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vendredi 14 mai 2010

Iran: La République islamique, nouveau membre de la Commission de la condition de la femme de l’ONU


par Aziz Enhail , Tolérance,13/5/2010
Le 28 avril 2010, l’Iran s’est vu octroyer par l’ONU un siège à la Commission de la condition de la femme, pour un mandat de quatre ans. Le bilan catastrophique des trente et une dernières années de la République islamique en matière des droits des femmes n’est pas de nature à plaider en faveur de cette «élection». Entachant au passage la réputation de l’organisation internationale dans son ensemble.
Sans surprise, la candidate de Téhéran a réussi à obtenir en avril dernier un siège au sein d’un des organismes clés des Nations Unies. Elle va siéger dans la Commission de la condition de la femme (CCF) durant quatre ans. En raison de la charge symbolique de cet organisme international multilatéral et de sa mission, cette cooptation a laissé plus d’un songeur.
La Commission de la condition de la femme, cible de la candidature iranienne
Le 21 juin 1946, la résolution 11 (II) du Conseil économique et social (ECOSOC) des Nations Unies rebaptise la sous-commission du statut de la femme du nom de Commission de la condition de la femme (CCF). Sa création s’est donc produite un an seulement après la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans la foulée de la mise en place d’une architecture internationale sensée palier aux défauts de la défunte et éphémère Société des Nations. Même s’il n’y avait en 1946 que quatre femmes (la Dominicaine Minerva Bernardino, la Chinoise Wu Yi-Fang, la Brésilienne Bertha Lutz et l’Américaine Virginia Gildersleeve) parmi les 160 signataires de la Charte des Nations Unies à San Fransisco, elles ont vu inscrite la question des droits des femmes au cœur de ce document fondateur du nouvel ordre international. C’est dire l’importance accordée déjà à l’époque à l’enjeu d’amélioration de la condition des femmes dans le monde.
La CCF est le principal organe onusien chargé de la promotion des droits des femmes et de l’égalité entre elles et les hommes partout dans le monde, sans distinction de religion, de culture, de race. Pour accomplir son mandat auprès du «Conseil économique et social» des Nations Unies, elle se sert de trois instruments d’importance. D’abord, elle élabore des «rapports (visant à) promouvoir les droits politiques, économiques, civils, sociaux et éducatifs des femmes» dans le monde. Ensuite, elle fait «des recommandations à propos des problèmes urgents nécessitant une attention immédiate relativement aux droits des femmes». Enfin, elle élabore des traités et d’autres instruments visant à améliorer la condition des femmes en droit et dans la pratique (http://www.un.org).
Le CCF comprend quarante-cinq États membres répartis entre les blocs régionaux, à raison de treize membres africains, onze asiatiques, neuf latino-américains et caribéens, huit occidentaux et quatre est-européens. Les État membres se réunissent une fois par an à New York, au siège onusien, pour examiner les progrès réalisés (aussi bien que les reculs) dans les domaines des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes. Ils doivent également élaborer des politiques crédibles à même de promouvoir ces droits et cette égalité dans le monde entier.
À cause du rôle clé et du mandat spécifique de la CCF, on était en droit de s’attendre d’abord et avant tout (si ce n’est seulement) à ce que les pays dont les politiques sont réellement conformes aux engagements de ladite CCF, soient cooptés en son sein. Mais voilà, la naïveté (ou l’idéalisme, selon) a encore une fois été pour ses frais quand il s’agit d’un organe onusien!
La République islamique, nouveau membre de la Commission de la condition de la femme
S’il est vrai que les organes des Nations Unies ne sont pas des clubs pour pays «vertueux» (puisqu’ils accueillent de nombreux représentants de pays autoritaires, au nom de la Realpolitik), permettre à l’Iran de siéger au sein de l’emblématique CCF est malgré tout un choix qui ne peut laisser personne indifférent. Pourquoi? (pourraient demander certains) étant donné le fait qu’il y a déjà des États membres dont le bilan en matière des droits des femmes n’est pas très brillant.
Contrairement par exemple à l’Érythrée (une prison à ciel ouvert, aux prises avec son voisin éthiopien) ou à un pays comme la RD du Congo (plongé en pleine guerre civile et faisant face à la prédation de nombreux voisins et chefs miliciens de ses ressources naturelles, et où le viol est souvent utilisé comme une arme redoutable et destructrice de guerre contre les femmes et leurs proches), deux pays membres, l’Iran jouit quant à lui de la paix civile. Une condition nécessaire (mais insuffisante) de la promotion des droits de tous citoyens (y compris des femmes). D’où l’importance de la volonté politique du leadership national.
Plusieurs éléments militent à la défaveur de la cooptation de l’Iran au sein du CCF. Nous nous en contentons ici de deux aspects. D’abord, le niveau légal. Ensuite, celui politique. Au niveau du droit, l’inégalité entre les hommes et les femmes est un principe structurant des différentes lois de la République islamique. L’arrivée au pouvoir des mollahs révolutionnaires s’est notamment traduite par le licenciement des femmes juges (dont celle qui allait devenir en 2003 Prix Nobel de la Paix, Shirin Ebadi).
L’âge de la majorité de la gent féminine est neuf ans (contre seize ans pour celle masculine!). Le témoignage d’une femme vaut la moitié de celui d’un homme. Elle est, en principe, lapidée à mort en cas d’adultère. Un homme peut échapper à toute condamnation s’il tue sa femme prise en flagrant délit d’adultère, ou s’il est certain qu’elle était consentante. Alimentant le registre des crimes d’honneur. Le «viol conjugal» n’est pas reconnu par la loi. La loi ne punit pas la violence conjugale. Toute femme ne portant pas en public un «voile approprié» (?) est passible de coups de fouet. Un homme peut marier jusqu’à quatre femmes. Si le divorce n’est accordé à la femme que selon des conditions strictes (dont la folie, la pauvreté extrême, la toxicomanie, l’impuissance du conjoint), le mari n’est quant à lui nullement tenu de justifier sa décision de divorcer de son épouse et peut le faire à tout moment (voir la Section no. 6: «discrimination» du «Rapport 2009» du Département d’État américain sur la situation des droits de la personne en Iran, http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2009/nea/136068.htm). Sans oublier de nombreuses autres lois tout aussi discriminatoires et héritées d’un autre âge. Cette situation est contraire à la Déclaration sur l’élimination de la discrimination des femmes adoptée dès le 7 novembre 1967 par l’Assemblée Générale des Nations Unies.
La situation juridique de la femme iranienne est également contraire à ce qu’exige la Convention internationale pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW), un instrument juridique international adopté lui aussi par l’Assemblée Générale de l’ONU en 1979. D’ailleurs, la République islamique ne l'a jamais signé.
Plusieurs féministes iraniennes de différentes tendances idéologiques se battent depuis de nombreuses décennies pour faire évoluer et les mentalités et la loi dans un sens d’égalité. Tout comme l’avaient fait leurs consœurs marocaines avant elles, au courant des années 1980, elles ont récemment lancé un mouvement social du nom de la «campagne du Million de signatures». La campagne marocaine a quant à elle eu un grand impact dans la société et a contribué à faire évoluer les mentalités pour aboutir deux décennies plus tard à un changement juridique d’envergure. Malgré l’opposition des islamistes («Maroc. Les dix années de transition politique sous Mohamed VI»).
Mais ce cadre légal chariatique (du mot charia, loi islamique) et archaïque aura en Iran à subir «fatalement», à un moment ou un autre, les «effets pervers» (c’est-à-dire effets non voulus ou non prévus à l’origine) d’une révolution silencieuse en cours dans ce pays, en raison notamment de la scolarisation et de la diplomation plus importantes des filles (par rapport aux garçons). D’ailleurs, on voit déjà des signes annonciateurs de cette transformation sociologique d’envergure.
À cet aspect juridique rapidement esquissé ci-dessus s’ajoute l’aspect politique de la discrimination contre les femmes. Si la femme iranienne a acquis le droit de vote dès 1963 (sous le règne de Mohammed Réza Pahlavi), conduit elle-même sa propre voiture (contrairement à l’Arabie saoudite voisine) et occupe de nombreux postes de responsabilité, elle ne peut notamment se présenter à l’élection présidentielle.
Les femmes iraniennes ont joué un rôle d’importance dans le succès de la Révolution de 1979. Plusieurs d’entre elles ont plus tard soutenu le mouvement des réformateurs au cours des années 1990 et contribué à l’élection de Mohammed Khatami à deux reprises. Elles étaient de retour suite à la réélection contestée du président Mahmoud Ahmadinejad («Iran. Les raisons de la réélection de Mahmoud Ahmadinejad») pour contester sa légitimité. Pour ces militantes du Mouvement vert d’opposition («Nazila Fathi: Le Mouvement vert en Iran»), c’est Mir-Hossein Moussavi, le candidat malheureux, qui serait leur président et non le président sortant.
À cause de cet engagement politique, nombreuses parmi ces femmes ont subi une répression féroce (tout comme les hommes réformateurs) aux mains des barbouzes de la République islamique. Plusieurs d’entre elles se sont retrouvées dans la sinistre prison d’Evin, une geôle pour prisonniers politiques et d’opinion. Elles y ont «goûté» aux affres de la torture physique et psychologique. Sans oublier le viol. Certaines d’entre elles ont connu un destin tragique. Neda Agha-Soltan (née en 1982 et assassinée en direct le 20 juin 2009) en est l’exemple par excellence.
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Quand on garde à l’esprit ce que représente pour l’ONU la Commission de la condition de la femme en termes d’égalité entre les hommes et les femmes et de promotion des droits féminins, l’«élection» par acclamation en son sein d’une République islamique (dont le bilan dans ce domaine est à la fois catastrophique et contraire à la philosophie même de cet organisme comme on vient de l’analyser ci-dessus) est préoccupante. Pour éviter à l’avenir à un organisme onusien l’embarras de se retrouver avec des candidats aussi problématiques, il faudrait à la fois réviser le mode de sélection des candidatures en lice pour avoir un véritable système compétitif et écarter à l’avance toute candidature controversée. Deux mesures devenues nécessaires pour contribuer à faire redorer le blason de l’organisation internationale.
http://www.tolerance.ca/Article.aspx?ID=83785&L=fr

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