DÉCLARATION PUBLIQUE, 26 juin 2009
Maroc et Sahara occidental. Liberté pour un militant condamné pour avoir dénoncé la corruption
Amnesty International déplore la condamnation de Chekib El Khiari, le 24 juin, par le tribunal de première instance de Casablanca, et demande que ce défenseur des droits humains soit immédiatement remis en liberté, sans conditions. Chekib El Khiari a été condamné à trois ans d’emprisonnement et à une lourde amende pour atteinte ou outrage aux institutions publiques, et pour avoir ouvert un compte bancaire à l'étranger et effectué des virements non autorisés. Amnesty International estime que Chekib El Khiari a été condamné pour des raisons politiques et que les autorités cherchent ainsi à le punir d’avoir osé dénoncer l’implication de hauts responsables de l’État dans un réseau de trafic de drogue.
Elle considère donc Chekib El Khiari comme un prisonnier d’opinion, placé en détention uniquement pour avoir critiqué des pratiques de corruption et avoir milité en faveur des droits humains. Elle regrette l'attitude des pouvoirs publics marocains, qui, au lieu de se consacrer pleinement à la lutte contre la corruption et le trafic de drogue, préfèrent jeter en prison un homme qui a eu le « tort » de s’exprimer sur ces questions.
Âgé de trente ans, Chekib El Khiari a été arrêté le 17 février 2009. Il a été inculpé le 21 du même mois d’avoir porté atteinte à l'image des autorités nationales publiques et judiciaires. Cette infraction est passible, aux termes des articles 263 et 265 du Code pénal, d’une peine maximum d'un an de prison et d'une amende. Devant le juge d’instruction et lors de son procès, Chekib El Khiari a déclaré qu’il n’avait pas insulté les institutions publiques en tant que telles, mais avait en réalité critiqué des individus occupant des fonctions dans l'appareil de l'État. Son arrestation en février est intervenue sur fond d’informations, faisant état de l’interpellation d’une bonne centaine de personnes, dont des responsables des pouvoirs publics, dans le cadre du démantèlement d'un réseau de trafic de drogue dans la province de Nador, une région côtière située au nord du Maroc. Amnesty International considère que Chekib El Khiari a été arrêté, poursuivi et condamné uniquement parce qu’il avait osé évoquer l’implication de hauts responsables des pouvoirs publics dans cette affaire.
Chekib El Khiari a également été reconnu coupable d'avoir violé la réglementation de 1949 relative au contrôle des changes. D’autres poursuites avaient en effet été engagées contre lui le 23 avril dernier, pour ouverture de compte bancaire à l'étranger et transfert de fonds non autorisé par l'Office des changes. Cette nouvelle accusation concernait un incident survenu en 2006 : Chekib El Khiari avait alors ouvert un compte bancaire dans la ville sous souveraineté espagnole de Melilla, pour y encaisser un chèque que 225 euros, que lui avait remis la rédaction du journal espagnol El Pais, en règlement d’un article. La réglementation de 1949 punit ce type d'infraction d'une peine maximum de cinq années d'emprisonnement et d'une amende. En pratique, toutefois, seule une amende est prononcée et, la plupart du temps, l’Office des changes décide lui-même du montant de celle-ci, notamment lorsque les sommes en jeu sont modiques, comme dans le cas de Chekib El Khiari.
Le jeune homme se trouve depuis son arrestation à la prison d'Oukacha. Le juge d’instruction a refusé sa remise en liberté provisoire à trois reprises, invoquant la gravité des charges qui pesaient contre lui. Chekib El Khiari est un défenseur des droits humains reconnu et respecté dans la province de Nador. Il a fondé l'Association du Rif des droits de l'homme en 2005. Cette organisation milite sur diverses questions, telles que le traitement réservé aux migrants de l'Afrique sub-saharienne au Maroc, la violence contre les femmes, ou encore le commerce de la drogue dans la zone côtière du nord du Maroc. Chekib El Khiari est aussi connu pour sa défense des droits du peuple amazigh au Maroc.
Amnesty International appelle les autorités marocaines à respecter les obligations qui sont les leurs aux termes de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel le Maroc est partie et qui garantit la liberté d’expression. La Constitution marocaine garantit en outre elle aussi la liberté d’opinion et d’expression sous toutes ses formes. Amnesty International estime que les dispositions du Code pénal qui rendent passibles de poursuites pénales des faits qualifiés d'insulte ou d'outrage aux institutions ou aux représentants de l'État sont contraires aux obligations contractées aux termes du PIDCP et de la Constitution marocaine. Amnesty International appelle les autorités marocaines à libérer immédiatement et sans conditions Chekib El Khiari.
Complément d’information
Les autorités marocaines continuent de réprimer la liberté d'expression sur certaines questions sensibles, touchant à la sécurité nationale, à l'intégrité du territoire et à la monarchie. Un certain nombre de personnes, dont des défenseurs des droits humains, des journalistes et des juristes, font l’objet d’actes d'intimidation, voire de poursuites, lorsqu’elles osent franchir « la ligne rouge ». À de nombreuses occasions, Amnesty International a demandé l'abrogation ou la modification des dispositions du Code pénal et du Code de la presse rendant passible de poursuites pénales l'exercice pacifique du droit à la liberté d'expression.
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