Par Omar BROUKSY, 19/6/2012
Nichée dans les montagnes du Haut-Atlas, la vaste oasis d'Errachidia, parmi les plus belles du sud marocain, est aujourd'hui menacée par l'exploitation irraisonnée des points d'eau qui lui donnent vie depuis des millénaires.
Une oasis de la région de Ouarzazate, au Maroc
Nichée dans les montagnes du Haut-Atlas, la vaste oasis d'Errachidia, parmi les plus belles du sud marocain, est aujourd'hui menacée par l'exploitation irraisonnée des points d'eau qui lui donnent vie depuis des millénaires.
Elle illustre la question de la gestion de l'eau dans le monde, qui sera l'un des thèmes abordés lors du Sommet sur le développement durable Rio+20, prévu du 20 au 22 juin à Rio de Janeiro, au Brésil.
A quelques encablures d'une route goudronnée qui sillonne l'oasis de Goulmima, près d'Errachidia, un puits jalousement gardé par la famille M'barek alimente en eau le petit champ de maïs via une pompe à eau.
"L'eau a beaucoup baissé. Dieu seul sait pourquoi", regrette sur un ton amer Moha M'barek, un octogénaire né dans l'oasis où il possède un petit terrain agricole.
"J'ai creusé quatre puits avant de trouver l'eau. Autour de moi, les voisins n'ont pas d'eau. Avant, il y en avait partout. C'est la volonté de Dieu", ajoute-t-il, fataliste, les yeux fixés sur un ruisseau qui conduit l'eau du puits vers le champ de maïs.
Anciennement appelée "Ksar Souk", la ville d'Errachidia (200.000 habitants) est le chef-lieu de la province qui porte le même nom. Cette région est connue par la beauté de ses oasis, au milieu des montagnes arides et d'un désert qui s'étend jusqu'au Sahara occidental.
La répartition de l'eau dans l'immense oasis aujourd'hui menacée d'assèchement se faisait via +les khattaras+, un système d'irrigation séculaire assuré par la pratique des tours d'eau, et géré par les habitants selon des rites berbères ancestraux.
Ce système permettait de maintenir un débit d'eau régulier tout au long de l'année.
Mais à partir des années soixante-dix, l'utilisation des pompes à eau par les agriculteurs a conduit à l'assèchement progressif de la nappe phréatique. Et les champs, naguère régulièrement cultivés et verdoyants, ne sont plus que des terrains vagues abandonnés par les habitants de l'oasis.
"Les traces des champs... vous voyez comme ils sont grands. Regardez: un, deux, trois, quatre mètres de largeur. Ils sont grands, donc ça veut dire qu'il y avait beaucoup d'eau", s'indigne Lahcen Kabiri, professeur en géosciences de l'environnement à la faculté d'Errachidia.
désastre écologique
"Les agriculteurs ont peu à peu opté pour des puits individuels, qu'ils ont équipés de pompes à eau... des milliers de forages creusés, et en quelques années la nappe s'est vidée", poursuit l'universitaire en montrant un immense terrain entouré de quelques palmiers à moitié desséchés.
Selon M. Kabiri, cette situation "pourrait évoluer vers une véritable catastrophe écologique compte tenu du rôle des oasis dans la lutte contre la désertification".
"Si la nappe s'épuise, alors tout ce qui est en aval va être dans une situation dramatique. On va se retrouver avec un désastre écologique jamais vu", s'inquiète-t-il.
Habitants et autorités locales prennent de plus en plus conscience des menaces qui pèsent sur cet oasis, parmi les plus vastes du Maroc.
Dans la petite palmeraie d'Izilf au coeur de l'oasis, quelques agriculteurs décident de faire face collectivement à ce problème.
"Nous avons créé une coopérative pour gérer l'eau collectivement. Sinon, tout ce que vous voyez autour de vous n'existerait plus. Il n'y aurait plus rien, tout serait mort, séché", prévient Moha Bousseta, le président de la coopérative d'eau d'Izilf.
Pour les habitants de la région d'Errachidia, pour la plupart des Berbères, la gestion de l'eau est "non seulement un enjeu écologique majeur, mais c'est une question de vie ou de mort", conclut M. Kabiri.
© 2012 AF
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