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vendredi 15 avril 2011

Débat fructueux sur les perspectives du Maroc en mouvement

Deux approches qui se recoupent en certains points mais divergent complètement sur d'autres surtout sur les perspectives du mouvement de lutte en cours.

1ère approche:
Les victoires historiques du Mouvement du 20 février
par Karim Tazi, 15/4/2011
En un peu moins de deux mois le mouvement du 20 Février, porté par une conjoncture arabe et internationale exceptionnelles, a bouleversé la vie politique Marocaine.
Face au mouvement de contestation des jeunes , le pouvoir a fait un grand nombre de concessions qui paraissaient jusque là tout simplement inimaginables, mais il les a faites en gardant la maîtrise du calendrier de façon à ne pas donner l'impression de céder dans la panique face à la rue. Tout cela est de bonne guerre mais il ne faut pas que le caractère espacé dans le temps, plus une actualité quotidienne extrêmement dense, fasse perdre de vue l'importance des victoires remportées par le 20 Février en quelques semaines, et c'est pour cela qu'il peut être bon de les rappeler même brièvement.

Du point de vue politique , et je l'ai répété plusieurs fois dans cette page, la principale victoire du mouvement est la libération de la parole et la chute du mur de la peur chez une partie de l'opinion publique marocaine. Cette libération est le meilleur gage de réussite que l'on puisse offrir à une véritable transition démocratique, car il n'y a pas meilleur contre pouvoir que l'opinion publique elle-même surtout quand elle a grâce à Internet les moyens de faire entendre sa voix sans censure et sans pressions.

Du pont de vue institutionnel, le principal acquis est le discours du 9 mars. Beaucoup de choses ont été dites sur le mode de nomination des membres de la CCRC et sur le calendrier bien trop serré pour les travaux de cette commission mais elles ne doivent pas cacher l'importance de cette victoire. Qelles que soient ses limitations , le prochain "doustour" constituera une avancée considérable pour notre pays.

Même si le vent de liberté que le mouvement a fait souffler sur le Maroc ne semble pas encore avoir eu d'effets bénéfique sur les partis politiques, on ne peut que se réjouir de l'intensité des débats qui ont secoué la plupart d'entre eux et notamment deux des plus importants, l'USFP et le PJD. La démocratie ne se construira pas sans les partis et c'est maintenant vers eux que l'attention et la vigilance de la jeunesse marocaine doit se tourner.

Même constat en ce qui concerne l'information publique. Certes la MAP est encore "soviétique" et le discours des JT encore très convenu, mais on ne peut que se réjouir des débats qui ont été organisés sur les chaînes de la SNRT et sur Medi1.

Le développement de la presse électronique avec des titres comme Lakom, Goud et complétés par le lancement de "Demain" électronique dans lequel Ali Lmrabet écrit de nouveau en son nom sans encombre malgré l'interdiction d'écrire de dix ans prononcée par la justice.

Si des progrès restent à faire, cependant, c'est bien dans ce domaine qu'ils se concentrent maintenant.

Venons en maintenant à des choses plus concrètes. L'ICPC et le Conseil de la concurrence qui avaient jusqu'à présent été, volontairement et assez cyniquement, privés de tous moyens d'agir ont vu leur existence constitutionnalisée, leur autorité renforcée, leur capacité à s'autosaisir enfin reconnue, et leurs moyens matériels et humains considérablement augmentés. Les marocains n'ont que faire d'un transfert de prérogatives vers le gouvernement et les partis si celui-ci ne s'accompagne pas de progrès sensibles dans le domaine de la gouvernance. La lutte contre la corruption et les abus de positions dominantes ne pourra se faire sans un arsenal juridique et institutionnel digne de ce nom. En cela , je considère que l'évolution de la position du pouvoir en ce qui concerne l'ICPC et le CC est avec la libération de la parole, la principale victoire du 20 Février.

Toujours sur le plan de la lutte contre la corruption, de très nombreux dossiers de malversations qui semblaient condamnés à traîner indéfiniment dans les tiroirs ont été transmis à la justice, et des enquêtes en cours sur des délits d'initiés vont très prochainement provoquer beaucoup de remous.

Encore plus concret , des prisonniers politiques dont la détention était tout simplement scandaleuse ont été libérés , et le fait que cette libération ait pris la forme d'une grâce, est un désaveu cinglant pour la parodie de justice qui les avait envoyés derrière les barreaux.

La libération du colonel Kaddour Terhzaz
Et peut-être bientôt la libération de Mohammed Jelmad . Jelmad est un commissire de police de Nadhor qui a mené une lutte courageuse et fructueuse contre les groupes et lobbys de trafic de drogue et qui finit en prison suite à une accusation basée sur une simple coup de téléphone lui proposant un "service: khedma". Il est en prison depuis un an.

Dernier point, qui paraît trivial par rapport aux précédents, mais qui a une importance symbolique très forte, un effort inédit de transparence et de communication a été consenti autour du Festival Mawazine.

Certes, je suis conscient que pour chacune de ces victoires on peut m'opposer une tonne d'objections et nous avons largement débattu un grand nombre d'entre elles sur cette page, mais il faut être soit de mauvaise foi soit exceptionnellement doué pour ne voir que la moitié vide du verre et pour ne pas reconnaître l'importance des victoires accumulées par le 20 Fevrier.

La question qui se pose maintenant est la suivante: que faire de ces victoires?
Tout d'abord les revendiquer officiellement et s'en féliciter, ensuite, prendre conscience du fait qu'au fur et à mesure que les matchs les plus faciles ont été gagnés, il faut s'adapter aux matchs les plus difficiles et, d'une façon générale à la suite du championnat. Pour cela, le mouvement doit éviter de s'engager dans des batailles inutiles ou impossibles à gagner, ensuite réussir sa mutation d'une force de protestation vers une force de proposition ce qui ne se fera pas sans un minimum de structuration. Enfin, il doit se préparer à jouer un rôle de premier plan dans la prochaine échéance majeure QUI N'EST PAS le référendum , mais bien les législatives de 2012.

2ème approche:
Réponse à l’article de Karim Tazi sur « Les victoires historiques du Mouvement du 20 Février » 
Par Mohamed Oubenal, vendredi 15 avril 2011, 13:24
Avant de répondre à Karim Tazi je voudrais au préalable dire que je ne m’oppose pas au fait qu’il exprime son point de vue. La liberté d'expression devrait devenir un acquis dans notre pays. Cela ne m'empêche pas de vouloir exprimer mes divergences de points de vue avec les positions exprimées dans son article intitulé : « Les victoires historiques du Mouvement du 20 Fevrier » (cet article est disponible sur la page facebook de l'auteur). D'ailleurs, l'unité du mouvement ne peut pas empêcher que chacun exprime ses points de vue et les confronte à ceux des autres. C'est à partir de cette confrontation qu'un mouvement se développe, se construit et évolue. Ceci étant dit, j'interviens à présent sur le fond : de l’article. Karim Tazi déclare : " Cette libération [de la parole et la chute du mur de la peur] est le meilleur gage de réussite que l'on puisse offrir à une véritable transition démocratique, car il n'y a pas meilleur contre pouvoir que l'opinion publique elle-même surtout quand elle a grâce à Internet les moyens de faire entendre sa voix sans censure et sans pressions." Je pense personnellement que la parenthèse peut se refermer à n'importe quel moment et tant que l'on n'a pas institutionnalisé cette libération de la parole aucune garantie n'est faite. Je rappelle, à titre d’exemple, la parenthèse qui a été vite refermé après l'alternance. Ceci m'amène au second point présenté par l'auteur lorsqu’il considère que "Du pont de vue institutionnel, le principal acquis est le discours du 9 mars." Le problème c'est qu'au niveau de la forme et du fond ce discours ne rompt en rien avec le Makhzen et là je renvoie à ce lien : http://24.mamfakinch.com/feb20-relecture-du-discours-dun-roi

Karim Tazi continue son analyse en expliquant que "Quelles que soient ses limitations , le prochain "doustour" constituera une avancée considérable pour notre pays." j'espère que nous allons enfin tirer les leçons de l'histoire de notre pays parce que si trois rois se sont succédés dans notre pays, il n'en demeure pas moins que le même régime makhzenien, modernisé et revitalisé par le protectorat français, demeure. Il faudrait ainsi rappeler que l'on parlait déjà d'un discours historique de mohamed 5 à la veille de l'indépendance qui évoquait une assemblée constituante, tout en restant évasif sur son mode de désignation, ce qui n'a pas empêché le régime de faire passer un "Doustour" rétrograde. Cet article est très instructif sur l'expérience constitutionnelle marocain :/http://www.mamfakinch.com/petit-retour-sur-lexperience-marocaine-de-revision-constitutionnelle/

Là où je diverge complètement avec Karim Tazi c'est lorsqu'il passe du constat qu'il y a des avancées arrachées par la lutte du mouvement du 20 février et des organisations qui le soutiennent vers l'analyse des pas à faire maintenant. Il souligne que : "au fur et à mesure que les matchs les plus faciles ont été gagnés, il faut s'adapter aux matchs les plus difficiles et, d'une façon générale à la suite du championnat. Pour cela, le mouvement doit éviter de s'engager dans des batailles inutiles ou impossibles à gagner, ensuite réussir sa mutation d'une force de protestation vers une force de proposition ce qui ne se fera pas sans un minimum de structuration. Enfin, il doit se préparer à jouer un rôle de premier plan dans la prochaine échéance majeure QUI N'EST PAS le référendum , mais bien les législatives de 2012."

Il déclare qu'il "faut s'adapter" aux matchs difficiles et explique qu'il faut éviter de s'engager dans "des batailles inutiles ou impossibles à gagner". Est-ce qu'il faut comprendre par là que la lutte pour une assemblée constituante élue par le peuple est impossible à atteindre et qu'il faut se contenter de la commission nommée en essayant de faire pression pour arracher le mieux que l'on puisse avoir ? Mais ce qui est plus grave c'est la dernière ligne ou, non seulement, l'auteur évite de s'inscrire dans un rapport de force sur la question constitutionnelle (référendum) mais il voudrait déplacer les regards vers les échéances des législatives. Là il retombe dans le schéma classique de daba 2007.

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