Khadija Ryadi, présidente de l’AMDH brosse un tableau presque sombre de la situation des droits de l’Homme au Maroc, taxant le CCDH d’être juste un défenseur de la politique officielle de l’Etat. Pour elle, la première revendication de son association, c’est que l’Etat doit d’abord respecter les conventions internationales relatives aux droits humains.
Al Bayane : Quelle évaluation faites-vous de la situation des droits de l’Homme au Maroc, notamment les actions entreprises par les institutions officielles, tel le CCDH ?
Khadija Ryadi : l’AMDH a toujours refusé d’être représenté au sein du CCDH. Et pour cause, nous considérons que cette instance n’est nullement dotée des normes et de fondements conformes à la culture des droits de l’Homme. Pis !
Cette institution s’est transformée ces dernières années en un porte-parole de l’Etat, donnant un blanc-seing aux diverses actions de violation des droits de l’Homme. On peut également avancer, qu’elle est devenue l’un des défenseurs de la politique officielle de l’Etat.
Vous avez récemment publié un rapport de l’année 2009 et du début de l’année 2010 où vous évoquez plusieurs échecs en matière des droits de l’Homme, pouvez-vous nous éclairer encore plus ?
Notre première revendication c’est que l’Etat doit d’abord respecter les conventions internationales qu’il a signées et relatives aux droits humains. Nous avons en outre relevé divers dépassements, voire une régression : des procès iniques, enlèvements, tortures, conditions désastreuses dans les prisons, entre autres. Je fais allusion à titre d’exemple à Chakib El Khiyari.
Dans cette optique, je souligne que le procès de ce qu’on appelle « l’affaire Belliraj » constitue une mascarade. Nous avons la ferme conviction que les 6 détenus ont été jugés à cause de leurs convictions politiques.
Idem pour les dossiers du terrorisme. La majorité des détenus ont été jugés sans qu’on retienne contre eux des preuves d’accusation.
Comment considérez –vous l’appel du CCDH de donner de l’importance à une nouvelle génération des droits économiques et sociaux, sachant que plusieurs voix s’élèvent encore, indiquant que les droits fondamentaux, politiques et civiques n’ont pas encore eu la place qu’ils méritent ?
D’abord, je dois souligner que les droits de l’Homme sont UN.
Toute distinction entre les droits socio-économiques et les droits civiques et politiques serait absurde. Il n’en demeure pas moins que le Maroc a réalisé des avancées en matière des droits civiques, contrairement aux droits socio-économiques. Personne ne peut nier aujourd’hui que l’indicateur du développement humain est en dégringolade, suite aux choix de l’Etat depuis les années 80. L’accès à la santé n’est plus gratuit aujourd’hui. Au sein de l’AMDH on a enregistré plusieurs cas de décès dans les villes de Casablanca, Rabat, et El Jadida. (Cas de Khadija Lahdichi : Hôpital de Rabat). Le Maroc enregistre également l’un des taux les plus élevés concernant les naissances : 270 cas de décès sur 100 mille accouchements). Dans le domaine de l’emploi, n’en parlons plus. Seulement 15% des employeurs respectent le code du travail.
Comment évaluez-vous la relation entre le politique et les droits humains, surtout après les événements qu’a connus votre dernier congrès ?
Je dois mentionner que l’association a été toujours accusé d’être une section du parti Attaliâa, et ce depuis les années 80. Actuellement, il y a une reconnaissance internationale que nous sommes une organisation indépendante. S’agissant du dernier congrès, certains opportunistes ont voulu pêcher en eau trouble. On nous a accusé d’avoir reçu une délégation du polisario, et l’appui de l’autodétermination. Ce qui est archi-faux. Notre attitude n’a pas changé. Le pire, c’est que certains journalistes n’ont même pas pris le soin de lire le communiqué final.
Il est certain que d’autres voient en nous une association qui s’adonne à la politique. Ce qui est tout à fait normal. En l’absence des positions claires prises par les autres acteurs envers la politique de l’Etat en matière des droits humains, toute action entreprise par nous est vue d’un mauvais œil.
Avez-vous des propositions concrètes pour donner une nouvelle dynamique à la défense des droits de l’homme avec les autres acteurs ?
A mon avis, la Constitution actuelle demeure un handicap de taille pour donner un coup de pouce aux droits de l’Homme et instaurer par conséquent l’Etat de droit. Nous appelons à la mise en place d’une Constitution démocratique, où il y aurait une nette séparation entre l’Etat et la religion.
Nous plaidons en outre pour une véritable séparation entre les pouvoirs. Aussi, la justice doit-elle être reconnue constitutionnellement en tant que pouvoir. A cela s’ajoute la problématique de la langue. Nous demandons que l’amazighité soit incluse dans la Constitution en tant que langue officielle… Bref, notre action s’inscrit dans le référentiel international des droits de l’Homme.
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