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dimanche 15 novembre 2009

Conte carthaginois: L’impatiente Régente et le Docteur Folhumour


par Omar Khayyam, 13/11/2009

Le docteur Mohamed Gueddiche, médecin personnel de Haj Zaba, est dans son bureau à la Présidence de Carthage. Il est absorbé par la lecture d’un livre passionnant. Soudain, il entend quelqu’un frapper à la porte. Il panique, ouvre un tiroir au hasard et y cache le livre qu’il était en train de lire.
Dr. Gueddiche : Entrez, je suis là.
La Régente de Carthage :  Je vous dérange ?
Dr. G. : Non, non, pas du tout. Assoyez-vous, je vous en prie.
R. C. : Puis-je m’allonger sur le divan ?
Dr. G. : Je suis désolé, je n’ai pas de divan. Je ne suis ni psychanaliste ni psychothérapeute. Je suis cardiologue, Madame.
R. C. : Je viens de lire un livre qui m’a plongé dans un océan de tristesse. La pire dépression de ma vie…
Dr. G. : Vous parlez de ce livre innommable commis par deux journalistes néo-colonialistes français ?
R. C. : Mais non, docteur !  Je m’en fous de ce raconte ce livre. Je parle d’un autre, une biographie de Bourguiba.
Dr. G. : Je vois que le juriste du Palais vous suggère maintenant des lectures pour adultes. Vous faites des progrès. Bravo !
R. C. : Ne vous moquez pas de moi, docteur !
Dr. G. : Absolument pas, Madame. Comment oserais-je me moquer de la femme du patron ? Il n’ y a aucune honte à être autodidacte. Staline, Hilter et Ceaucescu étaient des autodidactes comme vous.
R. C. : Je vais vous lire le passage qui m’a déprimée et qui me prive de sommeil depuis des jours: " Mais elle [Wassila] sait aussi que le pouvoir qu’elle a progressivement acquis dans l’ombre, que ce rôle d’éminence grise qui la comble sans toutefois satisfaire complètement ses ambitions, dépendent de lui [Bourguiba] et de lui seul. Elle n’a d’autre légitimité que celle d’une épouse. Viendrait à disparaître celui dont elle porte le nom, elle ne serait plus rien, et a suffisamment d’ennemis pour craindre un sort un peu enviable." (1)
Dr. G. : Je crois que Bessis et Belhassen ont raison. Si, que Dieu ne veuille,  le patron disparaît, vous risquez de perdre tous vos privilèges et la majorité de vos biens.
R. C. :  Mais si je nomme un président fantoche, par exemple Abdelwahab Abdallah, je pourrais tirer les ficelles du pouvoir derrière les coulisses, non ?

Dr. G. : Vous devriez lire la tragique histoire du général Rafael Leonidas Trujillo pour comprendre l’insoutenable légèreté de de ce scénario.
R. C. : C’est qui ce général ?
Dr. G. : Ce général, ancien de l’école des Marines aux USA, a régné sans partage sur la République Dominicaine du 16 août 1930 au 30 mai 1961, date de son assassinat. La famille de Trujillo, qui s’est enrichie sur le dos du peuple, avait un candidat à la succession aussi effacé que Addelwahab Abdallah, Joaquín Balaguer. Mais lorsque celui-ci a pris le pouvoir, il a peu à peu tiré le tapis sous les pieds des Trujillo. Finalement le clan familial de l’ex-dictateur n’avait d’autre choix que l’exil.

R. C. : Vous êtes en train d’enfoncer le couteau dans la plaie, docteur !
Dr. G. : Je suis un adepte des thérapies de choc, Madame.
R. C. : Pourriez-vous me prescrire des calmants ?

Dr. G. : Pas de problème.

Le docteur prend son stylo et écrit quelque chose sur une feuille blanche. Lorsque la Régente de Carthage lit ce qui y est écrit, elle s’évanouit sur le champ: " Je vous suggère deux calmants, Madame:  l’achat d’un billet aller sans retour Tunis-Abu Dhabi et l’ouverture d’un petit salon de coiffure chic à Dubaï "

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1 - Sophie Bessis et Souhayr Belhassen - Bourguiba, tome II, Un si long règne 1957-1989. Editions Jeunes Afrique livres, 1989 ; page 103.

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