Nom : Boualem
Prénom : Zakaria
Né en 1976 à Guercif.
Signe particulier :
Marocain à tendance paranoïaque
Prénom : Zakaria
Né en 1976 à Guercif.
Signe particulier :
Marocain à tendance paranoïaque
Salut à vous, ô infatigables bâtisseurs du Maroc Moderne.
C’est un Zakaria Boualem morose qui vous accueille cette semaine. Vous
le savez, le week-end dernier, un match de football a de nouveau
dégénéré, on parle de deux morts, peut-être plus.
C’est affreux,
mais tristement classique chez nous. Depuis le temps qu’on se fréquente,
on a eu droit à des supporters qui dévastent des trains, d’autres qui
mettent à sac de braves douars, des destructions de centre-ville, des
dégradations de véhicules divers ou de tous types de mobilier urbain,
des embuscades en pleine forêt, des vendettas, et plein d’autres choses
qu’on a un peu honte d’écrire ici. Rares sont les Marocains qui n’ont
pas eu droit au triste spectacle de hordes semant le chaos et la
désolation autour d’eux au sortir d’un match.
Eh bien, c’est de pire en
pire, puisque cette semaine, ce sont deux factions rivales de supporters
du même club, le Raja cher au Guercifi, qui se sont entretués. Pour
avoir longtemps fréquenté les stades, Zakaria Boualem va encore une fois
vous parler de hooliganisme. Ce n’est pas lui qui se répète, c’est le
Maroc qui bégaie. Vous pouvez passer à autre chose si vous êtes un
habitué de cette page, et merci.
Notre société est malade. Ne vous y trompez pas, ce
qui se passe autour de notre football n’est qu’un symptôme. Inutile de
s’attarder sur les causes, vous les connaissez tous, rappelons juste les
faits. Nous avons créé une masse de jeunes sans éducation, sans
culture, sans morale et sans espoir. Ils n’ont jamais été mobilisés pour
un projet collectif sincère à part celui de défendre une équipe. Ils
sont les vrais nihilistes, puisqu’ils ne demandent rien et n’ont rien à
perdre. La mauvaise nouvelle, c’est qu’ils sont de plus en plus
nombreux.
Notre société est violente. Ces jeunes, avant de la
pratiquer, subissent cette violence au quotidien. On parle ici de
violence économique, sociale, politique, et de frustration sous toutes
ses formes, matérielle ou sexuelle. Il est ici question d’une masse de
gamins qu’on n’a jamais traités avec le moindre respect, qui n’ont
jamais été considérés comme citoyens, qui explosent dès que l’occasion
se présente. Notre société est fanatique. Accepter l’autre est tout sauf
un usage courant chez nous. Il faudrait convoquer des sociologues pour
qu’ils nous expliquent pourquoi de nombreux Marocains semblent s’être
fixé comme objectif d’agresser tous ceux qui ne leur ressemblent pas.
C’est quelque chose de nouveau, ce réflexe. On agresse ceux qui pensent
différemment, qui vivent différemment, qui supportent un autre club ou
qui aiment un autre film. Il s’agissait au début d’agressions verbales,
sur les réseaux sociaux, puis on est passé à la vitesse supérieure.
C’est une autre mauvaise nouvelle : oui, nous produisons du terrorisme.
Notre société manque d’idées. Il y a ceux qui réclament le retour
d’une zerouata qui – outre qu’elle n’est jamais partie – est en grande
partie responsable de la production de cette génération. D’autres
qui veulent déplacer le stade hors de leur vue pour ne plus avoir à
côtoyer ces “animaux” et certains qui pensent régler le problème en
augmentant le prix des tickets d’entrée au stade. Plus d’exclusion,
donc, pour lutter conter l’exclusion. La vérité, c’est que nous manquons
de solutions, Zakaria Boualem comme les autres, à part les éternelles
incantations, vaines, pour une meilleure éducation.
Notre société manque de moyens. Nous avons une
police qui est conçue pour protéger le système plus le peuple, des
stades qui sont une insulte au consommateur, et des clubs faibles, menés
par des dirigeants à la vue très courte. Il est d’ailleurs étrange de
leur demander de régler un problème que le Maroc entier ne sait pas
contenir. Oui, il semble que ce problème soit trop gros pour nous, c’est
un peu vexant.
Voilà ce que pense Zakaria Boualem. Il a écrit cette page avec une
grande tristesse, et il cherche à présent une bonne nouvelle pour
terminer sur une note positive. Au moment de conclure ce papier, il la
trouve finalement puisqu’il se met à pleuvoir, c’est bien. À bientôt
donc, et merci.
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