opposer à
la prise de parole du représentant du Front Polisario.
À l’occasion de très vifs échanges entre le représentant du Maroc et le
Président du Comité, ce dernier avait rappelé qu’aux termes des
résolutions de l’Assemblée générale, le Front Polisario était le
représentant du peuple du Sahara occidental.
Ce matin, le Président du Comité spécial a commencé la séance en lisant
une note préparée par l’Indonésie et adoptée par consensus en séance
privée. Cette note, a-t-il indiqué, a été préparée après un long débat
sur « l’incident du 14 juin ».
La note reprend les différents points de vue sur la question examinée
par le Comité. Ces derniers y expriment leur plein soutien au Président
du Comité, lequel a le plein contrôle des débats. Compte tenu de
l’incident regrettable du 14 juin, découlant de l’irrespect de la
procédure par un membre qui ne siège pas au Comité, ce dernier précise
que le représentant du Front Polisario est le représentant du Sahara
occidental.
Le Comité est conscient qu’il ne peut aller à l’encontre des décisions
de l’Assemblée générale. La différence entre un représentant et un
pétitionnaire d’un territoire non autonome est qu’un représentant n’a
pas à demander l’autorisation pour prendre la parole. Enfin, les
membres du Comité reconnaissent le fait que le Président du Comité n’est
pas obligé de respecter la pratique du Président sortant.
Cette note a été elle-même l’objet d’interventions lors de la séance de
ce matin. La Côte d’Ivoire a ainsi demandé si, au sein du Comité, les
décisions étaient prises ou non par consensus. Si la réponse est
affirmative, l’on ne peut progresser, a dit son représentant, favorable
pour laisser M. Boukhari s’exprimer au nom du Front Polisario, mais non
au nom du Sahara occidental.
Antigua-et-Barbuda aurait souhaité que la note fût distribuée pour
examen avant la présente séance. Le Président a rappelé que la note lue
par le Secrétariat était le fruit d’un accord obtenu en séance
informelle du Comité.
L’Équateur, le Chili, Cuba, le Nicaragua, la République arabe syrienne
et la Bolivie ont successivement rappelé que, certes, les points de vue
de certains États étaient clairement différents de ceux de la majorité
du Comité, mais que la note les reflétait et que ces mêmes États, après
de longues discussions transparentes et inclusives, en avaient accepté
les termes.
À l’origine de la note, l’Indonésie a relevé qu’il n’y avait jamais de
solution facile ni de position unique quand on traite de la question du
Sahara occidental et de la représentation du Front Polisario.
L’objectif du document était de refléter la position des différents
États membres du Comité, a-t-elle expliqué, avant d’appuyer
l’impartialité du Président.
Dans son intervention, M. Boukhari a affirmé que le Sahara occidental
présentait des caractéristiques spécifiques qui le rendaient différent
des autres territoires à l’ordre du jour du Comité. Il est en effet le
seul d’Afrique à l’ordre du jour et est inscrit au programme à la fois
de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, qui y a créé une
mission dont le seul mandat est de mener à bien un référendum
d’autodétermination.
M. Boukhari a également rappelé que le Secrétaire général avait nommé un
envoyé spécial, ainsi qu’un représentant spécial sur la question, alors
que l’Union africaine avait elle aussi nommé un envoyé spécial,
l’ancien Président du Mozambique Joachim Chissano.
M. Boukhari a rappelé que la situation du Sahara occidental avait déjà
causé un sanglant conflit de 16 années et a averti que, si la situation
devait se prolonger, elle constituerait non seulement un crime
international à l’encontre du peuple sahraoui, mais aussi une menace
permanente à la paix et la sécurité de la région.
Du fait de ces particularités, le Comité spécial devrait consacrer
davantage de temps et d’efforts à la question du Sahara occidental, afin
d’assurer la décolonisation complète du territoire, a poursuivi M.
Boukhari, qui a réitéré sa demande d’une session spéciale du Comité sur
le sujet et de l’envoi d’une mission au Sahara occidental, afin qu’il
mette à jour ses informations et analyses, sachant que la dernière
visite du Comité spécial dans le territoire date de 1975.
Rappelant ensuite qu’en vertu de l’Article 73 de la Charte des Nations
Unies, le Comité devait, en ce qui concerne les territoires non
autonomes, travailler d’une part avec la puissance administrante et
d’autre part avec les représentants légitimes de ces territoires, M.
Boukhari a affirmé que le représentant légitime du peuple sahraoui était
le Front Polisario, qui doit donc se voir accorder le statut approprié.
En outre, a-t-il affirmé, pour les Nations Unies, le Maroc n’est pas la
puissance administrante. Tout au contraire, aux termes de la résolution
3437 (1979) de l’Assemblée générale, le Maroc est un pays qui occupe
illégalement un territoire qui ne lui appartient pas et a y a transféré
des milliers de colons afin de faire du peuple sahraoui une minorité.
Le droit international, et en particulier les Conventions de Genève, est
très clair à cet égard, a-t-il dit.
De ce fait, « malgré les manœuvres, insultes et intimidations du Maroc,
le Comité doit reconnaître que les mesures juridiques, politiques,
administratives prises par ce pays au Sahara occidental ne sont ni
légitimes ni légales ». « Le Comité a été créé pour mettre fin au
colonialisme, pas pour le légitimer », a encore affirmé le représentant
du Front Polisario.
M. Boukhari a jugé préoccupants les événements survenus depuis la
dernière session régulière du Comité spécial en 2015. L’attaque directe
du Maroc contre la personne du Secrétaire général après sa visite en
mars au Sahara occidental et sa décision unilatérale du 16 avril
d’expulser la composante civile et politique de la Mission des Nations
Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO)
démontrent que la puissance occupante a choisi l’option de la
confrontation avec la communauté internationale, de mettre fin au
processus de paix et de pousser la région dans la direction du pire
scénario », a-t-il ajouté.
Il a encore fait observer que, malgré les demandes du Conseil de sécurité inscrites dans sa résolution 2285 (2016),
le personnel de la MINURSO n’est pas retourné au Sahara occidental et
que les négociations formelles entre le Maroc et le Front Polisario
n’avaient pas repris. Au contraire, a-t-il souligné, il semble que le
Maroc ait tenté de transformer vendredi dernier une visite technique des
Nations Unies destinée à convaincre le Maroc d’accepter le retour de
tout le personnel expulsé en visite touristique.
Une fois de plus, le Maroc tente de jouer la montre et la communauté
internationale ne doit pas tomber dans son jeu, a affirmé M. Boukhari,
pour qui le Conseil de sécurité ne doit pas attendre le rapport du
Secrétaire général prévu le 31 juillet, mais agir tout de suite.
Le Conseil de sécurité doit assumer ses responsabilités et éviter un
scénario qui jetterait les peuples sahraouis et marocains dans la
confrontation. Pour le Front Polisario, la MINURSO est le symbole de
l’engagement de la communauté internationale en faveur de la
décolonisation du dernier territoire non autonome d’Afrique. La
Mission, a-t-il dit, doit donc revenir mais ce retour n’est pas une fin
en soi: son objectif doit être la reprise des négociations directes
entre les deux parties en vue d’un règlement pacifique du conflit,
lequel se trouve dans l’application du principe d’autodétermination.
Enfin, M. Boukhari a attiré l’attention du Comité sur le pillage continu
et illégal des ressources naturelles du Sahara occidental, concluant
sur la persistance des violations des droits de l’homme du peuple
sahraoui, et en premier lieu de son droit à l’autodétermination.
Le délégué de l’Équateur a déclaré avoir entendu avec « beaucoup
d’intérêt » le discours du représentant du Front Polisario en tant que «
représentant du Sahara occidental ». Il a déploré « les cris et les
bruits » proférés durant son intervention, lesquels « n’auraient jamais
dû se produire ».
Il a regretté « la diplomatie élégante et traditionnelle menée d’antan
par la délégation qui a fait autant de bruit aujourd’hui ». Il est
impensable de se comporter d’une manière aussi incompatible avec les
usages en cours au sein des Nations Unies, a-t-il dit. Enfin, il a
appuyé l’idée d’une visite du Comité sur place avant de demander à M.
Boukhari des précisions sur un référendum d’autodétermination.
Les représentants de Cuba, de la Bolivie et du Venezuela se sont eux
aussi félicités du fait que M. Boukhari ait pu s’exprimer. M. Boukhari
est le représentant du peuple sahraoui et un interlocuteur valable, a
ajouté le délégué du Venezuela, qui a en outre jugé sa position
conciliatrice. Il a également dit sa déception devant « l’entreprise de
diffamation menée par un État Membre ».
Enfin, M. Boukhari a dénoncé la position « digne de Tartuffe » du Maroc
sur la question du référendum d’autodétermination, notant que ce pays
avait déclaré de manière unilatérale que le Sahara était marocain, comme
l’atteste l’emploi de l’expression de « Sahara marocain » au lieu de «
Sahara occidental ».
La prochaine réunion publique du Comité spécial aura lieu lundi 20 juin.
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