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vendredi 6 janvier 2017

Assister des migrants en danger de mort est-il condamnable?



Le 23 novembre 2016, Pierre-Alain Mannoni était convoqué au tribunal de Nice, tout comme Cédric Herrou. L’Etat français leur reprochait d’avoir secouru des migrant.e.s en situation irrégulière. Compte-rendu dessiné de l’audience, devant le tribunal... Par Ben et Mo de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers de la Cimade-Marseille. 



    1. ON EST TOUS DES PASSEURS !
      Nous, nous arrivons vers 13 h. La place du palais de justice est bondée, et nous saluons quelques connaissances. On se fait sa place dans cette foule compacte qui mêle des gens du coin, des journalistes caméra à la main, et d’autres comme nous venus de plus loin. Quand on essaie de rentrer dans le palais de justice, des policiers  nous barrent l’entrée : « la salle est déjà pleine ».
      Une salle de 40 places, contre des centaines de personnes déterminées à soutenir les deux inculpés.
      13h30 : Cédric Herrou et Pierre-Alain Mannoni traversent la foule, applaudis et acclamés. Ces deux citoyens sont devenus malgré eux un symbole de solidarité par le geste qu’ils ont accompli. Un geste humain et banal, presque évident. Un geste aujourd’hui criminalisé, mais qui en d’autres temps aurait juste été considéré comme relevant de l’entraide et des lois de l’hospitalité...
      Mis à part les journalistes qui présentent leur carte de presse aux policiers postés à l’entrée, tout le monde est refoulé, « il faut dégager l’escalier par mesure de sécurité ». Des renforts policiers arrivent pour faire reculer les gens. Le commandant qui les dirige annonce : « Ne vous inquiétez pas, Pierre-Alain n’est pas près de passer. » Il donne le ton de la journée : les premières rumeurs disent qu’il faudra attendre 17h pour le début de son procès.

    2. DEHORS, LE LIEN SE CRÉE DANS L’ESPACE PUBLIC
      Pour une majorité de personnes, c’est une stratégie évidente pour démobiliser les soutiens.
      Si c’est le cas, on peut dire que c’est raté. Toute l’après-midi, les groupes se mélangeront, les personnes parleront, partageront leur indignation, échangeront des informations, construiront des liens.
      Le matin-même, la radio nous annonçait qu’un jeune migrant était mort noyé et qu’un autre était porté disparu.
      Alors qu’ils dormaient sous le pont de la «Via Europa» à Vintimille, ils ont été emportés par les eaux de la Roya en crue.

      Lorsque Cédric sort, on apprend que son procès est reporté au 4 janvier.

    3. ET POUR TOI, C'EST QUOI LA RÉPUBLIQUE ?
      Devant l’emblème de la République Française, les taquineries vont bon train entre les policiers-gardiens et tous ceux qui négocient et insistent pour pouvoir rentrer. «Attendez, mais il me semble pourtant que c’est un procès public, non?» «En fait c’est un procès politique qui se fait sans le peuple! », «Hé mais moi aussi je suis journaliste, M’sieur l’agent !» ... 
      « On ne bougera pas même si il faut rester toute la nuit.
      - Nous non plus on ne bouge pas.
      - Mais vous vous êtes payés c’est votre boulot.
      - Et alors, vous aussi vous êtes payés non ? ça rémunère les convictions !

      - Justement, à propos de convictions, comment vous pouvez défendre un système pareil ? »
    4. LE CRAQUAGE
      18 heures. Le procès de Pierre-Alain n’a pas encore commencé. On nous parle de 20 h maintenant. On est toujours massé devant les portes et chacun s’occupe comme il peut. En quelques heures, on s’est approprié la place ; elle nous est maintenant familière.
      Un petit brin de folie se diffuse. Quelques personnages hauts en couleur mettent l’ambiance.

      On chante « l’Auvergnat» de Brassens, des chants révolutionnaires italiens.

    5. FAUX DÉNOUEMENT
      Vers 21h30, un SMS filtre à l’extérieur. Un certain émoi se propage.
      Alors que l’avocate a demandé la relaxe, le procureur a requis 6 mois d’emprisonnement avec sursis.
      La décision de la juge ne sera rendue qu’en janvier.
      Si cette peine est retenue, doit-on comprendre qu’en France, assister des personnes en danger peut mener en prison ?
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    Et si en signe de protestation, nous hébergions tous un réfugié en danger ? L'état nous condamnerait-il tous ??? Ou serait-il obligé de changer de politique ?
    Si nous laissons mourir la solidarité, c'est notre humanité qui meurt.

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