Il est à rappeler que le Front Polisario avait fait le choix de
saisir le Tribunal européen, en 2012, pour faire juger que l’accord
conclu avec le Maroc ne pouvait pas s’appliquer sur le territoire du
Sahara occidental. De ce point de vue, sa démarche, qui avait été
accueillie par le Tribunal dans son arrêt du 10 décembre 2015, est une
nouvelle fois confortée.
Tout d’abord, l’avocat général est clair pour dire que “le Front
Polisario a la capacité d’ester en justice devant les juridictions de
l’union [européenne] (Art. 262-4 TFUE).
Il ajoute : ” […] Sa reconnaissance en tant que mouvement national
de libération par plusieurs Etats, de représentants du peuple du Sahara
occidental par l’assemblée générale de l’ONU, son adhésion comme membre à
l’organisation internationale “Union Africaine”, la conclusion
d’accords avec la République islamique de Mauritanie et le Royaume du
Maroc, et l’engagement à respecter les conventions de Genève du 12 août
1949 pour la protection des victimes de la guerre, prix conformément à
l’article 96 § 3 du protocole additionnel relatif à la protection des
victimes des conflits armés internationaux du 8 juin 1977, milite plutôt
en faveur de la reconnaissance de la personnalité juridique que le
droit international reconnaît aux mouvements nationaux de libération”.
Ensuite, et sur le fond, l’avocat général expose – et c’est là
l’essentiel – que “le Sahara occidental ne fait pas partie du territoire
du Maroc et dans ces conditions ni l’accord d’association UE Maroc, ni
l’accord de libéralisation ne lui sont applicables”. En effet, dans la
mesure où le Sahara occidental est inscrit sur la liste des territoires
non autonomes de l’ONU depuis 1963, il relève de l’application de la
résolution 1514 (XV) portant sur l’exercice du droit à
l’autodétermination par les peuples coloniaux. Ainsi, le Sahara
occidental ne dépend pas de la souveraineté du Maroc, ni du régime des
“territoires disputés” (§ 73) et d’ailleurs, les institutions
européennes n’ont jamais reconnu que le Sahara occidental faisait partie
du territoire du Maroc ou relevait de sa souveraineté (§ 82).
Au vu de ces éléments, l’avocat général conclut : “Le Sahara
occidental ne peut faire partie du territoire du royaume du Maroc au
sens de l’article 94 de l’accord d’association. Par conséquent les
accords d’association et de libération ne lui sont pas applicables” (§
82).
Tous ces éléments sont entièrement satisfaisants pour le Front
Polisario, mais celui-ci marque sa désapprobation avec l’analyse faite
par l’avocat général quant à la pratique de l’Union européenne au Sahara
occidental, faite à partir de cet accord. En effet, il est établi par
le dossier que l’Union européenne est présente au Sahara occidental,
mais l’avocat général estime que cette pratique ne lui paraît pas
“susceptible d’étendre le champ d’application des accords au Sahara
occidental”, contrairement à ce qu’avait jugé le tribunal. C’est une
analyse des faits qui est très contestable, et même le Maroc revendique
d’appliquer l’accord au Sahara Occidental.
Ceci étant, l’essentiel est la non-souveraineté du Maroc sur le
Sahara Occidental. Voir une haute autorité juridictionnelle européenne
reconnaître que le Front Polisario peut agir en justice en droit
européen, et que le Sahara occidental ne relève pas de la souveraineté
du Maroc sont des éléments décisifs, qui étaient le but central du
procès.
D’ailleurs, à l’occasion d’une question parlementaire, Madame
Mogherini, ce 4 aout 2016 a indiqué que la Commission avait modifié la
carte du Maroc, qui incluait le Sahara occidental, sur le site de
l’Union européenne, précisant que la carte avait été corrigée “pour
respecter les standards du droit international”, soulignant que
“l’utilisation des appellations n’impliquait pas une reconnaissance
officielle par l’Union européenne”. Elle a également expliqué que
l’Office alimentaire et vétérinaire a déprogrammé les quatre audits qui
étaient prévus au Sahara occidental pour 2016.
On retrouve donc une concordance forte entre la décision du Tribunal
du 10 décembre 2015, la réponse de Madame Mogherini du 4 aout 2016 et
les conclusions de l’avocat général du 13 septembre 2016 pour dire que
le Maroc n’est pas souverain au Sahara occidental et qu’il ne peut pas y
avoir d’extension valable de l’application des accords conclus entre
l’Union européenne et le Maroc. Le Front Polisario attend sereinement
l’arrêt de la Cour et reste disponible pour toute discussion franche et
sincère avec le Conseil et la Commission européens.
Bir Lahlou, le 13 septembre 2016 (SPS)
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