Analyse
C’est une des surprises diplomatiques dont Mohammed VI cultive le secret. La fin d’un « Afrexit » qui aura duré près de 32 ans. Le royaume prépare activement son « retour » au sein de l’Union Africaine (UA). Après avoir quitté l’Organisation de l’unité africaine - OUA, ancêtre de l’UA - en novembre 1984, ce serait la fin d’une bouderie royale décidée par Hassan II.
Le Maroc s’était retiré deux ans après l’admission de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) par l’OUA. « Le retrait de l’OUA était une erreur commise sous Hassan II et dont le Maroc continue de payer le prix », confiait récemment au Monde un bon connaisseur de la diplomatie chérifienne.
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L’annonce de ce revirement de la diplomatie marocaine pourrait avoir
lieu lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement prévu les 17 et
18 juillet, à Kigali. Concrètement, le Maroc « déposerait sa candidature pour rejoindre l’UA, en réponse à l’appel amical de plusieurs pays africains. Le sommet de Kigali sera le point de départ de la procédure », affirme une source autorisée. De son côté, le porte-parole du gouvernement marocain a déclaré, le 14 juillet, qu’« aucune décision n’a été prise » à ce sujet.De nombreux indices accréditent pourtant une effervescence diplomatique, côté marocain. Depuis le 1er juillet, le ministre marocain des Affaires étrangères a multiplié les visites sur le continent. Après avoir été reçu par les présidents sénégalais Macky Sall et ivoirien Alassane Ouattara - deux chefs d’Etats amis du Maroc - Salaheddine Mezouar s’est également rendu au Cameroun, où il a aussi remis un message de Mohammed VI au président Paul Biya. Le ministre des affaires étrangères a poursuivi son périple par des étapes au Caire et à Khartoum, à Addis Abeba et à Tunis.
Effet Kagamé
La rumeur d’un « coup diplomatique » à Kigali a fuité par le quotidien marocain Akhbar Alyaoum qui évoque “une décision courageuse”. Selon le360.ma, un site d’information proche du palais, Mohammed VI s’apprête à visiter Kigali, dès le vendredi 15 juillet, à la veille du sommet des chefs d’Etats et de gouvernements qui clôt traditionnellement les conclaves de l’UA. Le roi du Maroc avait accueilli les 20 et 21 juin derniers, Paul Kagamé.Cette visite officielle du président rwandais au Maroc aura permis aux deux chefs d’Etat de se rencontrer pour la première fois. Signe supplémentaire de récents préparatifs, le président Kagamé a reçu, le 6 juillet, la visite des deux plus hauts responsables sécuritaires marocains : Abdellatif Hammouchi et Yassine Mansouri. Le premier est patron de la police et du contre-espionnage, le second dirige les renseignements extérieurs.
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L’enjeu de ce « retour » au sein de l’Union africaine est bien sûr
lié à la question du Sahara occidental. Le Maroc revendique ce
territoire qui fait l’objet d’un contentieux avec le Front Polisario, un
mouvement indépendantiste appuyé par des Etats africains parmi les plus
importants : Algérie, Afrique du Sud, Nigeria, notamment. Or, depuis 1984, la politique
de la chaise vide marocaine n’a pas infléchi l’organisation
panafricaine. Bien au contraire, puisque la sympathie pour les
mouvements de libération nationale n’a pas pu être contrebalancée par le lobbying chérifien.Départ de Mme Zuma
Depuis des années, des « pays amis » lançaient des appels publics aux autorités marocaines afin de « réintégrer » l’organisation africaine. En plus des alliés traditionnels ouest-africains (Sénégal, Guinée, Côte d’Ivoire), il s’agit aussi du Gabon ou du Congo.Des médiations plus discrètes ont tenté de rapprocher les points de vue du Maroc, qui exigeait le gel préalable de la reconnaissance de la RASD par l’organisation panafricaine, laquelle revendique dans ses statuts le droit à l’autodétermination. Récemment, Mo Ibrahim le milliardaire anglo-soudanais avait tenté d’organiser une rencontre entre la présidente de la Commission Nkosanzana Dlamini-Zuma et l’entourage royal. Sans succès.
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Le coup de poker marocain s’enclenche au moment, où la Sud-Africaine
quitte la présidence de la Commission, tandis que la présidence de l’UA
est exercée depuis janvier 2016 par le chef de l’Etat tchadien Idriss
Déby Itno. Les autorités marocaines souhaitent éviter que Mme Zuma soit remplacée par un diplomate algérien.Après Ramtane Lamamra, actuel ministre algérien des Affaires étrangères, c’est Smaïl Chergui qui a été désigné, en 2013, à la tête du Conseil de la paix et la sécurité (CPS). Le 27 mars 2015, cet organe votait une résolution recommandant le « boycott des produits des compagnies impliquées dans l’exploitation illégale des ressources naturelles au Sahara Occidental ». A Rabat, cette résolution a sonné le glas de la politique de la chaise vide.
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