Publié dans le journal Attadamoun Solidarité 137-138 juin 2009
Après tout ce que tu as fait depuis trente ans, et en dépit de tous les coups que tu as reçus, au propre (si l’on peut dire) et au figuré, tu es restée d’une belle jeunesse. Avec ton étonnante énergie, tu ne cesses d’enfanter: bientôt près de 90 sections à travers le pays; près de 10.000 membres; des dizaines de milliers de sympathisants; une activité quotidienne et sur tous les fronts. Tout cela force ton estime, au Maroc et à l’étranger.
Ce n’est pas tout: tu as su et depuis toujours préserver ta dignité, en particulier en refusant de te laisser embarquer - comme l’ont fait nombre d’hypocrites et d’opportunistes- dans un CCDH totalement inféodé au pouvoir. C’est normal puisque tu as toujours défendu les droits de l’homme sans chercher à complaire à qui que ce soit et surtout en veillant à ne jamais compromettre ton indépendance et ton image de défenseur qui dérange. Tu n’as jamais menti en disant par exemple - quel culot pour celle qui l’a affirmé! - que, depuis le nouveau règne, «la torture, les enlèvements, les disparitions, tout cela c’est fini». Tu n’as jamais été une pépinière de cadres du néo-makhzen, qui les a toujours trouvés ailleurs, prompts à le servir. A l’IER - imposture des Commissions justice et vérité - tu as tranquillement et superbement opposé tes séances d’auditions publiques, où tes témoins ont parlé en toute liberté et sans que les minutes leur fussent comptées. C’est normal, chez toi, qui as toujours milité pour que les salauds soient nommés et jugés, seul rempart concevable contre la répétition des crimes d’Etat contre ceux qui refusent de plier devant sa barbare tyrannie.
Dès lors, il n’est pas étonnant que tu sois accusée de «faire de la politique» au lieu de défendre les droits de l’homme! Comme si ces droits ne relevaient pas, par nature, du politique, puisque c’est toujours le pouvoir politique qui est responsable, directement ou indirectement, partout dans le monde, de leur violation ou de leur respect. Et comme si ceux qui te font ce reproche n’étaient pas, eux, les lèche-bottes plus ou moins déclarés du pouvoir en place! Un pouvoir qui sait, il est vrai, les remercier par ses grasses prébendes.
Il n’est pas étonnant, non plus, que tes militants soient tout le temps tabassés par les brutes de ce même pouvoir. Fais gaffe, chère Khadija RYADI, tu sais que tu nous es précieuse. Et toi, Abdelhamid AMINE, tu m’as, certes, toujours «rassuré» en me répétant après chaque épreuve que ta tête, qui ne cesse de recevoir des coups de ces barbares, «tient bon, puisqu’elle est en caillasse», mais il n’empêche que je crains pour tes… bijoux de famille.
Cela dit, j’ai quand même quelques reproches à te faire, chère AMDH: d’abord tu as toujours mal communiqué et c’est grave, parce que trop de Marocains ignorent tes combats et, de ce fait, ne peuvent te soutenir et s’inscrire à ton école, ce qui rendrait ton action plus efficiente. Par ailleurs, il est des droits fondamentaux que tu occultes dans ton action. Je citerai en particulier le droit de vivre dans un Maroc laïc, seul à même de garantir la liberté de conscience, sans laquelle on est condamné à vivre dans une société de type fasciste. Je citerai aussi les droits liés à l’environnement, sans lesquels aucun cadre de vie humain n’est possible.
Un dernier reproche: ta langue de bois. Mais il est vrai que, dans le domaine des droits de l’homme, ce travers est malheureusement quasi-universel.
Tout cela ne peut m’empêcher de te dire mon affection: oui, M’AMDH, je t’aime bien, et tu le sais bien.
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