Très beau texte !
Une lectrice de La Nouvelle Tribune, qui fait partie de la famille de
la personne grièvement blessée par des jets de pierres sur les voitures
au niveau de l’autoroute de Bouznika, nous a fait parvenir ce texte «
coup de gueule », dans lequel elle déplore l’insécurité permanente qui
règne dans les villes marocaines, et appelle les membres du gouvernement
à réagir.
Le jour…
Où tu es devant chez toi, et deux
gars en moto te frôlent, chopent ton sac et te traînent sur une
vingtaine de mètres pour le plaisir de te voir rebondir comme une balle
sur l’asphalte… Cela te semble normal.
Où tu entends tes enfants
te dire que leur prof est sur son mobile pendant toute l’heure de cours
parce qu’il veut tout sauf avoir à leur parler, à leur apprendre ou même
à les entendre.
Cela te semble normal.
Cela te semble normal.
Où tu t’interdis de
prendre le train après la tombée de la nuit, parce que tu es certaine
qu’au minimum on va te harceler et au maximum on va te tuer sur le quai
de la gare de la petite ville. Cela te semble normal.
Où tu t’enfermes dans la voiture, vitres montées pour rouler en ville, en suffoquant sous 35 degrés. Cela te semble normal.
Où sous ton regard impuissant, une petite fille de 4 ans vend des chewing-gums au feu rouge du coin. Cela te semble normal.
Où marcher dans une rue commerçante en pleine journée avec le ventre
noué est ton quotidien, et tu te demandes si tu vas rentrer chez toi
avec ton visage à moitié balafré. Cela te semble normal.
Où tu
rencontres environ toutes les 3 secondes des gars totalement « défoncés »
au karkoubi prêts à te déchiqueter. Cela te semble normal.
Où tu prends la route en priant pour qu’aucun pavé ne te soit balancé par dessus un pont. Cela te semble normal.
Où quand tu as traversé la rue, sur le passage piéton et au feu rouge,
tu as réussi l’exploit de ne pas te faire arracher la jambe
successivement par deux voitures. Cela te semble normal.
Où en te
promenant sur une corniche, tu rencontres successivement en moins de
100 mètres : un aveugle, un handicapé moteur, un homme sans jambes, une
femmes sans bras, une adolescente en haillons, une vieille femme la peau
sur les os en pleurs, et tu sais que tu ne peux rien faire… cela te
semble normal.
Où tu as peur le soir, après avoir dîné avec des
amis, de faire une banale crevaison en pleine ville, parce que tu es
seule et que tu vas te faire dépecer. Cela te semble normal.
Où
tu appelles ta fille qui est au lycée environ 10 fois, parce que tu sais
qu’elle a déjeuné dans le quartier, et que tu veux t’assurer qu’elle ne
s’est pas faite violer par un fou furieux. Cela te semble normal.
Où tu as rendu visite à ton ami aux urgences d’un hôpital de Casablanca
(la capital économique du Maroc), et tu as dû enjamber des dizaines de
malades affalés par terre faute de lit, sur un sol baigné de sang, sous
le regard désespéré des médecins impuissants. Cela te semble normal.
Dites, Mesdames et Messieurs les ministres, et en premier lieu Monsieur
le Chef du gouvernement, censés être responsables de nos vies….
Est-ce que vous vous trouvez normal que la moitié de nos salaires soit
ponctionnée pour les impôts et que nous, nous trouvions normal de vivre
dans une totale insécurité, totale injustice, que notre système éducatif
soit totalement inexistant, et que nos centres hospitaliers soient
quant à eux totalement flippants?
Et que de plus en plus, il est
normal de payer des sommes astronomiques pour l’éducation et pour
préserver la santé des enfants? Et les 95% restant de notre population
qui n’y peuvent rien! Ils font quoi, Mesdames et Messieurs du
gouvernement?
Que nous vivons dans une terreur constante de nous faire agresser, tuer ou renverser?
Chers membres du gouvernement, vous mettez un peu le nez dehors, ou pas?
Nous sommes arrivés au jour où le pire nous semble normal.
Une lectrice de La Nouvelle Tribune
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