Pour la première fois, une étude scientifique montre l’ampleur de la discrimination dans les contrôles de police en fonction de l’apparence physique. « Des contrôles de police injustifiés et discriminatoires ». Ces accusations à l’encontre des forces de l’ordre sont des griefs récurrents de la part des citoyens d’origine étrangère. Pour la première fois une étude du CNRS, publiée mardi, prouve la réalité et l’ampleur du phénomène.
En moyenne, les « Arabes » (les personnes originaires d’Afrique du Nord, selon la définition du rapport) et les « Noirs » (les individus originaires d’Afrique et des Antilles) ont respectivement 7,8 fois et 6 fois plus de risques d’être contrôlés que des Blancs, démontrent les travaux de Fabien Jobard et René Lévy. Une même inégalité a été observée en ce qui concerne les fouilles : les Noirs ont été fouillés à l’issue de 9,9% des contrôles d’identité, les Arabes 12,4%, alors que les Blancs ont été inspectés 3,1 % du temps.
Ces résultats découlent de l’analyse de 525 contrôles d’identité effectués entre octobre 2007 et mai 2008 aux abords et dans la gare du Nord et la station de RER Chatelet-les Halles. Pour recueillir méthodologiquement des données sur ces contrôles, les chercheurs ont d’abord cherché à définir leur « population témoin ». Des enquêteurs ont observé les caractéristiques des populations fréquentant le secteur des Halles et de la Gare du Nord. Ensuite ils ont analysé le profil des personnes, parmi ce public, qui se faisaient contrôler. Les enquêteurs ont observé discrètement les contrôles, inscrivant notamment le sexe, l’apparence physique et la tenue vestimentaire de celles-ci. Lorsque les policiers avaient terminé leur travail, ces « guetteurs » ont demandé aux personnes contrôlées de répondre à un questionnaire sur les conditions de leurs inspections.
« Les contrôles d’identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l’apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu’ils sont, ou paraissent être », souligne le rapport, qui a été financé par la fondation du milliardaire américain Georges Soros, l’Open society Justice Initiative. Conséquence de cette prépondérance de l’apparence physique, les contrôles d’identité sont non seulement influencés par le type physique des personnes interrogées mais aussi par leur style vestimentaire. Les personnes, surtout des jeunes, affichant des tenues « hip-hop, » « tecktonic, » « punk » ou « gothique », constituent 10% de la population française mais représentent 47% des individus contrôlés par les forces de l’ordre.
« Le profilage racial réduit l’efficacité de la police »
Sans surprise, les jeunes sont surreprésentés dans les contrôles en raison de leur tenue mais aussi parce que, rappelle le rapport, « les jeunes forment la population qui participe la plus activement aux activités délinquantes de voie publique ». Par exemple à la station RER de la Gare du Nord, un jeune a 7.9 fois plus de risque de se faire inspecter qu’un adulte. Enfin, le rapport s’étonne que les policiers ciblent plutôt les passants sans bagage que ceux équipés de sacs à dos, alors que ces sacs pourraient receler des explosifs ou des armes dangereuses.
Cette propension des policiers à viser les jeunes appartenant aux minorités sensibles est dangereuse et inefficace, préviennent Fabien Jobard et René Lévy. « Le profilage racial réduit l’efficacité de la police, qui dépend profondément de la coopération du public pour obtenir le signalement des infractions et des témoignages. Le contrôle au faciès peut aussi entraîner des conflits entre la police et les groupes visés, et un niveau accru de violence comme en témoignent les épisodes émeutiers récents », écrivent-ils.
Des contrôles répétés basés sur l’apparence et non le comportement permettent-ils une meilleure prévention de la délinquance ? Rien ne le garantit. « Le fait que l’on ait laissé repartir 78% des personnes contrôlées, sans qu’il y ait apparemment besoin de les emmener au poste conduit à s’interroger sur l’efficacité des contrôles dans la détection des infractions », pointent les chercheurs. Ces contrôles au faciès violent aussi la législation française, qui garantit l’égalité de tous indépendamment de l’origine ethnique, raciale ou nationale, remarquent Fabien Jobard et René Lévy.
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