La rupture du lien social est bien plus fréquente chez les subsahariens dans les prisons marocaines que chez les autres détenus.
Ému au moment où il s’apprête à quitter le Maroc pour
aller soigner un cancer qui le ronge, l’aumônier des prisons Arnaud de
Laportalière se dit inquiet. Lui qui, durant près de sept ans, s’est
rendu dans les prisons marocaines à la rencontre des prisonniers
catholiques, pour la plupart subsahariens, a du mal à positiver sur le
sort de ces derniers. « La loi carcérale marocaine est très claire :
un détenu ne peut pas bénéficier de nourriture ou de produits de tous
les jours en plus de ceux délivrés par la prison, si ces derniers ne
sont pas apportés par des proches. »
Dès lors, pour les 200 prisonniers subsahariens que l’aumônier avait l’habitude de visiter, les initiatives sont très réduites. « Une femme dénommée Peace, condamnée à six ans de prison, n’a reçu qu’une seule visite en cinq ans, ce fut la mienne », se désole-t-il au moment de prendre le bateau pour Algeciras. Et de citer un autre exemple, celui d’une mineure, handicapée mentale condamnée à 25 ans d’emprisonnement pour le meurtre de sa mère : « On n’a jamais pris en compte son handicap mental lors de son procès. »
Dès lors, pour les 200 prisonniers subsahariens que l’aumônier avait l’habitude de visiter, les initiatives sont très réduites. « Une femme dénommée Peace, condamnée à six ans de prison, n’a reçu qu’une seule visite en cinq ans, ce fut la mienne », se désole-t-il au moment de prendre le bateau pour Algeciras. Et de citer un autre exemple, celui d’une mineure, handicapée mentale condamnée à 25 ans d’emprisonnement pour le meurtre de sa mère : « On n’a jamais pris en compte son handicap mental lors de son procès. »
Rupture du lien social
Les faits sont là. Aucune association, aucun organisme n’a,
semble-t-il, le pouvoir de changer les choses, pour permettre aux
détenus subsahariens de conserver une once d’humanité et de rapports
humains. D’après Arnaud de Laportalière, aucune ambassade des pays
subsahariens, hormis le Sénégal, n’a entrepris de rendre visite aux 150
hommes et aux 50 femmes détenus au sein des prisons des régions de Rabat
et Casablanca. Une information appuyée par un rapport de l’Organisation
marocaine des droits de l’homme (OMDH), daté de 2012 : « Peu de prisonniers subsahariens ont déclaré avoir reçu un support de la part de la représentation diplomatique ».
Bien que bénéficiant des mêmes droits que les autres détenus, le
rapport faisait déjà état du désavantage dont souffrent les détenus
subsahariens « en raison de leur spécificité culturelle et ethnique ».
Il déplorait, notamment, l’absence de formation chez ces condamnés,
révélant qu’un seul migrant originaire de la Guinée-Bissau poursuivait
des études en droit français à l’université d’Oujda. La surpopulation
carcérale était également pointée du doigt : « Une cellule abrite 120 prisonniers alors que sa capacité est limitée à 16 », affirmait à cette occasion Saïd El Bekri, membre du Bureau national de l’OMDH. Il ajoute que seule la prison de Salé « compte quatre détenus subsahariens dans une même chambre ».
Une loi « juste » mais mal appliquée
Pour Daniel Nourissat, supérieur hiérarchique d’Arnaud de
Laportalière et curé de Casablanca, la loi entourant la vie des
prisonniers marocains, si elle n’est pas injuste, elle reste mal
appliquée : « La loi marocaine énonce que les prisonniers peuvent
être aidés par des gens extérieurs pour améliorer leurs conditions de
vie. Les proches peuvent ainsi apporter des aliments spécifiques ou des
produits de première nécessité. Seulement, l’administration
pénitentiaire a limité ce droit à l’entourage familial strict »,
explique-t-il. Pour les détenus dont les familles ne résident pas au
Maroc, il est aujourd’hui peu possible de se faire aider. « Pourtant,
je connais des Subsahariens prêts à aider leurs concitoyens, mais ils
sont dans l’incapacité de le faire actuellement », raconte le père Nourissat.
Longtemps, Arnaud de Laportalière a rempli ce rôle de substitution. « Il
venait chaque semaine avec plus de 150 kilos de matériel qu’il devait
emballer, porter, distribuer, faire fouiller par les autorités,
réemballer, etc. Cela devient évidemment injouable », constate Daniel Nourissat. « On contacte régulièrement des ambassades et consulats mais on ne trouve pas d’écho », explique-t-il. « On
a eu une fois un entretien prometteur avec une magistrate marocaine qui
semblait réceptive à notre discours, mais cela n’a rien donné. »
Quelles alternatives ?
Hicham Rachidi, secrétaire général du Groupe antiraciste
d’accompagnement et de défense des étrangers et migrants (GADEM), estime
que « ça ne peut pas être pire qu’à l’heure actuelle. » Selon ce militant associatif, l’Administration pénitentiaire « a
quand même une lecture assez large et ouverte de la loi. La preuve avec
la présence de représentants religieux qui peuvent venir aider les
détenus. » Il espère que ces progrès vont se confirmer à travers l’élaboration du nouveau projet de loi carcérale. « On
a déposé de nombreuses recommandations auprès du Conseil national des
droits de l’Homme (CNDH) en ce sens, et le Conseil est systématiquement
consulté, il donnera un avis sur cette réforme pénitentiaire », explique Rachidi. Et de préciser que les recommandations du GADEM ont été bien reçues par le CNDH.
Toutefois, Hicham Rachidi précise qu’en plus de l’amélioration
des conditions de vie des détenus subsahariens, il faut élargir leur
champ de possibilités : « Il est important de militer au-delà pour
que ces derniers puissent, par exemple avoir davantage la possibilité de
finir leurs peines, dans leur pays d’origine de façon à avoir encore
plus de soutien. »
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