13 juin 2016 : Question parlementaire de la députée Ecolo Hélène Ryckmans à Rudy Demotte sur la situation d’Ali Aarrass
Question et réponse parus dans le compte-rendu des débats parlementaires du 13 juin 2016
CRIc No116-RI16 (2015-2016)
( 6 )
2.2 Question de Mme Hélène Ryckmans à M. Rudy Demotte, ministre-président, intitulée «Situation d’Ali Aarrass au Maroc»
Mme Hélène Ryckmans (Ecolo). – Vous
connaissez la situation d’Ali Aarrass, ce Belgomarocain condamné à
douze ans de prison ferme au Maroc, sur la base d’aveux obtenus sous la
torture.
Sa situation est emblématique. Amnesty international en a d’ailleurs
fait le visage de sa campagne contre la torture. En Belgique, le comité
de soutien à Ali Aarrass demande sa libération et l’intervention des
Affaires étrangères belges en sa faveur. Ces deux revendications sont
également soutenues par le MRAX et la Ligue des droits de l’homme.
En février 2014, l’État belge a été astreint, par une ordonnance du
Tribunal de première instance, à assurer une assistance consulaire, en
attendant le procès en cassation. L’État belge a en effet introduit un
pourvoi en cassation au motif de la convention de La Haye. Cette
assistance consulaire n’a jamais été accordée à Ali Aarrass. La Belgique
la lui avait refusée, en raison de sa double nationalité
belgo-marocaine.
Sommées par la Cour d’appel de Bruxelles de s’exécuter en septembre
2014, les autorités belges ont demandé à plusieurs reprises aux
autorités marocaines de leur accorder le droit de lui rendre visite,
mais affirment qu’elles n’ont toujours pas reçu de réponse. Dans le même
temps, les autorités belges ont formé un recours auprès de la Cour de
cassation belge contre le jugement de la Cour d’appel.
En octobre 2015, Ali Aarrass a mené une longue grève de la faim pour
tenter de faire cesser les mauvais traitements dont il est victime. Si,
officiellement, le Maroc ne pratique pas la torture, Ali Aarrass a bien
été torturé. Il est maintenu en détention malgré les appels de l’ONU
pour sa libération immédiate. Amnesty International a encore rappelé ces
éléments fin mai dernier.
La situation de ce ressortissant belgomarocain a-t-elle déjà été
évoquée lors de rencontres ou d’échanges avec les autorités du Maroc? Si
le dossier est du ressort du ministre des Affaires étrangères, je
précise toutefois que le Maroc est un pays partenaire de la Fédération
Wallonie-Bruxelles avec qui elle entretient des rapports suivis,
notamment via WallonieBruxelles International (WBI). Un programme
indicatif de coopération (PIC) a été signé en avril 2015. La délégation
de WBI sur place a-t-elle effectué la moindre démarche, ne fût-ce
qu’humanitaire, en faveur d’Ali Aarrass? Sinon, n’est-il pas possible et
nécessaire de le faire?
Qu’a fait ou que pourrait faire l’Organisation internationale de la
Francophonie (OIF)? À l’occasion du rapport présenté par M. Wahl à notre
Parlement, nous avons évoqué le rôle de l’OIF sur la scène
internationale. Les nombreuses relations avec le Maroc sont-elles mises à
profit pour aborder le dossier d’Ali Aarrass et tenter d’obtenir sa
libération? Si oui, quels résultats le ministre-président a-t-il
obtenus? Sinon, est-il disposé à agir?
Le ministre-président est-il intervenu ou serait-il prêt à agir dans
les meilleurs délais auprès du ministre des Affaires étrangères pour
qu’une solution humanitaire soit recherchée afin d’assurer la libération
et la survie d’Ali Aarrass?
Avec ce dossier, ce qui est en cause, c’est aussi le message envoyé
aux personnes ayant la double nationalité, notamment aux Belgomarocains.
En effet, ces derniers acquièrent automatiquement la nationalité
marocaine par filiation. Il est donc important de les rassurer. La
protection consulaire fait partie des obligations de tout État de droit.
Quelles sont les initiatives du ministreprésident à ce sujet?
Mme Isabelle Simonis, ministre de l’Enseignement de promotion sociale, de la Jeunesse, des Droits des femmes et de l’Égalité des chances.
– Je précise que le suivi de cette situation incombe en premier lieu à
l’autorité consulaire belge à Casablanca. La justice a condamné l’État
belge et lui impose des visites hebdomadaires au prisonnier. Le consulat
de Belgique à Casablanca s’est pourtant toujours vu refuser l’accès par
les autorités marocaines. M. Aarrass dispose de deux avocats belges qui
sont actuellement au Maroc. L’un d’eux, autorisé à lui rendre visite,
n’a pas pu le faire. M. Aarrass n’aurait pas accepté une proposition de
ses avocats de traiter le dossier sans évoquer la torture.
La délégation WBI suit de près la situation des droits de l’homme au Maroc, notamment celle de M. Aarrass.
Amnesty International et plusieurs comités
de soutien à Ali Aarrass continuent de demander la traduction dans
les faits de la décision prise en août 2013 par le groupe de travail des
Nations Unies sur la détention arbitraire, décision qui appelle à
libérer immédiatement M. Aarrass et à lui accorder des réparations
satisfaisantes.
Des sources proches de la famille, il apparaît qu’Ali Aarrass ne
subit plus de maltraitances physiques, mais plutôt des intimidations
psychologiques de la part de la direction et du personnel de
l’établissement pénitentiaire.
De son côté, le ministre des Affaires étrangères — le Fédéral étant
seul compétent sur ces questions — est bien conscient de la dimension
humanitaire de ce dossier et a déjà écrit à son homologue marocain à ce
sujet.
Mme Hélène Ryckmans (Ecolo). – Je prends acte que le ministre-président n’a pas répondu en ce qui concerne l’OIF.
Par ailleurs, le fait que le Maroc suive les résultats du groupe de
travail de l’ONU constituerait un point important lors des contacts avec
ces autorités.
Il est certes important de trouver une solution à cet égard, mais je
rappelle que les autorités belges ont introduit un recours auprès de la
Cour de cassation belge contre le jugement.
La situation n’est pas simple, mais nous devons trouver, à très court terme, une solution pour ce ressortissant belgo-marocain.
CRIc No116-RI16 (2015-2016)