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jeudi 14 juillet 2011

Maroc : Une constitution imposée et taillée sur mesure

Par Traki El Houssine, altermonde sans frontière, 12/7/2011

Comme on pouvait s’y attendre, le roi a octroyé à ses sujets une constitution taillée sur mesure et consacrant la monarchie exécutive telle qu’elle l’a définie lors de l’interview publiée par Le Figaro le 8 septembre 2001 en ces termes : « Les Marocains n’ont jamais ressemblé à personne et ils ne demandent pas aux autres de leur ressembler. Les Marocains veulent une monarchie forte, démocratique et exécutive. Notre monarchie est constitutionnelle avec un texte fondamental datant de 1962 (…). Depuis treize siècles que dure la monarchie marocaine, nous avons évolué dans ce cadre et les Marocains le veulent ainsi ». Voila que tout est dit. Mohamed VI a tranché la question à la place du peuple marocain au profit d’une monarchie forte ou plutôt musclée, « démocratique » et exécutive. Pour justifier ce choix, il s’en est remis à l’Histoire qui enseigne que les Marocains ont toujours voulu vivre au sein de monarchies de la sorte et, peut être même, de leur plein gré et de leur bon vouloir. Ceci suppose, par ailleurs, qu’ils voudront vivre de la même manière durant les siècles à venir. Face à de telles justifications, tout appel à la démocratisation du Maroc ne peut être appréhendé que comme une illusion pour la bonne raison que cette définition comporte un paradoxe de taille se matérialisant dans la manière de concilier une monarchie héréditaire exécutive et musclée avec la démocratie c’est-à-dire le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple. C’est là le hic !

Logiquement parlant, lorsque la monarchie se mue en pouvoir exécutif, le gouvernement, sensé être issu des élections et représentant le peuple, n’a rien d’un pouvoir exécutif. En d’autres termes, c’est le monarque qui détient le pouvoir en ce sens qu’il règne et gouverne à la fois, alors que le gouvernement fait figure d’un ensemble d’exécutants à la solde du roi. Cette situation pose, en outre, des problèmes inhérents à la faculté de rendre des comptes aux citoyens. À ce niveau, l’exercice du pouvoir doit revenir au gouvernement sanctionné par les résultats des échéances électorales quand on sait que le roi hérite du trône et ne peut être l’objet d’aucune demande de rendre des comptes. En somme, la monarchie ne peut prétendre à la démocratisation du pays que lorsqu’elle respecte les règles du jeu démocratique, qu’elle cesse de monopoliser tous les pouvoirs et qu’elle fait preuve d’une vraie volonté politique de transition vers la démocratie en se limitant à régner pendant que le gouvernement élu gouverne et attend d’être sanctionné relativement au bilan de ses travaux à la fin de son mandat. En conclusion, dans pareil cas, le roi règne mais ne gouverne pas et le gouvernement, issu des élections, s’adjuge le droit de gouverner. Par conséquent, il s’avère que la seule version permettant l’adéquation entre la monarchie héréditaire et la démocratie se matérialise dans la monarchie parlementaire telle que reconnue universellement. 

Le processus d’élaboration de la nouvelle constitution s’inscrit–il dans la logique de la monarchie parlementaire ? Pour répondre à cette question, il faut retracer les différentes étapes ayant engendré le projet soumis au référendum le premier juillet 2001.

Au commencement était le printemps arabe
La révolution du Jasmin et la révolution égyptienne ont suscité l’adhésion de tous les peuples au printemps arabe. En mettant en évidence les maux communs dont souffrent les états arabes et en affrontant les régimes dictatoriaux de façon pacifique, elles ont permis de s’exorciser du syndrome de la peur. Ceci a eu un impact moral important sur le reste du monde arabe dont le Maroc.

Le mouvement du 20 février
La jeunesse marocaine s’est mobilisée pour un changement radical au sein du mouvement du 20 février. En établissant une liste de revendications claires et audacieuses politiques, économiques et sociales ne pouvant être garanties que dans un régime de monarchie parlementaire, elle a opté pour l’organisation de marches populaires pacifiques jusqu’à la réalisation des ses revendications légitimes à savoir la lutte contre la corruption, la dissolution du parlement et du gouvernement, la séparation des pouvoirs, l’officialisation de Tamazight, la révision de la constitution, la libération des prisonniers politiques et la garantie des droits sociaux tels l’enseignement, la santé, l’emploi … Comme les campagnes d’intimidation, de répression, d’infiltration et de division ont subi un échec cuisant, l’intervention du roi était attendue pour briser l’élan du mouvement des jeunes qui prenait de plus en plus d’ampleur du point de vue quantitatif et selon son extension sur tout le territoire du royaume.

Le discours du 9 mars 2011
En profitant de la séance de remise du produit élaboré par la commission de la régionalisation, le roi a consacré son discours à la révision de la constitution en délimitant les axes sur lesquels porteront les amendements. Par la même occasion, il s’est empressé de nommer les membres de la commission consultative de révision de la constitution et son conseiller personnel comme président de la commission de suivi dans laquelle siègeront les responsables politiques et syndicaux appelés, en plus d’autres ONG, à remettre, dans un délai limité, leurs propositions constitutionnelles à la commission consultative qui se chargera de confectionner le projet de constitution et de le présenter au roi au plus tard à la mi – juin. En agissant de la sorte, le monarque a voulu envoyer un message disant qu’il est le seul à détenir le pouvoir constituant et qu’il ne cède pas sous la pression. À peine a–t-il terminé ses propos que les louanges pleuvaient de la part des partis gouvernementaux et d’autres créées par les soins du ministère de l’intérieur du temps de Driss Basri. Pour ces makhzénisés, le discours est historique et répond à toutes les attentes des marocains.

Le mouvement du 20 février, par contre, voit dans cette démarche une consécration de la constitution octroyée chère à Hassan II. La composition de la commission consultative soulève, également, des critiques relatives à la vision conservatrice de son président et de la majorité de ses membres vis-à-vis de la chose constitutionnelle surtout en relation avec la monarchie parlementaire. D’autre part, les axes annoncés ne laissent pas de place à une refonte de la constitution allant dans le sens d’une démocratisation du pays. Ces avis se trouvent partagés par les partis et les associations qui soutiennent le mouvement de la jeunesse. La décision qui s’en suit est qu’il faut maintenir la pression en donnant au mouvement plus de solidité et d’envergure. Ce qui fut fait en organisant des marches pacifiques dans les villes et villages du Maroc.

L’exposé du président de la commission consultative
Une fois le projet en question finalisé, le conseiller du roi convoque une réunion de la commission de suivi en présence du président de la commission consultative qu’il chargea de faire un exposé oral sur le document préparé. Les responsables politiques, syndicaux et associatifs réunis se devaient d’écouter et de donner leurs opinions sur ce qu’ils ont entendu lors de la même séance. Ceci amena deux partis de gauche et la principale centrale syndicale à se retirer en protestant contre la méthodologie imposée par le conseiller alors que les partis veulent un document écrit qu’ils doivent soumettre à leurs instances dirigeantes seules habilitées à apporter les amendements adéquats. De cette réunion filtrèrent certaines informations sur le contenu de quelques articles du projet concernant les questions de l’identité en tant que « pays musulman » ou « état islamique », de l’état civil, de la liberté de culte, de la composition du conseil supérieur de la magistrature, … Les organisations assistant au comité de suivi ne reçurent le projet de constitution qu’une journée avant le discours royal. Quant aux protestations sur les filtrations, le conseiller a vite fait de régler le problème, en lieu et place de la commission consultative, en maintenant l’état islamique, en éliminant tout ce qui a trait à la liberté de culte et à l’état civil et en transformant la première version au sujet de Tamazight, … En fait, ce sont des cadeaux adressés aux islamistes et aux conservateurs de tous les bords en général. Ce remodelage se passa quelques heures avant le discours du roi.

Le discours du 17 juin 2011
Ce discours consista en une présentation du projet de constitution. Il se caractérisa, aussi, par l’appel lancé par le roi pour le vote par « oui » pour ce produit. Ce que certains acteurs associatifs considèrent comme une violation de la loi étant donné que la campagne référendaire n’a commencé que le 21 juin 2001. Juste après ce message à la nation, des foules téléguidées sortirent, comme par enchantement, dans toutes les villes pour soutenir le projet. Ces sorties furent présentées comme des manifestations spontanées émanant de couches sociales diverses qui expriment leur totale adhésion au discours alors que toutes ces mascarades sont monnaie courante au Maroc et que les Marocains savent par expérience la nature des manipulateurs tirant les ficelles de telles masrahiates (pièces de théâtre) que maitrise le ministère de l’intérieur. Pour les opposants c’est-à-dire le mouvement du 20 février et les parties partageant ses prises de position, ces scènes de « liesse populaire » sont des prémisses permettant d’avoir une idée sur les méthodes choisies par le makhzen pour affronter le mouvement. En plus des forces de répression, il est prêt à mobiliser les baltajias (les repris de justice, les marginalisés, les conseillers communaux, les agents de l’autorité, …) pour contrer le mouvement des jeunes qui ne cesse de s’amplifier et dont l’action pourrait mettre en péril les machinations du Makhzen visant à imposer sa constitution par tous les moyens légaux et illégaux surtout qu’elle soulève pas mal de questions en rapport avec les pouvoirs de la monarchie et des autres pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire.

Les pouvoirs du roi
Il s’avère utile de centrer l’étude sur les pouvoirs du roi. Ceci permettra de déduire les attributions des autres pouvoirs et de juger de leur indépendance vis-à-vis de la monarchie qui cumule, selon les articles du projet, les pouvoirs suivants :

Article 41 - Le Roi, Amir Al Mouminine (le commandeur des croyants), veille au respect de l’Islam. Il est le Garant du libre exercice des cultes. Il préside le Conseil supérieur des Oulémas, chargé de l’étude des questions qu’Il lui soumet.

Article 42 - Le Roi, Chef de l’État, son Représentant suprême, Symbole de l’unité de la Nation, Garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat et Arbitre suprême entre ses institutions, veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des institutions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique et des droits et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités, et au respect des engagements internationaux du Royaume. Il est le Garant de l’indépendance du Royaume et de son intégrité territoriale dans ses frontières authentiques.

ARTICLE 45 - Le Roi dispose d’une liste civile.

ARTICLE 46 - La personne du Roi est inviolable, et respect Lui est dû.

ARTICLE 47 - Le Roi nomme le Chef du Gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections des membres de la Chambre des Représentants, et au vu de leurs résultats. Sur proposition du Chef du Gouvernement, Il nomme les membres du gouvernement. Le Roi peut, à Son initiative, et après consultation du Chef du Gouvernement, mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement. Le Chef du Gouvernement peut demander au Roi de mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement. Le Chef du Gouvernement peut demander au Roi de mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement du fait de leur démission individuelle ou collective. A la suite de la démission du Chef du Gouvernement, le Roi met fin aux fonctions de l’ensemble du gouvernement. Le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes jusqu’à la constitution du nouveau gouvernement.

ARTICLE 48 - Le Roi préside le Conseil des ministres composé du Chef du Gouvernement et des ministres. Le Conseil des ministres se réunit à l’initiative du Roi ou à la demande du Chef du Gouvernement. Le Roi peut, sur la base d’un ordre du jour déterminé, déléguer au Chef du Gouvernement la présidence d’une réunion du Conseil des ministres.

ARTICLE 51 - Le Roi peut dissoudre, par dahir, les deux Chambres du Parlement ou l’une d’elles dans les conditions prévues aux articles 96, 97 et 98.

ARTICLE 52 - Le Roi peut adresser des messages à la Nation et au Parlement. Les messages sont lus devant l’une et l’autre Chambre et ne peuvent y faire l’objet d’aucun débat.

ARTICLE 53 - Le Roi est le Chef Suprême des Forces Armées Royales. Il nomme aux emplois militaires et peut déléguer ce droit.

ARTICLE 54 - Il est créé un Conseil Supérieur de Sécurité, en tant qu’instance de concertation sur les stratégies de sécurité intérieure et extérieure du pays, et de gestion des situations de crise, qui veille également à l’institutionnalisation des normes d’une bonne gouvernance sécuritaire. Le Roi préside ce Conseil et peut déléguer au Chef du Gouvernement la présidence d’une réunion du Conseil, sur la base d’un ordre du jour déterminé.

ARTICLE 55 - Le Roi accrédite les ambassadeurs auprès des puissances étrangères et des organismes internationaux. Les ambassadeurs ou les représentants des organismes internationaux sont accrédités auprès de Lui. Il signe et ratifie les traités.

ARTICLE 56 - Le Roi préside le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire.

ARTICLE 58 - Le Roi exerce le droit de grâce.

ARTICLE 59 - Lorsque l’intégrité du territoire national est menacée ou que se produisent des événements qui entravent le fonctionnement régulier des institutions constitutionnelles, le Roi peut, après avoir consulté le Chef du Gouvernement, le président de la Chambre des Représentants, le président de la Chambre des Conseillers, ainsi que le Président de la Cour Constitutionnelle, et adressé un message à la nation, proclamer par dahir l’état d’exception.

Tout un chacun peut constater que le monarque monopolise tous les pouvoirs. 
Il préside à la destinée du gouvernement, du parlement et de la justice en même temps qu’il jouit de pouvoirs exclusifs sur le champ religieux et sur l’armée. C’est à lui que revient le pouvoir de présider le conseil supérieur de sécurité et de nommer les ambassadeurs, les gouverneurs et walis, le directeur de la banque du Maroc et les directeurs des entreprises dites stratégiques … Le chef de gouvernement ne peut que proposer à certains de ces postes. En d’autres termes, au sein du gouvernement, le roi est en liaison directe avec le ministère des affaires islamiques, le département de l’armée, le ministère des affaires étrangères, le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur. Bien plus, il est le véritable chef de gouvernement puisqu’il peut mettre fin aux fonctions d’un ou de plusieurs membres du gouvernement. Ce que le chef de gouvernement ne peut faire que sur demande auprès du roi. Ceci prouve que le monarque tient à ses ministères de souveraineté cités plus haut et, en fin de compte, à sa monarchie exécutive en nette contradiction avec la démocratie. Ce qui relègue l’avènement de la démocratie et de la monarchie parlementaire à une date ultérieure. Conscient de la gravité des pouvoirs que lui procure le texte de la constitution et de l’urgence de son adoption, le roi a fixé la date du référendum au premier juillet 2011. Le ministère de l’intérieur s’est chargé de réduire au minimum la période de la campagne référendaire en la limitant à dix jours ni plus ni moins.

La campagne référendaire
Théoriquement, la constitution consiste en un contrat entre les gouvernants et les gouvernés et, en tant que telle, son adoption se doit d’être consensuelle. Pour ce faire, on doit lui accorder toute l’importance qu’elle mérite en termes de temps largement suffisant pour que les marocains puissent voter en connaissance de cause au sujet d’un texte qui va impacter leur destin pour longtemps. Le projet a, donc, besoin de campagnes d’explication, d’analyses et de discussions pour en saisir les tenants et les aboutissants de telle sorte que le vote reflète effectivement la conviction du votant. Contrairement à cette vision, le régime voit la chose autrement. Ce qui lui importe, par-dessus tout, est dabréger autant que possible la durée de cette campagne pour ne pas fournir d’alibis aux opposants qui attendent que de telles occasions se présentent pour étaler au grand jour les dysfonctionnements du régime sur les plans politique, économique et social. Pour éviter que son linge sale ne soit connu par tout le monde, le makhzen a opté pour un simulacre de campagne référendaire hâtive et expéditive menant droit au but recherché à savoir l’adoption du texte par tous les moyens en violation de la loi s’il le faut. En choisissant cette voie, il sait qu’il peut compter sur « une armée de réserve » qu’il a maintenue dans l’analphabétisme, la pauvreté et le marginalisme et qui se compose, en gros, des pauvres des quartiers périphériques des villes et de la population du milieu rural.* Il use de ce réservoir humain contre l’opposition lors des rendez-vous cruciaux pour l’avenir du Maroc. C’est à l’intérieur de ce réservoir qu’il recrute, en contrepartie de quelques sous, ses baltajias qu’encadre le ministère de l’intérieur et qui deviennent les défenseurs du régime. Ainsi, les pauvres du Maroc se transforment, par les soins du dit ministère, en une machine à voter selon ses souhaits et en bandes mobilisées pour affronter les manifestations pacifiques du mouvement du 20 février pour le cas présent.

Pour toutes ces raisons, le makhzen a raccourci la durée de la campagne au minimum c’est-à-dire à 10 jours du 21 au 30 juin 2011. Ces 10 jours n’ébranlèrent pas le monde. Néanmoins, le régime, ses alliés beni oui-oui et ses baltajias étaient sur le qui vive. L’argent des contribuables coulait à flot pour financer les partis du makhzen et makhzénisés et pour assurer la mobilisation des baltajias et la logistique qui sied à leurs provocations envers les militants du 20 février en matière de groupes folkloriques, de moyens de transport, d’habillement, de nourriture, … Les moyens audio-visuels n’étaient pas du reste. La Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA) a pour mission de superviser la propagande au profit du projet de constitution en réduisant le temps de passage des opposants à la télé et sur les ondes radios et en interdisant aux organisations boycottant le référendum d’appeler les citoyens à ne pas participer au vote. Les baltajias, pour leur part, se meuvent sur le terrain en donnant la chasse au mouvement du 20 février. Ils organisent des manifestations anti-20 février dans lesquelles les insultes, les provocations et les agressions se produisent sous l’œil attentif des forces de l’ordre et sous leur protection. Ils n’ont jamais été inquiétés par ces forces. Ce qui fait qu’ils agressent les manifestants et leur volent leurs portables ou leur argent sans craindre d’être arrêtés par la police par exemple. Le régime ne se contenta pas des services des parties sus-citées. Outre le ministère de l’intérieur et le ministère des affaires islamiques, il a appelé tous ses renforts à la rescousse. Les zaouias ou confréries religieuses dont celles auxquelles appartiennent le ministre des affaires islamiques et le ministre de l’intérieur, les oulémas, les imams, quelques associations professionnelles, … entrèrent en scène.

Pour ce qui est des moyens audio-visuels, la HACA souligne que les interventions pour le « oui » ont totalisé 89,6 % du temps réservé à la campagne et que 193 organisations ont appelé au vote par oui dont 28 partis, 21 syndicats, 142 associations et 12 établissements nationaux. Il faut compter, parmi toutes ces organisations, plus de 20 partis et 17 syndicats et bon nombre d’associations qui sont, en réalité, des créations du makhzen. D’autre part, les interventions pour le « non » représentent 1,8 % de ce temps et proviennent de 8 ONG alors que la part de celles appelant au boycott est de 8,6 % émanant de 4 partis de gauche, d’une centrale syndicale et de 4 associations. Le mouvement du 20 février ainsi que la Jamaa Justice et Spiritualité et le part Al Oumma n’ont pas eu droit à la parole. Le makhzen et ses baltajias ont faire campagne pour le « oui » le jour même du vote par le biais des agents de l’autorité qui frappaient aux portes des gens pour les inciter à aller voter, de banderoles …

Le jour du vote
Presque 40 mille bureaux de vote furent répartis sur le territoire national. Leurs membres furent sélectionnés par le ministère de l’intérieur qui supervise l’opération. Les représentants du « non » et du boycott ne siègent pas dans ces bureaux. Les journalistes n’y ont pas accès non plus. Ce qui veut dire que la possibilité de contrôle du déroulement du scrutin n’existe pas tout en sachant que les listes électorales du temps de Basri sont falsifiées puisqu’on y trouve encore des morts, entre autres cas illégaux, qui peuvent voter. Cette situation a donné lieu à la falsification sous toutes ces formes dont voici quelques unes :
- on ne contrôle pas l’identité des votants
- on ne signe pas après le vote
- on vote sans présenter ni la carte d’électeur, ni la carte d’identité nationale
- le père vote à la place des membres de sa famille
- un enfant vote à la place de sa mère vieille ou malade
- on ouvre les urnes pour falsifier les résultats
- on laisse les bureaux de vote ouverts après l’heure de clôture du vote
- les procès verbaux sont signés à blanc
- les cartes d’électeurs non retirées restent aux mains des autorités
- on transporte des hommes et des femmes pour voter par « oui »
- dans certains bureaux, on ne sert que les bulletins du « oui »

Des vidéos montrent des scènes de ce genre. Des témoignages mettent en lumière ces comportements frauduleux. Ainsi, Ali Bouabid, fils du défunt Abderrahim Bouabid leader de l’Union Socialiste des Forces Populaires et membre du bureau politique de ce parti ayant appelé à voter « oui », rapporte ce qui suit : « Je viens de voter. Je remets ma carte d’électeur. Je demande si on doit vérifier mon identité. On me dit « on ne fait pas ça ». On trouve mon nom sur les listes. On met une croix en face de mon nom. Je vote. Je demande si je dois signer on me dit non. Je dis : mais vous pouvez mettre autant de croix à la place des personnes qui ne sont pas venues voter puisqu’aucune signature n’est requise ! Amer. » (demainonline.com). En fin de compte, le jour du scrutin en a vu de toutes les couleurs et il a permis de pondre les résultats escomptés par le régime et très discutables par la même occasion.

Les résultats du référendum
Officiellement, le référendum s’est passé dans de bonnes conditions. Ces résultats sont les suivants :
- le nombre des inscrits sur les listes électorales s’élève à 13 451 404 personnes
- le nombre de personnes ayant voté : 9 881 922 personnes. Donc, le taux de participation est de 73,46 %.
- le nombre de votes par « oui » : 9 653 492 voix
- le nombre de votes par « non » : 146 718 voix
- le nombre de bulletins nuls : 81 712 bulletins ne représentant que 0,83 % des votants.

Lorsqu’on enlève les bulletins nuls et qu’on calcule ce que représente le « oui » par rapport à la somme des votants par « oui » et par « non », on trouve 98,5 %. Pour le « non », le résultat est de 1,5 %. C’est de cette façon que le ministère de l’intérieur a décidé de présenter ces résultats. Il n’a soufflé mot sur le nombre de personnes ayant boycotté le référendum qui s’élève à 3 569 482 électeurs. Ce qui veut dire que le taux de boycott est de 26,54 %. Il s’en suit que ceux qui n’ont pas voté « oui » se chiffrent à : 146 718 + 81 712 + 3 569 482 = 3 797 912 personnes ou 28,23 % des inscrits sur les listes électorales pendant que ceux qui ont voté « oui » ne représentent que 71, 77 % de ces inscrits. Ce décompte, déjà, ne plait pas au ministère de l’intérieur parce qu’il démontre que les Marocaines et les Marocains n’ont pas afflué vers les bureaux comme le makhzen essaye de le miroiter. Le taux de 71,77 % est bien inférieur à 98,5 %. Maintenant, il convient d’aborder la question autrement pour mettre en évidence l’énormité des mensonges du régime. Au Maroc, selon l’Unicef, le nombre de personnes âgées de 18 ans et plus s’élève à 20 966 000 personnes en 2009. Ce sont ces personnes qui ont le droit de voter. En partant ces données, on découvre les résultats suivants :

- le taux d’inscription sur les listes électorales = 64,16 %
- le nombre des non inscrits : 7 544 596 personnes
- le taux de non inscription = 35,84 %
- le taux de participation = 47,13 %
- le nombre de personnes non inscrites + ayant boycotté + ayant voté par « non » + bulletins nuls = 11 342 508 personnes. Ce qui représente 54,11 % des personnes en âge de voter.
- le nombre de votes par « oui » = 9653492 voix
- ceux qui ont voté par « oui » ne représentent que 43,89 % de l’ensemble des personnes en âge de voter au Maroc.

N’en déplaise au ministère de l’intérieur qui a tout combiné pour monter cette farce disant que les Marocaines et Marocains ont approuvé le projet de constitution à hauteur de 98,5 % alors qu’il n’en est rien. Ce qu’on constate est tout autre. Seuls 43,89 % de la masse électorale ont dit « oui » à ce projet. Ceci, en prenant en considération les données fournies par le ministère de l’intérieur qui sont plus que douteuses car entachées de beaucoup de fraudes et de falsifications. À ce stade de l’analyse, il serait intéressant de s’interroger sur la déclaration du secrétaire général du parti de justice et du développement, un parti islamiste, au Financial Times à propos du taux de participation : « Le ministère de l’Intérieur a exagéré le taux de participation au référendum du 1er juillet … l’affluence dans les bureaux aura été à 50% … Il existe des incohérences dans les chiffres de participation déclarés dans certaines régions … la volonté de certains représentants de l’autorité locale de montrer que les régions où ils officient sont sous leur contrôle et connaissent une importante participation… Ces dépassements ne remettent pas pour autant le résultat du référendum. Craignant de subir les foudres du makhzen, il a vite fait d’avaler sa langue et de nier en envoyant une mise au point à l’agence officielle de presse dans laquelle il qualifie le taux de participation de "réaliste, puisqu’il s’agit d’un taux de participation à un référendum et non à des élections locales ou législatives" (Idem). Pour information, ce parti islamiste a appelé à voter « oui ».

En ce qui concerne les Marocains résidant à l’étranger, l’image parait encore pire. Ayant consacré trois jours au scrutin, les résultats sont en deçà des attentes makhzéniennes. Selon le ministère des Affaires étrangères, seuls 266 301 MRE se sont présentés aux bureaux de vote. 255 783 d’entre eux ont voté par « oui » soit 96,5 % des votes exprimés. 8061 ont voté « Non » soit 3,03%. Les votes nuls s’élèvent à 2 457. Sachant que le nombre des MRE s’élève à 3 307 511 en 2006 et que les personnes âgées de 18 ans et plus dépassent 60 %, il en résulte que les personnes en âge de vote dépassent les 2 millions. Ceci veut dire qu’à peine 10 % des MRE ont voté par « oui ». Face à ces résultats, le régime n’a pas de quoi être fier. Contrairement à ce qu’il essaye de propager, la constitution n’a pas reçu l’approbation de la quasi-unanimité du peuple marocain. Ceci pour la simple raison que plus de la moitié des personnes en âge de voter n’ont pas participé au vote.

En guise de conclusion : Le régime a « fabriqué » une constitution taillée à sa mesure. 
 Le ministère de l’intérieur et le ministère des affaires islamiques ont rempli leurs missions comme il se doit. En imposant son diktat, le makhzen a montré qu’il tient à la « dimocratiate marocane » ou la démocratie à la Marocaine aux antipodes de la démocratie universelle. Les gouvernants hypocrites occidentaux ont applaudi les prouesses du makhzen en termes de fraudes et de falsifications. Ils ont délaissé les règles de la démocratie pour se travestir en défenseurs du despotisme. 
Le mouvement du 20 février tient encore le coup. Il n’accepte pas que le Maroc passe d’une « salle d’attente » à une autre « salle d’attente » dans l’attente d’une transition démocratique synonyme de mirage au vu des manigances du makhzen. Les manifestations organisées pour contester les résultats officiels, le dimanche 3 juillet 2011 soit deux jours après le référendum, attestent de sa volonté inébranlable de continuer la lutte pour la liberté, la dignité, la justice sociale et la monarchie parlementaire.
*Dans certains bidonvilles ( Casablanca, Mohammedia...) les mal-logés ont adhéré en masse au Mouvement du 20 février et participent à toutes les marches (ndlr)
http://www.altermonde-sans-frontiere.com/spip.php?article17177

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Lire aussi sur Mamfakinch :
Le rapport préliminaire d’observation du référendum du 1er juillet 2011 par le CAOE*
11 juillet 2011 
*Le Collectif Associatif pour l’Observation des Elections (CAOE) est un regroupement d’associations qui a cumulé les expériences de l’observation des élections législatives en 2002, de l’observation des législatives de 2007 avec près de 3000 observateurs répartis à l’échelle nationale pour chaque scrutin, et il a observé les élections communales en 2009 avec près de 600 observateurs.

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