Remise en question de la citoyenneté et Nuit de Cristal a Ajaccio
Il y a quelques jours je dînais avec un ami, intellectuel israélien de
renom et de grande culture. Entre le dessert et le café, il m'interroge
sur la situation en France et sur ce qu'il appelle "le problème des
immigres d'origine musulmane", faisant évidement référence aux attentats
du 13 novembre dernier. Je lui fais remarquer que ce qu'il appelle des
"immigres" sont en fait des Français de deuxième voire troisième
génération, et que la définition d’immigrés est donc totalement
inadéquate… Mon ami est particulièrement intéressé par les changements
constitutionnels concernant la possibilité de reprendre la citoyenneté a
des binationaux impliques dans des opérations dites terroristes, car
c'est ici une question d'actualité: la Knesset a récemment adopte une
loi qui permet de retirer le permis de séjour de résidents palestiniens
de Jérusalem impliqués dans des actions contre l'occupation coloniales,
ce qui en fait des exilés dans leur propre pays.
J'essaie de
lui expliquer que ce changement constitutionnel touche au cœur même de
la République et a la notion de citoyenneté qu'a engendre la Révolution
Française, un des plus grands acquis de la civilisation occidentale
moderne, et qu'il s'agit donc d'une régression de portée historique.
J'avoue que malgré sa grande culture, il a de la peine à me suivre, ce
qui m'oblige à lui parler du statut des Juifs sous Vichy, et de la
suppression de leur nationalité par l’État Français.
A mes
yeux, et c'était ce qu'on m'avait enseigne au lycée, dans la République,
la nationalité fait partie de celui qui la possède, de naissance ou par
naturalisation, et ne peut lui être ni prise ni reprise; elle fait
partie de son être, tout comme la couleur de ses yeux ou ses empreintes
digitales. Pour prendre aux Juifs leur statut de citoyens Pétain et
Laval ont d'abord du détruire la République et
Liberté-Egalité-Fraternité pour la remplacer par l’État Français et
Travail-Famille-Patrie.
Ce qui est particulièrement scandaleux
dans la reforme constitutionnelle de Hollande-Vals (soutenue par une
grande majorité de députés, y compris de gauche), c'est qu'elle attaque
ce principe fondamental, tout en prétendant maintenir le cadre de la
République. On comprend alors la jubilation de Marine Le Pen et de sa
nièce: la République a fait un premier pas sur la pente glissante qui va
d'une conception citoyenne de la nationalité (la loi du sol) a une
conception volkiste, où c'est la loi du sang qui détermine
l'appartenance a la nation.
Comment s'étonner alors du pogrome
qu'organisent des nationalistes corses dans un quartier d'Ajaccio ou
vivent des "immigres" d'origine musulmane, en représailles a l'attaque
de sapeurs pompiers par des jeunes du quartier. La haine des
manifestants, leurs propos racistes et leur violence aveugle contre "les
autres", n'ont pas manqué de me rappeler les images de la Nuit de
Cristal, il y a exactement 77 ans, quand des foules d'Allemands s'en
prenaient aux Juifs, l'"autre" de cette époque, marquant ainsi le
premier pas d'une voie qui allait mener a la Solution Finale, au
génocide des Juifs d'Europe.
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