Le sultan Hafid, attablé avec des notables français, à
gauche et avec le Maréchal Lyautey, à droite
Les
accords de pêche ont ceci de méritoire qu’ils nous rappellent la sordide réalité
de la monarchie marocaine, qui, au moindre péril qui la menace, n’hésite jamais
à avoir recours aux pires réflexes de défense, quitte à entraîner pour notre
pays, une perte de souveraineté.
La
trahison toujours
Ce
fut le cas, lorsque le sultan Hafid signa le traité instituant un protectorat
français sur le Maroc, le 30 mars 1912. A force de campagnes militaires contre
le Bled Siba, de brutalités fiscales
envers les plus pauvres, d’incompétence et de train de vie fastueux, les sultans
avaient progressivement asséché les sources de revenus, précipité la faillite
économique du pays, induit la mise progressive sous tutelle de l’administration
marocaine et ligué contre eux une bonne partie du pays. Le traité de
Fez sauvera la monarchie, in extremis, du péril intérieur, mais
aura pour conséquence le dépeçage du Maroc et la perte de son indépendance.
Assimilé à une trahison, il suscita plusieurs soulèvements, dont les épisodes
les plus célèbres furent la révolte des tribus Zaïans
de Mouha Ou Hammou et celles du
Rif sous la férule de Abdelkrim El
Khattabi, au cours de laquelle la monarchie marocaine se rangea
aux côtés de l’occupant français, accouru au secours des troupes espagnoles,
après leur défaite à Anoual en 1923 et la
proclamation de la république du Rif.
Indépendance,
mais pas trop s’en faut
L’indépendance
acquise, le Maroc aurait pu, dans la foulée, revendiquer la souveraineté pleine
et entière, sur tous les territoires qu’on lui avait ravis, à l’époque
coloniale, d’autant que leur réintégration à la mère patrie n’aurait soulevé
aucune objection de la part des populations concernées. Mais à l’intérêt
suprême, le régime alaouite a préféré « sauver sa peau », en s’alliant une fois
de plus, aux puissances occupantes, afin d’écraser les mouvements nationalistes
et républicains qui menaçaient son existence. C’est ainsi que l’Espagne put
conserver, l’enclave d’Ifni, jusqu’en 1969, le
Sahara occidental, jusqu’en 1976 et qu’elle occupe, à
ce jour les présides de Ceuta et de
Melilla et un certain nombre d’îlots au large des
côtes marocaines, ou empêche, à tout le moins Rabat, d’y exercer sa légitime
souveraineté, comme ce fut le cas lors de l’affaire de l’îlot Persil.
La
France qui pensait durer en Algérie conservait, quant à elle, jusqu’en 1962, la
majeure partie des terres, dont elle avait amputé le Maroc sur sa façade Est, au
profit de ce qu’elle considérait alors, comme un territoire d’Outre-mer.
L’Algérie indépendante ne voulut jamais entendre parler de rectification des
frontières. On connaît la suite, « la guerre des
sables » de 1963 et ses conséquences, dont le seul souvenir
participe encore, pour grande part, de l’ « inimitié cordiale » et de la
méfiance réciproque que se vouent les deux régimes.
« Pax
Economica »
Soixante
ans après l’indépendance, la monarchie marocaine reproduit donc, à l’identique,
les mêmes travers, entre un train de vie fastueux, des monopoles indécents pour
elle-même, des passe-droits insupportables pour ses affidés, des atteintes aux
libertés fondamentales et une protection des intérêts européens, dont elle sait
que dépend sa survie.
Et
à l’heure où grandit la contestation des méthodes brutales et prédatrices de
son régime, Mohammed VI, pallie incompétence politique et indigence
diplomatique, par une sorte de « Pax Economica » avec
l’Europe, espérant s’acheter le silence et l’indulgence du vieux continent, en
matière de droits de l’homme et sa complaisance, dans l’affaire du Sahara
occidental.
Et
si leurs défenseurs prétendent que les accords de pêche ne sont pas tant affaire
de souveraineté nationale, il en est clairement question, dans l’imaginaire
collectif, dès lors qu’une flottille étrangère s’autorise à « envahir » les eaux
territoriales, pour y exercer la même activité ravageuse qui a entraîné une
raréfaction des ressources halieutiques en Europe.
Bien
plus grave, en s’impliquant dans la pêche au large des côtes sahraouies,
Bruxelles, non contente de faire le jeu de la
dictature marocaine, remise au placard les principes élémentaires qui fondent
sa démocratie, pour s’assimiler, aux yeux des adversaires du Maroc à son
complice, dans le pillage d’un territoire contesté. Ce faisant, elle s’exclue de
facto, de toute chance d’intermédiation future, dans un conflit qui aurait
pourtant grandement besoin de sa neutralité.
Des
légendes douteuses et des réalités cruelles
La
légende hypocrite véhiculée par les promoteurs des accords, voudrait que seuls
les excédents soient soumis aux prises européennes. Pure affabulation, destinée
à faire mentir les études menées par les organisations de protection de la
nature et qui pointent du doigt la raréfaction des espèces et les ravages de la
pêche intensive, menée de concert par des navires battant pavillon marocain,
appartenant à des proches du pouvoir et les bateaux européens.
En
outre, s’il est question de cotas débarqués pour être traitées dans des usines
employant de la main-d’œuvre marocaine, nul protocole ne mentionnera jamais tous
les « sur-cotas » qui échappent à tout contrôle et que s’autorisent les
armateurs « bien nés » ou « bien accompagnés », en toute impunité. Ils sont à
l’origine de la disparition du poisson de nos étals et la mort de la pêche
artisanale.
Enfin,
si certains montent au créneau pour évoquer les quarante (40) millions d’Euros
d’aide européenne mâtinée d’hypocrisie, ils seraient bien inspirés, de
s’interroger si tous ces pays auxquels bénéficient ces accords, seraient prêts à
prendre intégralement en charge, sur leur sol, le destin de ces milliers de
familles de pêcheurs que leur intrusion a largement contribué à ruiner et en
faire des parias dans leur propre pays.
Une
réponse qui coule de source, en ces temps où l’Europe serait plutôt tentée par
les discours protectionnistes, voire xénophobes de tant de ses femmes et hommes
politiques.
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