Par Zine Cherfaoui, 19/12/2015
Claude Mangin-Asfari. Représentante de la Plateforme française de solidarité avec le peuple sahraoui au congrès du Front Polisario
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Engagée depuis longtemps dans la défense de la cause sahraouie en France, Claude Mangin-Asfari évoque les raisons pour lesquelles la France officielle continue de soutenir aveuglément l’entreprise coloniale marocaine au Sahara occidental.
- Quel message venez-vous transmettre aux Sahraouis à l’occasion de la tenue des travaux du 14e congrès du Front Polisario ?
Nous aimerions qu’il y ait une présence politique plus importante du
Polisario en France pour contrebalancer l’influence permanente et
quotidienne du Maroc et de ses services. Les associations sahraouies de
France travaillent. Il y a des associations de femmes, de jeunes, de
sportifs et d’artistes qui se mobilisent. Toutefois, les autorités
politiques de la République arabe sahraouie démocratique ne sont pas
suffisamment actives, cela alors que le pays est complètement acquis au
Maroc comme nous pouvons le constater chaque jour.
- La France est le seul pays membre du Conseil de sécurité
de l’ONU à faire encore obstacle frontalement à un règlement du conflit
sahraoui conformément à la légalité internationale. Comment
expliquez-vous l’alignement de la France sur la position marocaine ?
Il y a de nombreuses raisons à cela. Mais celle qui est toujours
officiellement avancée est que le Maroc étant un pays en voie de
démocratisation, qui s’est doté en 2011 d’une Constitution consacrant
les principes démocratiques, il ne serait donc pas productif de le
mettre face à ses responsabilités internationales. Cela risquerait,
dit-on, d’interrompre le processus démocratique enclenché et de
déstabiliser le pays. Bien évidemment, personne ne croit à ce discours.
C’est la raison d’Etat et la realpolitik qui commandent en réalité les
relations avec le Maroc. La remarque vaut autant pour la gauche que pour
la droite. Il y a de gros intérêts économiques en jeu. Il y a beaucoup
de grandes entreprises françaises installées au Maroc et des dizaines de
milliers de Français y vivent. En agissant de la sorte, la France
protège ses intérêts. Cela se fait au détriment, bien entendu, du
respect des droits de l’homme et de la question sahraouie.
- Il n’y a que cela ?
Je pense qu’il y a aussi des intérêts stratégiques. Par exemple la
lutte antiterroriste. Après les attentats de Paris, les services
marocains ont été encore mis en avant. Cela se fait alors que nous
n’entendons parler que de djihadistes marocains en France et en Belgique.
Il y a comme une espèce de contradiction avec le tapis rouge que Paris
déroule au roi du Maroc qui est d’ailleurs tout le temps en France. Il
passe les trois quarts de son temps dans son château de Betz, dans
l’Oise.
Au-delà, il y a surtout que le sort de la monarchie marocaine est lié
étroitement au sort du Sahara occidental. Et cela aussi tout le monde le
sait. Cela se vérifie rien qu’à la lecture de la presse marocaine. La
question du Sahara occidental y est centrale. Elle en parle tout le
temps et la propagande officielle y est reprise abondamment. Autre chose
encore : la question sahraouie occupe les trois quarts des discours du
roi.
Il passe son temps à essayer de mobiliser le peuple marocain pour le
maintien des «provinces du Sud». Tous les autres problèmes des Marocains
sont passés au second plan ou sous silence. Entre-temps, nous
constatons une régression inquiétante des droits de l’homme au Maroc
même. Depuis une année et demie, les ONG marocaines de défense des
droits de l’homme sont empêchées de travailler. Une chape de plomb s’est
abattue sur la société. La presse est bâillonnée et des journalistes
sont arrêtés et jetés en prison.
- En France, la presse et les défenseurs des droits de l’homme ont-ils une marge de manœuvre lorsqu’il s’agit des Sahraouis ?
C’est nouveau, la question des droits de l’homme au Maroc fait l’objet
d’émissions de télévision en France et de surcroît à des heures de
grande écoute. Certaines ont chargé le makhzen. Cela s’est produit en
juin dernier au moment de l’amendement des accords judiciaires qui lient
le Maroc et la France. Des journaux se sont également intéressés à la
question de droits humains au Maroc.
C’est le cas de l’hebdomadaire Le Nouvel Obs, qui n’est pourtant pas
connu pour être anti-marocain. Il a consacré trois pages à 3 des 4
militants franco-marocains détenus et torturés au Maroc. Des
emprisonnements qui, l’on se rappelle, ont valu des poursuites
judiciaires en France à Hammouchi, responsable de la DST marocaine.
C’est nouveau, car la monarchie marocaine a été abondamment critiquée
dans ces trois pages. Cependant, Le Nouvel Obs n’a pas parlé du 4e cas.
Il s’agit du défenseur des droits de l’homme sahraoui, Naâma Asfari,
qui croupit actuellement en prison. Son nom n’a même pas été cité.
Pourquoi ? Quand j’ai voulu connaître la raison de «l’omission», on m’a
dit que le «cas Asfari» était particulier. Pourtant Le Nouvel Obs avait
bien parlé de 4 cas. Mais en même temps, cela montre les limites de la
presse et des hommes politiques français. On veut bien dire encore que
les droits de l’homme au Maroc sont bafoués, mais on ne veut toujours
pas parler du Sahara occidental. La limite est là.
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