Devinez qui a dit ça : « Les médias ont échoué dans leur fonction la plus fondamentale (…) Les médias ont raté ce qu’il se passait autour d’eux. » C’est le New York Times au lendemain de l’élection de Donald Trump.
En France, le même scénario est à l’œuvre, la même corruption
médiatique, la même défense des mêmes intérêts, qui poussent vers la
même dérive. Et quelle est la cause de tout ça ? Le New York Times continue, c’est « l’échec de la compréhension de la colère bouillante d’une grande partie de l’électorat qui se sent laissé de côté ».
Un éclair de lucidité dans le journal le plus influent au monde. Mais
Wall Street et le CAC 40 ne se font pas trop de soucis. Ces
autocritiques sont des promesses d’ivrogne. Tout comme en France, en
2002, quand l’extrême droite est arrivée au second tour de la
présidentielle, tout comme en mai 2005 lors du référendum pour le projet
européen, chaque fois que les électeurs ont totalement déjoué médias
et sondages, le monde intello-médiatique, la main sur le cœur, se dit
stupéfait, consterné, atterré, déconnecté de la réalité. Mais, toute
honte bue, quelque jours plus tard, la fabrique du consentement repart
comme d’habitude.
Rien là de bien étonnant, en France, on le sait, quelques
milliardaires contrôlent la quasi totalité des médias. Dans quel
intérêt ? Dans leur intérêt. Qui paie l’orchestre choisit la chanson,
musique et paroles ; austérité, précarité, insécurité, impossibilité.
Pas besoin de donner des ordres, le personnel est bien dressé pour dire
ce à quoi il faut penser et ce qu’il faut en penser. Bientôt il sera
automatisé, les journalistes disparaîtront comme les caissières de
supérette.
Peu de voix discordantes parviennent à se faire entendre. Même si des
journaux résistent, même si des sites d’information se développent, on
est encore bien loin de l’indépendance et des moyens nécessaires pour
contre-balancer la puissante fabrique de l’opinion au service de
l’oligarchie au pouvoir.
Depuis longtemps, LÀ-BAS SI J’Y SUIS fait entendre une autre musique.
Depuis longtemps, nous faisons entendre la « colère bouillante de ceux qui se sentent laissés de côté. »
Pas seulement la colère mais aussi les idées, les luttes, la
solidarité, les bonheurs et parfois les victoires même fragiles comme ce
soir de mai 2011 à Barcelone où Eduardo Galeano nous disait : « cette nuit, vivre vaut la peine. »
C’est la colère de ce monde-là qui ébranle le monde aujourd’hui. Ce
grondement sourd vient de loin, c’est une humiliation douloureuse,
refoulée, rejetée, qui a trop longtemps fermenté et qui glisse vers le
pire si nous ne trouvons pas une autre issue. Il y a urgence. Trump,
Fillon, Valls, Le Pen… Comment imaginer que le ressentiment restera
indéfiniment dans les gorges ? Des cégétistes nous disent pourquoi ils
vont voter F.N. « Entre la peste et le choléra, on va essayer une autre maladie. »
Trente ans de politique néo-libérale ont entraîné ce grand bond en
arrière. Madame Le Pen pourra remercier la gauche libérale qui a imposé
la loi Travail par la force pour plaire au Medef.
C’est une guerre des idées qui ne dit pas son nom, c’est une guerre
asymétrique. Une guérilla dépareillée face à une grande armée qui a tous
les moyens, tous les tuyaux, toutes les données, tout l’argent, les think tanks, les lobbies, les communicants, le marketing, le merchandising, les community managers,
tout pour fabriquer l’opinion. Et voilà pourquoi nous gagnerons. Car
nous avons des convictions, eux fabriquent l’opinion comme ils
fabriqueraient n’importe quelle marchandise.
Écoutez l’histoire du poète Heinrich Heine
Alors qu’il visitait la vieille Europe au 19ème siècle, le poète allemand Heinrich Heine s’était arrêté avec un ami devant la cathédrale d’Amiens. « Dis-moi Heinrich, pourquoi les gens ne sont-ils plus capables de construire des monuments comme celui-là ? » Heine répondit : « dans
ce temps-là, les gens avaient des convictions, nous les modernes, nous
avons des opinions. Il faut plus que des opinions pour construire des
cathédrales. »
Pas sûr que nous allons bâtir des cathédrales avec vos abonnements. Mais voyez ce que LÀ-BAS vous donne à voir, Frédéric Lordon, Noam Chomsky, Jean Ziegler, Éva Joly, Annick Coupé, Alain Badiou, Serge Halimi ou les Pinçon-Charlot. Qu’ont-ils en commun ? Des convictions. De même que les syndicalistes de Tourcoing, les collégiens de Bobigny, les rappeurs de Saint-Denis, les zadistes de Nantes, les féministes voilées ou les insurgés contre la loi Travail,
des convictions. Les convictions des amants de cette nuit où vivre
vaudra la peine, tandis que les autres flotteront à la surface des eaux
glacées des calculs égoïstes.
Notre
but n’est pas de monter notre petite entreprise pour redresser
seulement l’opinion dans l’autre sens, c’est d’abord de continuer ce
long combat pour l’émancipation, avec les convictions qui sont les
nôtres, les vôtres aussi si vous le voulez, en participant au
développement de LÀ-BAS. Un autre journalisme est possible, rigoureux,
populaire, joyeux, modeste, génial, nettement plus près des jetables que
des notables, utile pour retrouver le goût du possible et pour
comprendre et faire comprendre qu’ils seront grands tant que nous
resterons à genoux.
Daniel Mermet
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