Le Maroc officiellement condamné pour torture: quel
procès équitable (après avoir cassé le précédent le 27 juillet dernier)
pourrait-il bien ouvrir ce 26 décembre contre les prisonniers politiques
sahraouis du groupe de Gdeim Izik ?
Les dates ne sont pas anodines: fixer un procès au 26
décembre, quand on sait que les observateurs occidentaux et
latino-américains seront dans leur grande majorité occupés à boucler les
fêtes de Noël en famille, cela ressemble à une petite fuite en avant.
Mais ce 12 décembre, il y a une autre coïncidence, qui joue plutôt dans
le sens inverse : celui de la confrontation au réel. A 15 jours du même
procès annoncé, le Comité contre la torture de l'ONU a condamné le Maroc
dans le cadre de la plainte de Naâma Asfari: pour torture, pour aveux
extorqués sous la torture, et pour non vérification de ses allégations
de torture...
Amis de la République Sahraouie vient de publier un message sur Facebook à ce propos, je partage :
Le Comité contre la torture de l'ONU condamne le Maroc, alors que le procès en appel des 24 accusés sahraouis du groupe de Gdeim Izik devrait s'ouvrir le 26 décembre à Rabat
Ce 12 décembre, le Comité contre la torture (CAT) des Nations Unies a rendu sa décision sur la plainte pour tortures de Naâma Asfari, l'un des prisonniers politiques sahraouis du groupe dit de Gdeim Izik, incarcéré depuis plus de 6 ans et condamné par un tribunal militaire en février 2013 à 30 années de prison.
Cette décision est sans appel : « Le Comité considère que les sévices physiques et les blessures subis par le requérant pendant son arrestation, interrogation et détention sont, tels que présentés, constitutifs de torture.»
« Le Comité note que la Cour [le tribunal militaire marocain] n'a pas pris en considération les allégations de torture au moment de condamner le requérant sur la base de ses aveux, niant que ces allégations avaient été présentées au cours de la procédure. Le Comité considère que l'État partie [le Maroc] était dans l'obligation de vérifier le contenu des allégations de l'auteur. En ne procédant à aucune vérification […], l'État partie a manifestement violé ses obligations au regard de l'article 15 de la Convention. » Or, ce sont bien les déclarations qu'il a signées sous la torture qui ont servi de fondement à l'accusation contre Naâma Asfari et de justification pour son maintien en détention durant plus de six ans…
Sans ces aveux, il n'y avait aucun moyen de preuve pour le condamner.
La condamnation du Maroc pour torture dans le cadre de cette plainte est très importante car, au-delà de Naâma Asfari, ce sont les 23 autres condamnés du procès militaire de 2013 qui ont fait état d'aveux signés sous la torture, et pour eux non plus, bien sûr, il n'y a pas eu d'enquête sur leurs allégations. Pour eux non plus, il n'y a pas eu davantage de moyens de preuve pour les condamner.
Le procès en appel qui devrait s'ouvrir le 26 décembre devant la Cour civile de Rabat, suite à la cassation annoncée le 27 juillet dernier du procès de 2013, le sera donc sous haute surveillance du Comité contre la torture, qui exige des autorités marocaines qu'elles initient une enquête approfondie et impartiale sur les allégations de Naâma Asfari « dans le but de poursuivre en justice les personnes responsables du traitement infligé à la victime », et qu'elles s'abstiennent de « tout acte de pression, d'intimidation ou de représailles susceptibles de nuire à l'intégrité physique et morale du plaignant et de sa famille ». C'est dire si le CAT est prévenu contre les autorités marocaines !
Le procès qui devrait s'ouvrir le 26 décembre le sera aussi sous haute surveillance du monde judiciaire international et des organismes de défense des droits de l'homme.
En effet, d'une part, le procès de 2013 a été reconnu inéquitable par de nombreux observateurs et ONG, tels Amnesty International, la FIDH ou Human Rights Watch, car il a été marqué par le refus d'entendre les témoins cités par la défense et d'ordonner une expertise médico-légale concernant les allégations de torture, et parce que les noms des victimes que les accusés étaient présumés avoir tuées n'ont même pas été mentionnés à l'audience, qu'il n'y a eu par ailleurs aucune autopsie de leurs corps.
D'autre part, il est désormais bien établi que le territoire du Sahara occidental – où ont eu lieu les faits qui sont reprochés aux condamnés de 2013, à savoir le meurtre de 11 militaires et policiers marocains lors du démantèlement par la force du camp de protestation pacifique de Gdeim Izik, le 8 novembre 2010 – est un territoire non autonome, à la décolonisation inachevée, dont le peuple doit pouvoir disposer de lui-même.
Le Maroc, qui l'a annexé aux trois quarts par la force à partir de 1975, y est une puissance occupante de fait, certainement pas une puissance souveraine comme il le prétend, ni même une puissance « administrante de facto », car il ne rend aucun compte à l'ONU qui a la responsabilité finale du sort du territoire.
À ce titre, le Sahara occidental occupé par le Maroc relève du droit international humanitaire (DIH), qui protège ses habitants dans le cadre des Conventions de Genève auxquelles le Maroc a souscrit. Le droit international humanitaire impose à la puissance occupante de tenir les éventuels procès en matière pénale dans le territoire occupé, et de ne pas mettre en prison les inculpés hors de ce territoire. Le procès en appel des prisonniers de Gdeim Izik devant la Cour de Rabat est donc tout-à-fait illégal, et les prisonniers doivent être retransférés au Sahara occidental, à proximité de leurs familles.
Surtout, le DIH est un droit protecteur, qui impose des procès équitables, dénonçant par évidence le recours à la torture, aux mauvais traitements et à la détention arbitraire. Toutes choses dont le Maroc devra tenir compte, à l'heure où le Comité contre la torture vient de le condamner.
L'ACAT (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) a mené, avec succès, la plainte de Naâma Asfari devant le Comité contre la torture de l'ONU. Elle publie sur son site les dernières nouvelles concernant la décision du Comité et l'annonce du procès de Rabat contre les prisonniers de Gdeim Izik (voir http://www.acatfrance.fr/…/nouveau-proces-pour-les-prisonni…).
Dans ce dernier communiqué, l'ACAT propose une lettre à envoyer à Madame Federica Mogherini, Haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, afin qu'elle agisse auprès du Maroc dans le cadre de l'engagement de l'UE à promouvoir le droit international humanitaire. Soyons nombreux à la signer et à lui envoyer.
Source : Newsletter AARASD - Sahara Info n°104
Amis de la République Sahraouie vient de publier un message sur Facebook à ce propos, je partage :
Le Comité contre la torture de l'ONU condamne le Maroc, alors que le procès en appel des 24 accusés sahraouis du groupe de Gdeim Izik devrait s'ouvrir le 26 décembre à Rabat
Ce 12 décembre, le Comité contre la torture (CAT) des Nations Unies a rendu sa décision sur la plainte pour tortures de Naâma Asfari, l'un des prisonniers politiques sahraouis du groupe dit de Gdeim Izik, incarcéré depuis plus de 6 ans et condamné par un tribunal militaire en février 2013 à 30 années de prison.
Cette décision est sans appel : « Le Comité considère que les sévices physiques et les blessures subis par le requérant pendant son arrestation, interrogation et détention sont, tels que présentés, constitutifs de torture.»
« Le Comité note que la Cour [le tribunal militaire marocain] n'a pas pris en considération les allégations de torture au moment de condamner le requérant sur la base de ses aveux, niant que ces allégations avaient été présentées au cours de la procédure. Le Comité considère que l'État partie [le Maroc] était dans l'obligation de vérifier le contenu des allégations de l'auteur. En ne procédant à aucune vérification […], l'État partie a manifestement violé ses obligations au regard de l'article 15 de la Convention. » Or, ce sont bien les déclarations qu'il a signées sous la torture qui ont servi de fondement à l'accusation contre Naâma Asfari et de justification pour son maintien en détention durant plus de six ans…
Sans ces aveux, il n'y avait aucun moyen de preuve pour le condamner.
La condamnation du Maroc pour torture dans le cadre de cette plainte est très importante car, au-delà de Naâma Asfari, ce sont les 23 autres condamnés du procès militaire de 2013 qui ont fait état d'aveux signés sous la torture, et pour eux non plus, bien sûr, il n'y a pas eu d'enquête sur leurs allégations. Pour eux non plus, il n'y a pas eu davantage de moyens de preuve pour les condamner.
Le procès en appel qui devrait s'ouvrir le 26 décembre devant la Cour civile de Rabat, suite à la cassation annoncée le 27 juillet dernier du procès de 2013, le sera donc sous haute surveillance du Comité contre la torture, qui exige des autorités marocaines qu'elles initient une enquête approfondie et impartiale sur les allégations de Naâma Asfari « dans le but de poursuivre en justice les personnes responsables du traitement infligé à la victime », et qu'elles s'abstiennent de « tout acte de pression, d'intimidation ou de représailles susceptibles de nuire à l'intégrité physique et morale du plaignant et de sa famille ». C'est dire si le CAT est prévenu contre les autorités marocaines !
Le procès qui devrait s'ouvrir le 26 décembre le sera aussi sous haute surveillance du monde judiciaire international et des organismes de défense des droits de l'homme.
En effet, d'une part, le procès de 2013 a été reconnu inéquitable par de nombreux observateurs et ONG, tels Amnesty International, la FIDH ou Human Rights Watch, car il a été marqué par le refus d'entendre les témoins cités par la défense et d'ordonner une expertise médico-légale concernant les allégations de torture, et parce que les noms des victimes que les accusés étaient présumés avoir tuées n'ont même pas été mentionnés à l'audience, qu'il n'y a eu par ailleurs aucune autopsie de leurs corps.
D'autre part, il est désormais bien établi que le territoire du Sahara occidental – où ont eu lieu les faits qui sont reprochés aux condamnés de 2013, à savoir le meurtre de 11 militaires et policiers marocains lors du démantèlement par la force du camp de protestation pacifique de Gdeim Izik, le 8 novembre 2010 – est un territoire non autonome, à la décolonisation inachevée, dont le peuple doit pouvoir disposer de lui-même.
Le Maroc, qui l'a annexé aux trois quarts par la force à partir de 1975, y est une puissance occupante de fait, certainement pas une puissance souveraine comme il le prétend, ni même une puissance « administrante de facto », car il ne rend aucun compte à l'ONU qui a la responsabilité finale du sort du territoire.
À ce titre, le Sahara occidental occupé par le Maroc relève du droit international humanitaire (DIH), qui protège ses habitants dans le cadre des Conventions de Genève auxquelles le Maroc a souscrit. Le droit international humanitaire impose à la puissance occupante de tenir les éventuels procès en matière pénale dans le territoire occupé, et de ne pas mettre en prison les inculpés hors de ce territoire. Le procès en appel des prisonniers de Gdeim Izik devant la Cour de Rabat est donc tout-à-fait illégal, et les prisonniers doivent être retransférés au Sahara occidental, à proximité de leurs familles.
Surtout, le DIH est un droit protecteur, qui impose des procès équitables, dénonçant par évidence le recours à la torture, aux mauvais traitements et à la détention arbitraire. Toutes choses dont le Maroc devra tenir compte, à l'heure où le Comité contre la torture vient de le condamner.
L'ACAT (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture) a mené, avec succès, la plainte de Naâma Asfari devant le Comité contre la torture de l'ONU. Elle publie sur son site les dernières nouvelles concernant la décision du Comité et l'annonce du procès de Rabat contre les prisonniers de Gdeim Izik (voir http://www.acatfrance.fr/…/nouveau-proces-pour-les-prisonni…).
Dans ce dernier communiqué, l'ACAT propose une lettre à envoyer à Madame Federica Mogherini, Haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, afin qu'elle agisse auprès du Maroc dans le cadre de l'engagement de l'UE à promouvoir le droit international humanitaire. Soyons nombreux à la signer et à lui envoyer.
Source : Newsletter AARASD - Sahara Info n°104
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