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dimanche 3 juillet 2011

Maroc : Après le référendum plébiscitaire, la mobilisation doit continuer


Par Larbi  3/6/ 2011

Imposée et votée dans les mêmes conditions qu’en 1996, la constitution Mohammed VI est aussi contestable et inacceptable que celle léguée par son défunt père. La mobilisation continuera, parce que le pouvoir n’a rien cédé sur les revendications du mouvement 20 février, et parce qu’il besoin d’être discipliné et de comprendre que la politique du fait accompli ne passera pas.

Avec une participation annoncée de 73% et un incroyable score de Oui à 98,5%, le pouvoir a obtenu son plébiscite dans la pure tradition des consultations référendaires au Maroc. La livraison est à la hauteur de la commande : Il ne sera pas dit que la monarchie plébiscitaire et le régime politique plébiscitaire n’ont pas obtenu leur référendum plébiscitaire. 98% de oui est un exploit surhumain, aucune communauté sur terre qui se respecte ne peut oser prétendre à un score pareil au risque de se ridiculiser lourdement. Et sans doute c’est le plus pénible dans l’histoire : le pouvoir a réussi à ridiculiser un pays de plus de 30 millions d’habitants aux yeux du monde quand le contexte régional plaidait au contraire pour le respect de leur dignité.

La lecture des résultats de ce référendum est en fait assez simple : organisé après un processus de rédaction imposé et encadré, au terme d’une parodie de campagne référendaire insupportable par sa propagande odieuse, sur la base de listes électorales contestées, et avec un savoir-faire déjà éprouvé sur d’autres consultations référendaires, le résultat ne pouvait que celui-là : un plébiscite qui insulte et l’avenir et l’intelligence des gens.

Aussi ridicule soit-il, le résultat de ce référendum doit s’imposer et il s’imposera. Mais à chacun sa liberté, la mienne c’est de refuser que cette parodie d’exerce démocratique met fin aux espoirs nés un certain 20 février 2011. Chacun comprendra que cette constitution ayant été votée dans les mêmes conditions que celle de 1996, elle n’est pas moins contestable que celle élaborée sous Hassan II. Aussi ridiculement plébiscitée, la constitution Mohammed VI n’est pas plus acceptable que celle léguée par son père.

Quelques constats s’imposent au terme de ce processus sur lesquels il faudra porter un regard lucide mais sans concession.

Le constat majeur est que le pouvoir marocain est incapable de changer et de se débarrasser de ses pratiques contestables sur le fond, détestables sur la forme. Car c’est le même pouvoir qui jurait le 9 mars qu’il va démocratiser le pays, qui a exercé les mois derniers toute sa panoplie répressive sur le terrain. Tout au long de ces derniers mois le pouvoir n’a pas cessé de démontrer qu’il était non seulement incapable de saisir l’occasion historique qui lui était donnée, mais s’obstinait à reproduire les mêmes pratiques détestables qui l’engoncent dans son arbitraire et l’enfoncent dans son absolutisme. Ainsi du refus d’adopter une méthodologie démocratique dans l’élaboration de la constitution comme on en a beaucoup parlé ici. Ainsi de la mascarade de la campagne référendaire : tout observateur objectif ne peut que constater avec effroi les méthodes de propagande et d’endoctrinement, dans les médias publics et la rue, d’un pouvoir à ce point insolent qu’il est allé jusqu’à faire lire par les Imams un prêche officiel sommant les croyants à voter oui ! Ainsi aussi de l’utilisation des méthodes de basse besogne. N’hésitant pas à jouer avec le feu, le pouvoir et ses alliés, sont allés jusqu’à fanatiser les foules, les poussant parfois à s’attaquer à l’intégrité physique des manifestants et les traiter comme des traitres ennemis de la nation. Sans parler des force de l’ordre, qui de Sbata à Temara, en passant par l’avenue Mohammed V ont beaucoup sévit. Et ce pouvoir-là, il a plus que jamais besoin d’être discipliné, d’apprendre à écouter les gens et à respecter le droit à la contestation. Seule la continuité du mouvement 20 février et ses actions pacifiques le pousseront in fine à se civiliser et devenir plus respectueux des droits et des libertés, et à comprendre qu’il est grand temps qu’il se déleste de ses méthodes de voyous.

Le deuxième constat majeur est que depuis le 20 février, le pouvoir n’a rien cédé sur les revendications du mouvement, alors qu’il en avait la possibilité et la marge de manœuvre. Ce n’est pas tant cela qui interpelle, mais surtout l’impression donnée, et beaucoup partagée, qu’il a répondu aux revendications d’un mouvement non reconnaissant. 
A-t-il libéré et ouvert les médias publics à la société civile et aux contestataires ? Non.
A-t-il laissé les manifestations se dérouler sans répression et sans intimidation ? Non. 
A-t-il traduit devant la justice les symboles de la corruption ou du moins éloigné des affaires publiques ses membres connus pour leur affairisme qui sont régulièrement dénoncés dans les manifestations ? Non.
A-t-il respecté les principes d’équité dans le traitement médiatique des manifestations ? Non.
A-t-Il commencé à mettre fin aux privilèges et aux rentes accordées aux proches de la monarchie ? Non. 
A-t-il freiné l’hégémonie de la holding royale sur le secteur privée ? Non. 
A-t-il sanctionné les responsables des exactions et de violations des droits humains récentes du moins ? Non. A-t-il libéré tous les prisonniers politiques ? Non
A-t-il rendu justice aux familles des morts d’El Hoceima, Sefrou et Safi ? Non. 
A-t-il interdit les procès expéditifs envoyant plusieurs manifestants en prison pour des crimes qu’ils n’ont pas commis ? Non
A-t-il demandé à ses officines médiatiques, et son sous ministre de la communication, d’arrêter la désinformation et l’acharnement ? Non. 
En cinq mois rien de tout cela n’a été fait. Un discours, une constitution grossièrement relookée et la parenthèse 20 février devrait être fermée !

Le pouvoir avait une chance historique, au lieu de la saisir il a choisi, encore une fois, l’épreuve de force et du fait accompli échouant dramatiquement sur l’épreuve de vérité. Au lieu d’être à la hauteur des revendications, et d’écouter le cri des manifestants, le pouvoir s’est réfugié derrière une classe politique asservie par la courtisanerie qui bien souvent peinait à réunir quelques personnes pour ses meetings même rémunérées. Aidé par l’indigne lâcheté des intellectuels et la majorité des organes de presse. Ensemble ils se sont conduits en très bon mystificateurs, distillant dans l’opinion publique, non sans un certain talent, l’idée que Mohammed VI a répondu aux revendications du mouvement alors qu’il est resté sourd et intransigeant. Cette mystification avait les moyens, elle disposait largement des médias publics, de relais dans la classe politique et d’une machine de propagande sophistiquée alors qu’on avait interdit au mouvement de s’adresser aux Marocains et d’expliquer ses attentes et ses revendications. Que n-a-t-on pas pu faire pour empêcher le mouvement de défendre ses positions et relayer ses positions auprès des Marocains et les laisser seuls juges ?

Le plus pénible était d’entendre ceux qui n’ont trouvé rien à dire sur toutes ces aberrations, toutes ces injustices, tout ce cynisme et qui se sont transformés soudainement en procureurs du mouvement 20 février. Forts avec les faibles, que n’ont-ils pas dit et écrit ? Ont-ils seulement relevé que celui qui avait une marge de manœuvre et devrait faire des concessions c’est le palais et qu’il n’a rien, absolument rien, cédé sur le fond. Se sont-ils seulement rendus compte qu’ils sont plus exigeants envers un mouvement récemment né, mal structuré, et privé de moyens organisationnels et de relais médiatiques, que de la trentaine de partis qui prétendent à exercer le pouvoir et qui plus est ont été dotés par d’importants moyens financiers grâce à l’argent du contribuable ?

Je ne prétends pas, bien sûr, que le mouvement 20 février a été sans défaut. Le mode de fonctionnement en coordinations indépendantes, qui faisait sa force au début, s’est révélé à la fin un handicap empêchant toute coordination nationale, toute réactualisation des revendications et de modes de contestation et l’indispensable mutualisation des actions locales. Dans la coordination de Casablanca, les organisations politiques qui ont soutenu le mouvement auraient dû s’en tenir à un rôle d’appui ce qui ne fut malheureusement pas le cas. Le mouvement a sans doute sous-estimé la sophistication de la machine répressive et de propagande du pouvoir. La pédagogie lui a bien souvent fait défaut empêchant l’élargissement du soutien populaire. Et il y en a beaucoup de question à clarifier, et je ne doute pas un instant qu’il fera son autocritique sereinement et sans renoncement. A sa décharge il ne disposait ni de l’expérience ni des moyens logistiques dont disposait l’Etat et ses relais politiques. Malgré cela il a tenu bon contre vents et marrées, et il tiendra bon.

Je voudrais justement dire deux mots personnels sur les jeunes et les militants du mouvement 20 février. J’étais honoré et heureux de partager avec eux le combat démocratique à travers plusieurs manifestations, la répression parfois, les intimidations souvent, et tout récemment la haine d’une foule fanatisée par le pouvoir. Certains sont devenus des amis. Et croyez-moi sur parole, ces jeunes gens sont loin de la caricature de monstres haineux qui leur ai donnée par le pouvoir et ses officines. Bien souvent ce sont des jeunes femmes et jeunes hommes de qualité passionnés et aimant leur pays. Avec un idéal, la dignité et la justice pour le peuple marocain, et une ligne de conduite, les actions pacifiques. Leur détermination, quand beaucoup d’autres ont renoncé, leur courage, quand beaucoup d’autres se sont réfugiés dans la lâcheté et le silence, et leurs nobles idéaux, quand beaucoup d’autres ont choisi la médiocrité, imposent respect et admiration. Et pour cela, on s’en remet au jugement de l’Histoire.

Le regard lucide qu’il convient d’avoir sur le référendum du vendredi dernier, ne doit pas nous conduire au découragement et au renoncement. Il n’y a pas de raison à désespérer. Quelque chose s’est définitivement levée le 20 février et ce n’est pas la parodie de consultation référendaire qui peut l’arrêter. Mamfakinch et nous nous battrons !

http://www.larbi.org/post/2011/07/Apres-le-referendum-plebiscitaire

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